Chronique
Plusieurs pratiques sanctionnées dans le secteur vinicole
Par deux décisions (17 septembre et 29 octobre 2020), l’Autorité de la concurrence vient de sanctionner différentes pratiques dans le secteur vinicole, toutes révélées par des enquêtes de la DGCCRF.
Par deux décisions (17 septembre et 29 octobre 2020), l’Autorité de la concurrence vient de sanctionner différentes pratiques dans le secteur vinicole, toutes révélées par des enquêtes de la DGCCRF.
Deux décisions de l’Autorité de la concurrence (ADLC) viennent de sanctionner des pratiques dans le secteur vinicole. La première affaire concerne des exclusivités d’importation entre le centre vinicole Champagne Nicolas Feuillatte et des importateurs aux Antilles. Or ces exclusivités sont interdites depuis 2013 par la loi Lurel dont l’objectif est de lutter contre la vie chère aux Antilles.
Des contrats prévoyant des clauses d’exclusivité ont permis à l’ADLC de caractériser l’infraction pendant une première période. À l’issue de celle-ci, l’ADLC a relevé une volonté commune des parties de continuer à appliquer une exclusivité d’importation même après la fin de ces contrats puisque, notamment, le fournisseur avait « opposé des refus de vente à certains distributeurs […] en arguant des relations établies avec [l’importateur exclusif] sur ce territoire » et qu’« un système de numéros de lots différents afin d’identifier les bouteilles importées par d’autres importateurs-grossistes » avait été mis en place.
Antilles : conséquences sur le pouvoir d’achat des consommateurs
Les parties ont tenté de justifier la pratique. En vain. L’ADLC indique qu’elles ne démontrent pas en quoi « l’exclusivité d’importation serait plus efficace pour limiter la hausse des prix de détail payés par les consommateurs qu’un système d’importation non exclusif conduisant à une répartition de l’approvisionnement ».
L’ADLC note que la gravité de la pratique est établie, notamment au vu du pouvoir d’achat plus faible des consommateurs des DROM-COM qu’en métropole, ceux-ci étant donc « particulièrement susceptibles de subir les effets des comportements sanctionnés ». Le dommage à l’économie est certain, mais est toutefois limité (concurrence forte entre les marques de champagne…). Par conséquent, l’ADLC inflige une amende totale aux opérateurs de 642 000 euros.
Dans une autre décision, l’ADLC a sanctionné trois organisations professionnelles du secteur du vin d’Alsace (l’Ava, le GPNVA et le Civa) pour avoir participé à des ententes sur les prix.
Premièrement, l’ADLC leur reproche d’avoir mené des discussions visant à fixer le prix du raisin. Ces prix étaient en outre publiés dans une revue professionnelle sous forme de recommandations syndicales, dont l’Ava suivait la bonne application.
L’ADLC rappelle, en réponse à un argument des parties, que « l’existence d’une crise sur le marché [n’est pas] de nature à enlever à des ententes sur les prix leur caractère anticoncurrentiel ». Elle conclut que, en dépit du caractère non impératif des prix négociés, cela a « incité les vignerons à se détourner d’une appréhension directe et personnelle de leurs coûts, limitant ainsi le libre jeu de la concurrence ».
Les parties soulignaient également que l’administration elle-même avait participé aux discussions sur le prix du raisin. L’ADLC répond qu’« une intervention publique ne peut constituer une […] cause d’exonération que si le cadre juridique qu’elle fixe est contraignant pour les entreprises concernées ». Or, en l’espèce, les parties ne démontraient pas que l’administration les avait contraintes dans la réalisation des pratiques en cause, bien au contraire, des preuves démontraient qu’elle les avait averties du caractère anticoncurrentiel des discussions.
Deuxièmement, le Civa publiait à la fin de chaque récolte des prix indicatifs sur le vin en vrac. Pour l’ADLC, cette diffusion de prix est une orientation sur le prix futur du vin en vrac et présente un caractère normatif. À l’instar des prix négociés sur le raisin, cette recommandation tarifaire « détourne les opérateurs d’une appréhension directe et personnelle de leurs coûts, limitant ainsi le libre jeu de la concurrence » et présente donc un caractère anticoncurrentiel.
S’agissant d’organisations professionnelles, les sanctions (d’un montant global de 376 000 euros) ont été calculées sur la base de leurs ressources propres, c’est-à-dire notamment les cotisations payées par leurs membres.
Le cabinet Racine
Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires, qui regroupe plus de 200 professionnels du droit dans sept bureaux (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Bruxelles), dont 30 associés et 70 collaborateurs à Paris. Valérie Ledoux, associée et co-managing partner du cabinet, y traite des questions relatives à la concurrence, la distribution, aux contrats et à la propriété intellectuelle et industrielle, auprès de grandes entreprises, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, de la distribution, du luxe, du e-commerce et des médias. Avocate au barreau de Paris et de Bruxelles, elle est membre de l’Association française d’étude de la concurrence et membre de l’Association des avocats pratiquant le droit de la concurrence. Mathilde Grimaud intervient en droit de la distribution et droit des contrats en conseil et en contentieux. Elle accompagne les clients notamment sur des questions relatives aux négociations commerciales ainsi qu’aux pratiques restrictives de concurrence. Elle est avocat au Barreau de Paris depuis 2015 et a rejoint Racine en 2019.