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DOSSIER
Redonner l'envie de lait

Bien que bénéficiant d'une image spontanément positive, le lait affiche une consommation en baisse depuis plusieurs années. Pour pallier le manque de valorisation, les entreprises laitières et les distributeurs tentent de créer de nouveaux concepts tant pour le packaging que pour le marchandising.

 

Consommé par environ 3 Français sur 4, notamment les plus jeunes (58 % de la consommation de lait est faite par les moins de 35 ans), le lait connaît cependant, depuis plusieurs années, une baisse structurelle. En 10
ans, le marché du lait de consommation a perdu plus de 280 millions de litres.
On observe une érosion des actes de consommation, quelles que soient les cibles, une réduction des quantités consommées et une concentration extrême des occasions de consommation autour du petit-déjeuner. Sur
ce produit de première nécessité, les lancements à marque de ces dernières années ont rarement connu le succès escompté. « Si l'on fait exception
de Matin Léger, les marques nationales n'ont pas fait leur travail d'innovation », juge un intervenant.

Stigmatisant aussi leur activité insuffisante en communication. Également au banc des accusés : la LME qui a rapproché le prix des MDD et des marques.

« Aujourd'hui, du fait des promotions, on peut acheter un lait à marque nationale au prix d'une MDD », rappelle un observateur. Et certains s'interrogent.
Est-il normal que le PVC moyen d'un litre de lait soit inférieur à celui d'un litre d'eau ? Depuis le passage à l'euro, son prix n'a pas augmenté
(0,55 EUR/l en moyenne pour un premier prix, contre 3,50 francs à l'époque). Un cas à comparer à celui d'un autre produit de base : la baguette de pain. Candia apporte un bémol et fait état d'une forte hausse des PVC moyens du lait en grande distribution au global (+23,9 % entre 2000 et 2011), malgré l'augmentation des volumes vendus en promotion. Toutefois, « contrairement au marché des soft drinks ou à celui des jus de fruits, la sensibilité à la marque ne serait plus une réalité », jugent certains.
Le lait ne serait pas loin de devenir un produit totalement banalisé. La filiale du groupe Sodiaal indique qu'en 2011, ce sont principalement les marques et leurs catégories clés qui ont souffert du recul du marché, car la valeur des marques est peu perçue et a été peu communiquée.

 

LE LAIT DE CONSOMMATION REPRÉSENTE 15 % DES DÉBOUCHÉS DU LAIT EN FRANCE

LE LAIT, UNE IMAGE SPONTANÉMENT POSITIVE

 

Et pourtant, le lait bénéficie auprès des Français d'une image spontanément positive. La banalisation de l'offre est-elle la seule responsable de la baisse de la consommation ? Le Cniel a confié à Nicole Demarty de la société d'études Analyses et Stratégies, le soin d'explorer les savoirs et les imaginaires liés au lait afin d'élucider l'énigme de la dé-consommation et de mettre en évidence les principaux leviers susceptibles de le remettre au goût du jour auprès d'une cible élargie. «L'imaginaire du lait est très positif », confirme-t-elle. Il est acquis très tôt, par le vécu pendant des vacances à la ferme, mais aussi grâce à un discours « officiel » relayé par l'école, la télévision... et surtout transmis par la mère. « C'est donc un imaginaire stéréotypé, uniformément restitué, qui n'est pas forcément positif quand on veut sortir des chemins battus », explique-t-elle. Car tout est idéalisé et sanctuarisé autour du lait : la vache placée au centre est décrite paisible et heureuse, dans une nature verdoyante ; sa richesse en calcium lui attribue le statut d'un aliment pour les « faibles » (enfants et seniors).


« Ainsi, bien que le lait s'inscrive dans les fondamentaux alimentaires, il fait partie d'un rituel auprès de cibles bien identifiées », poursuit-elle.
Comment sortir le lait de cette logique réductrice pour en faire un produit plus moderne, apte à être exhibé notamment par les adolescents ? Il y a une histoire rêvée du lait qui s'écarte de la réalité et c'est là où se trouvent
probablement les leviers à actionner. « La production de lait à la ferme a une image valorisante ancrée autour de la vache et le fermier.
La transformation, garante de l'hygiène, joue un rôle neutre bien qu'elle gagne à être plus connue. C'est au niveau de la distribution que se concentrent les points négatifs. Les consommateurs considèrent que le lait est traité avec mépris et dévalorisé : 'au fond du magasin, à côté des toilettes'. S'y ajoute des emballages qui offrent peu de rêve et qui ne correspondent souvent pas à la promesse comme c'est le cas pour le lait bio présenté en brique en carton », rapporte Nicole Demarty. L'imaginaire positif lié à l'étape de la production du lait à la ferme n'a pas le pouvoir de contrebalancer le poids négatif de l'emballage et de la distribution qui n'engendrent pas de désir de consommer bien au contraire. Nicole Demarty suggère de créer de nouveaux concepts de modernité tant pour le packaging que pour le marchandising. Ce que tentent de faire les entreprises et les distributeurs.


