Tensions sur la noisette : l'opportunité française
La presse s'est régalée cet été du scénario catastrophe des risques de ruptures de stocks de Nutella pour cause de mauvaise récolte de noisettes. Sans être fausse, cette information était simplement un peu exagérée. C'est en tout cas le point de vue de Christian Pezzini, directeur d'Uni-coque (une coopérative de Lot-et-Garonne) principal producteur français. « Effectivement, il va y avoir un souci cette année parce que la Turquie, premier producteur mondial, a perdu 25 % de sa récolte à cause du gel. C'est cyclique, ça arrive une fois tous les dix ans. Sa prédominance est telle sur le marché que chaque fois que la Turquie éternue, le monde entier tremble. » Et quand ” elle apprend que 25 % de production perdus par la Turquie cette année correspondent à la consommation annuelle de Ferrero, premier consommateur mondial de noisettes, la presse s'emballe… Pour autant, un brin ironique, le directeur d'Unicoque relativise : « Même si la situation est tendue, ce n'est pas dramatique, ça grogne parce que les entreprises agroalimentaires qui payent déjà le chocolat très cher vont devoir aussi payer très cher pour les noisettes, cela fera quelques centaines de millions d'euros en moins dans leurs bénéfices cette année, car ils ne parviendront pas à revaloriser les prix auprès de la grande distribution. » Pour la coopérative, l'opportunité est belle. « Nous allons essayer de profiter de cette pénurie pour augmenter nos prix, sans nous couper non plus de nos clients et consommateurs », lance son directeur.
“ C'est cyclique, ça arrive une fois tous les dix ans
Maîtrisant 60 % des volumes européens de noisettes coque (une production qui se commercialise en fin d'année avec 80 % du chiffre d'affaires réalisé en un mois et demi), Unicoque entend en plus se servir du déséquilibre structurel du marché pour se développer sur le fruit destiné à l'industrie. « Nous avons élaboré un plan de développement qui doit nous amener à 30 000 tonnes en 2030 après 20 000 en 2020 », rappelle Christian Pezzini. La coopérative recrute de nouveaux producteurs, principalement chez les agriculteurs qui abandonnent l'élevage et veulent transmettre une exploitation viable ainsi que chez les céréaliers inquiets des évolutions de la Pac. Le tout, dans un rayon de 100 kilomètres autour de Cancon, capitale française de la noisette.
« La moitié des plantations aujourd'hui concerne des extensions de vergers existants et l'autre moitié est constituée de créations... Notre modèle, c'est un homme, une machine, 40 hectares. Avec la mécanisation, nous avons un coût de production presque semblable à celui de la Turquie où la production est encore traditionnelle et récoltée à la main », détaille-t-il. Avec pour objectif à terme de parvenir à réorienter la production de la coopérative pour un tiers, puis deux tiers, vers la noisette destinée à la transformation. « Même si la Chine est un marché en devenir, il est clair que la noisette coque a des perspectives limitées », ajoute-t-il. Avec ses 8 000 tonnes, Unicoque représente pour l'heure 1 % du marché mondial.