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Porc : réflexions autour d’une viande plus goûteuse

Les consommateurs se plaignent de plus en plus du manque de goût de la viande de porc. Comment y remédier quand l’essentiel de la carcasse est valorisé dans l’industrie charcutière qui demande, elle, des pièces maigres ? Tentative de réponse avec Gilles Nassy, directeur du pôle viande et charcuterie de l’Institut technique du porc (Ifip).

Gilles Nassy, directeur du pôle viande et charcuterie de l'Ifip.
© DR

Les Marchés Hebdo : De plus en plus de consommateurs réclament une meilleure alimentation, notamment sur le plan organoleptique. Comment les industriels de la viande de porc peuvent-ils y répondre ?

Gilles Nassy : Difficilement à l’heure actuelle, car le schéma industriel de la filière fait de la viande de porc un coproduit de la charcuterie-salaison, industrie qui valorise 70 % de la production porcine en volume dans l’Hexagone. Les salaisonniers travaillant le cuit ont besoin d’une viande maigre – il en va autrement dans la charcuterie sèche qui apprécie le gras –, la grille des prix en vigueur pénalise les viandes trop grasses. Or, c’est le gras qui donne à la viande son persillé et donc le goût, sa tendreté, sa jutosité, etc. C’est la raison pour laquelle jamais une marque ne s’est imposée sur le marché de la viande de porc en France. Sans marque, pas d’innovation ni de marketing, pas de segmentation : c’est un marché de masse alimenté en pièces que la grande distribution découpe et met en rayon. Même sur le segment des produits élaborés, celui des saucisses, l’axe sensoriel n’est pas mis en avant.

La grille pénalise les viandes trop grasses

LMH : Est-il possible, pour les industriels, de modifier leur schéma pour améliorer la qualité de la viande et répondre à la demande ?

G. N. : Plusieurs études démontrent qu’un taux égal ou supérieur à 2,5 % de lipides intramusculaires améliore la tendreté et la jutosité de la viande, alors que la viande de porc française en contient en moyenne 1,5 à 2 %. 2,5 %, c’est un point de bascule sensorielle. Pour l’atteindre, les filières peuvent avoir recours à une alimentation enrichie, retarder l’âge de l’abattage ou avoir recours à une génétique de type Duroc français en voie mâle réputée pour produire plus de gras plutôt qu’utiliser la génétique la plus répandue en France, le Piétrain. Si la génétique Piétrain est massivement utilisée en France, c’est parce qu’elle procure les meilleures performances en coûts de production et taux de muscles. On assiste cependant à l’émergence d’initiatives de filière à la marge, dans le Sud-Ouest notamment.

LMH : Comment ces filières se mettent-elles en place ?

G. N. : Lorsque tous les maillons y voient leur intérêt. Il faut noter qu’elles se mettent en place prioritairement dans le Sud-Ouest en raison de l’importance de la charcuterie sèche qui a besoin de jambons gras. Des industriels ont ainsi modifié leur grille de paiement de porcs pour moins pénaliser les porcs gras. En bout de chaîne, il y a aussi des distributeurs régionaux qui communiquent sur la qualité sensorielle de la viande plus grasse qu’ils mettent en rayon.

LMH : Ces productions de niche peuvent-elles se développer demain ?

G. N. : Je pense que oui, à condition que les industriels de la viande et des salaisons parviennent à répercuter ensemble les surcoûts. Il y a cependant un frein à l’obtention d’une viande plus grasse et plus goûteuse : le développement de la non-castration en production. Non seulement les mâles entiers déposent moins de gras, mais ils doivent être abattus jeunes pour ne pas développer d’odeurs sexuelles.

Une viande plus grasse en label Rouge ?

Le Syndicat des labels porc et charcuterie (Sylaporc) n’intègre pas dans son socle commun un taux minimal de gras. Aujourd’hui, « le label Rouge en porc (5,4 % de la production porcine française avec 900 éleveurs, 35 abatteurs et 120 transformateurs, ndlr) fixe des critères minimums en matière d’espace, d’alimentation, d’âge d’abattage, notamment », explique Caroline Gallard, animatrice du Sylaporc. Cependant, les cahiers des charges (une quinzaine) sont libres d’intégrer des items supplémentaires. Par exemple, environ le tiers d’entre eux utilise de la génétique Duroc français. Le porc en label Rouge s’écoule à 40 % sur le marché de la viande fraîche et 60 % en charcuterie. La question d’une viande plus grasse revient régulièrement sur la table du conseil du Sylaporc. Mais rien n’est encore décidé.

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