« En dehors des pays nordiques, où il existe une culture du lait boisson, les adolescents posent problème », reconnaît Emmanuel Vasseneix,
PDG de la Laiterie Saint-Denis de l'Hôtel. « La difficulté est d'ailleurs la même sur les jus de fruits. Passé l'âge de 10 ans, les laits aromatisés ne fonctionnent plus. Les adolescents reportent leur consommation sur les sodas. Il y aurait un vrai travail à faire sur le lait boisson. Il faut apporter du fun. »

 

LA FRANCE ARRIVE EN 12E POSITION POUR LA CONSOMMATION DE LAIT DANS L'UNION EUROPÉENNE AVEC 58,5 KILOS PAR HABITANT PAR AN.

 

BOIRE DU LAIT, UN CHOIX

 

L'esthétisation de l'alimentation porte la qualité. C'est vers cet axe que les regards se tournent pour dé-sanctuariser le lait et le re-sacraliser
auprès des consommateurs les plus inaccessibles. C'est tout à fait possible estime Nicole Demarty : « le lait est un, mais il est aussi multiple car il a la capacité de s'adapter et de répondre aux attentes de modernité : mode
de consommation déstructuré, grignotage sain, capacité à accepter toutes sortes d'ajouts personnels (au-delà du chocolat ou du café), diversification
des lieux de consommation, promesses de santé axées sur les bénéfices plus que sur les apports... » D'autant plus que son potentiel imaginaire puissamment soutenu par la nostalgie idéalisée de l'enfance, qui constitue un socle indéfectible, lui octroie une confiance plus forte que dans d'autres catégories de produits de grande consommation. Alors, pourquoi tarder à réinscrire le lait dans la modernité, à le sortir de la maison et lui faire
conquérir le monde adulte ?


L'emballage concentre toutes les attentes de renouveau et d'innovation. « Faire sauter la capsule », suggèrent les jeunes. La communication et la distribution sont les vecteurs de la transmission de la modernité qui passe par
une place de choix et une visibilité valorisante, près du rayon frais par exemple ! Créateurs à vos pinceaux ! Le lait est une toile blanche qui
attend vos impressions pour que boire du lait devienne un choix et non seulement un rituel.


ANNE-CAROLINE RENARD ET RITA LEMOINE

 

Moins de lait au petit-déjeuner

 

L'étude du Crédoc réalisée pour le Cniel sur la base de l'enquête CCAF 2010(1)
confirme que le petit-déjeuner reste une occasion de consommation incontournable pour la quasi-totalité des Français, quel que soit leur âge. Si enfants et adultes sont moins nombreux qu'en 2007 à en prendre un tous les
jours, peu sautent systématiquement ce repas. Il est majoritairement
pris à domicile, seul (sauf pour les jeunes enfants), principalement avant 9 heures, en 21 minutes environ (un peu moins en semaine, un peu plus le weekend). Cette durée moyenne a augmenté de une à deux minutes en 3 ans, à part chez les 35-44 ans.


Sans surprise, la consommation de lait au petit-déjeuner diminue progressivement avec l'âge au profit des boissons chaudes. Chez les enfants et les adolescents, il est surtout concurrencé par les jus de fruits. Mais 77% des petits-déjeuners contiennent du lait chez les premiers, et 60 % chez les seconds, contre 46 % chez les adultes. Chez les jeunes adultes, le lait totalise toutefois encore près de 44 % des quantités de liquides consommés à cette occasion, contre 36 % après 25 ans, moins de 20 % après 35 ans et 25 % après 65 ans.

Et le relais du lait ne semble pas être pris par l'ultra-frais laitier. Entre 2003 et 2010, la part de celui-ci dans les quantités d'aliments solides présents au petit-déjeuner a diminué. Chez les enfants, elle atteint 7,8 % des volumes
consommés et 9,2 % chez les adolescents. Chez les adultes, après avoir nettement augmentée entre 2003 et 2007, elle a diminué pour se situer
à 10,7 %. La pénétration, elle, est restée stable à 54 % alors que chez les enfants et les adolescents, elle accuse un recul de 89 % à 86 % chez les premiers et de 87 % à 70 % chez les seconds. R. L, A.-C. R.

 

(1) Comportements et consommations

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