Sucre : l’horizon s’éclaircit mais les risques persistent
La filière betterave française souffle : les prix sont remontés et sont appelés à croître de nouveau en 2023. Mais rien n’est certain, tant les prix sont volatils, maintenant l’incertitude.
Après trois années difficiles, la filière betterave retrouve des couleurs en France et dans le monde. La tonne de sucre atteint aujourd’hui une valeur de 436 euros en sortie de sucrerie en France. Elle a dépassé le prix de référence de 404 euros en octobre 2021, après être restée sous ce seuil durant 47 mois consécutifs.
La filière souffle ainsi un grand coup, n’étant plus classée en zone à risque. Mais la période 2018-2021, rimant avec la fin des quotas, aura fait beaucoup de mal à la filière française, avec une diminution des surfaces de 16 % entre 2018 et 2022. « L’excellente récolte de 2018 à l’échelle mondiale avait entraîné la chute des prix », rappelle Timothé Masson, expert marché de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).
Plus de quatre ans après, la donne a bien changé. « Le prix de l’énergie a été multiplié par cinq. Pour sa transformation, la betterave en consomme beaucoup. La hausse de la betterave était d’autant plus nécessaire dans ce contexte d’inflation actuel », note Timothé Masson. Au total, les coûts de production du sucre ont augmenté de 20 % en un an. « L’augmentation du prix du sucre ne permettra pas pour autant à la filière d’être plus rentable », ajoute-t-il.
Entre 800 et 850 euros la tonne
Si le prix de la tonne de sucre augmente en sortie de sucrerie, le cours mondial s’envole d’autant plus. On parle d’une tonne de sucre valant entre 800 et 850 euros pour 2023 dans l’Union européenne. « Après trois années pendant lesquelles la betterave n’a pas payé, nous espérons que les négociations pour la prochaine campagne se feront autour de cette base. Nous aimerions que ces hausses arrivent plus rapidement », illustre Timothé Masson. La hausse des prix doit ainsi couvrir les frais de transformation en plus de maintenir la filière française.
Le cours du sucre porté par l’éthanol
Le cours du sucre est porté par la hausse vertigineuse de l’essence, et donc de l’éthanol dans son sillon. « En temps normal, l’hectolitre d’éthanol se situe autour de 75 euros. Il a dépassé aujourd’hui la centaine d’euros », souligne Timothé Masson. Les producteurs de sucre se tournent ainsi davantage vers l’éthanol, entraînant une chute du niveau des stocks jamais vu depuis une dizaine d’années.
La raréfaction des ressources conjuguée à de mauvaises récoltes provoque mécaniquement la remontée des cours. « Le Brésil se dirige plutôt vers l’éthanol. Étant le plus gros producteur mondial de sucre, si le pays réoriente 1 % de sa production, cela représente 1 million de tonnes », précise Timothé Masson. À l’issue de la campagne sucrière brésilienne de 2021, 60 % des volumes ont pris le chemin de l’éthanol, contre seulement 52 % en 2020.
« La hausse des prix est bienvenue »
Timothé Masson, expert marché de la CGB
Les coopératives françaises Cristal Union et Tereos ont annoncé des prix de 40 euros la tonne de betteraves pour 2023. « Le problème : ce ne sont que des promesses, et les agriculteurs sortent de plusieurs années difficiles. En plus de la jaunisse, certains ont eu des problèmes de charançons dans certaines régions, avertit Timothé Masson. On est passés de culture très sûre à culture à risque, sans aucune contractualisation. »
Concurrence forte du colza
« La hausse des prix de la betterave est bienvenue », assure Timothé Masson, car l’orge, le tournesol et surtout le colza atteignant des records, les agriculteurs s’y tourneraient davantage sans cette revalorisation. « Les contraintes d’utilisation des néonicotinoïdes sont lourdes, regrette Timothé Masson. De nombreux producteurs se désengagent de la culture de la betterave. Les 40 euros annoncés sont nécessaires pour rester compétitifs face au colza », dont le prix de la tonne est toujours compris entre 700 et 750 euros.