Œufs : compétitivité minée, risque de fraude, quel bilan des exportations de l’Ukraine ?
L’envolée des exportations ukrainiennes d’œufs et d’ovoproduits, très compétitives, vers l’Union européenne se traduit par un affaiblissement de certains pays sur la scène internationale, notamment la France, explique FranceAgriMer.
L’envolée des exportations ukrainiennes d’œufs et d’ovoproduits, très compétitives, vers l’Union européenne se traduit par un affaiblissement de certains pays sur la scène internationale, notamment la France, explique FranceAgriMer.
Le « frein d’urgence » prévu dans l’accord commerciale bilatéral entre l’Union européenne et l’Ukraine a été activé le 2 juillet, car déjà 23 188,96 tonnes d’œufs et ovoproduits étaient parvenus sur le territoire de l’UE sans droit de douane.
Un envol des exportations d’œufs de l’Ukraine vers l’UE
Il faut dire qu’après l’invasion russe, l’Ukraine a fortement réorienté ses envois. La part de l’UE dans les exportations ukrainiennes d’œufs et ovoproduits est passée de 12 % en 2018 et 2019, à 65 % en 2022 puis 75 % en 2023, selon une note de FranceAgriMer. Deux explications, d’une part les complications logistiques sur la mer Noire qui pénalisent les envois, de l’autre la hausse de la demande européenne. Après avoir progressé de 83 % en 2022 par rapport à 2021, les envois d’œufs et d’ovoproduits ukrainiens vers l’UE ont bondi de 108 % sur les 11 premiers mois de 2023.
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Si en 2022 les Pays-Bas étaient les principaux acheteurs d’œufs coquille ukrainiens (5,2 milliers de téoc), c’est la Pologne qui a pris la première place en 2023 (9,5 téoc), devant les Pays-Bas (9,3 milliers de téoc) et la Lettonie (3,4 milliers de téoc). Une grande partie de ces flux en œufs coquille est destinée à la transformation en ovoproduits, mais en 2023, certains pays (Grèce, Bulgarie, Roumanie) ont importé des œufs pour leur consommation directe en coquille, explique FranceAgriMer.
Du côté des ovoproduits, c’est l’Italie qui menait la danse en 2023 (8,8 milliers de téoc), devant les Pays-Bas (4,7 milliers de téoc) puis la Lettonie (1,5 millier de téoc) et la Pologne (1 millier de téoc).
L’Ukraine, très compétitive sur l’œuf
La suppression des droits de douane a donné un net avantage à l’Ukraine déjà très compétitive. « Historiquement, la différence de prix entre les œufs en coquille échangés au sein de l'UE et ceux importés d'Ukraine (prix CIF) se situait entre 100 et 150 euros par tonne. En 2022, cet écart s'est élargi, atteignant 200 euros par tonne. L'année 2023 a vu cet écart se creuser encore plus, culminant à 500 euros par tonne et atteignant même un pic de 900 euros par tonne en novembre 2023 » écrit FranceAgriMer. Un tel écart s’explique notamment car l’alimentation animale n’a pas vu son prix s’envoler en Ukraine, mais aussi car le marché intérieur du pays en guerre est moins demandeur.
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Un écart de prix conséquent sur les ovoproduits
Du côté des ovoproduits liquides, l’écart de prix était de l’ordre de 150 €/t auparavant, il est passé à 550 €/t en 2022 puis 900 €/t en 2023. Pour les ovoproduits en poudre, l’écart est passé de 1200 €/t en 2021, les droits de douane de 1 370 €/t gommaient donc l’avantage compétitif, à 1400 €/t en 2022 et enfin 2500 €/t en 2023.
Un risque de fraude ?
FranceAgriMer relaie l’inquiétude des opérateurs des filières européennes puisqu’une grande partie des œufs coquille est destinée à la transformation, notamment en Lettonie, en Italie et aux Pays-Bas. « Une fois transformés, ces ovoproduits pourraient être commercialisés sur le marché de l'UE sous l'étiquette du pays de transformation », craint-on. Ce qui peut améliorer la compétitivité de ces pays, au détriment des autres, à l’exemple notamment, avec des craintes pour les exportations françaises vers la Thaïlande, le Japon et la Serbie. « Sur ces 3 marchés, dans un contexte IAHP qui a entrainé un manque de disponibilités, la France a perdu 2 500 tonnes équivalent œuf coquille (téoc) de volume exporté en 2023, au profit de la Pologne qui a vu ses ventes augmenter de 3 200 téoc sur ces mêmes marchés » pointe FranceAgriMer. