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CHRONIQUE
Pratiques commerciales déloyales : douze infractions pour non-transposition de règles européennes

La Commission européenne a fait savoir, le 28 juillet 2021, qu’elle avait engagé des procédures d’infraction contre douze États membres pour défaut de transposition des règles de l’Union européenne interdisant les pratiques commerciales déloyales dans le secteur agroalimentaire.

Didier Le Goff, avocat
Didier Le Goff, avocat
© DR

Adoptée le 17 avril 2019, la directive sur les pratiques commerciales déloyales au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire vise à une harmonisation minimale du droit des États membres, en ce qui concerne seize pratiques articulées en deux groupes, selon la même logique que la directive qui ressort de celle sur les pratiques commerciales trompeuses applicable dans les relations entre professionnels et consommateurs.

Dans le premier groupe figurent des pratiques qui sont interdites en toutes circonstances, comme le dépassement de délai de paiement ou l’interdiction pour l’acheteur de demander au fournisseur un paiement qui n’est pas en lien avec la vente de produits agricoles et alimentaires, l’annulation de commande à brève échéance ou la menace de représailles par l’acheteur si le fournisseur exerce ses droits, entre autres pratiques.

Dans le second groupe figurent des pratiques qui sont interdites « à moins qu’elles n’aient été préalablement convenues en termes clairs et dépourvus d’ambiguïté dans l’accord de fourniture ou dans tout accord ultérieur entre le fournisseur et l’acheteur ».

Un règlement unifié au niveau européen

Il s’agit donc, dans ce second groupe, de pratiques qui peuvent rentrer dans le champ de la négociation, mais qui doivent ressortir expressément et extrêmement clairement de l’accord écrit signé entre l’acheteur et le fournisseur, et dont on imagine bien qu’elles devront être assorties d’une contrepartie véritable.

Compte tenu des disparités importantes existant dans le droit des États membres en ce qui concerne ces préoccupations de concurrence, c’est la directive qui avait été choisie plutôt que le règlement.

Rappelons que la directive vise à harmoniser les droits des États membres. Ceux-ci peuvent, sur ces bases, adopter des dispositions nationales plus strictes, à condition qu’elles restent compatibles avec le droit de l’Union européenne – harmonisation qui intervient donc, dans chaque État membre, par une transposition de la directive en droit national, lorsque le règlement pose des règles de droit positif directement applicables dans chaque État membre sans transposition.

De son côté, le règlement ne vise pas à harmoniser les droits des États membres sur des bases minimales, mais à les unifier.

Au cas d’espèce, les États membres avaient jusqu’au 1er mai 2021 pour transposer la directive du 17 avril 2019. À cette date, seuls quinze États membres avaient indiqué avoir réalisé une transposition complète.

Harmonisation partielle de la France

La France, pour laquelle ces questions de rapports commerciaux entre fournisseurs et distributeurs sont très sensibles depuis de nombreuses années, n’avait en réalité adopté au 1er mai 2021 que treize des dispositifs visés par la directive, notamment à travers la loi Egalim, ou l’ordonnance du 24 avril 2019 qui avait restreint le champ du droit des pratiques restrictives.

Il lui restait à harmoniser son droit en ce qui concerne trois pratiques illicites générales. À savoir : l’interdiction d’annuler une commande à trop brève échéance ; l’interdiction d’obtenir, d’utiliser ou de divulguer le secret des affaires ; l’interdiction de refuser de confirmer par écrit les conditions d’un contrat.

Elle fait donc bien partie des douze États membres qui ont été mis en demeure par la Commission européenne, et il lui appartient de répondre à cette mise en demeure sous 2 mois. Cependant, pour ce qui la concerne, la réponse ne devrait pas être difficile à apporter, car le 1er juillet 2021 a été publiée au Journal officiel l’ordonnance du 30 juin 2021 qui achève la transposition de la directive. Cette ordonnance met en harmonie notre droit avec les exigences européennes avec 2 mois de retard.

En conclusion, la remarquable célérité de la Commission européenne à réagir à ces défauts de transposition dans les délais doit être notée, car la France a pu faire preuve, par le passé, d’une grande lenteur pour transposer à son rythme les directives, comme celle sur la responsabilité du fait des produits défectueux, transposée tellement tard en France que plus aucune option ne lui était ouverte.

Maître Didier Le Goff

Fort d’une expérience de plus de vingt-cinq années, dont près de vingt ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire. Il a fondé, en 2018, avec quatre confrères de spécialités et barreaux différents, une plateforme dédiée aux segments de marché de l’agroalimentaire. www.dlegoff-avocat.fr – 24 bis, rue Greuze - 75 116 Paris.

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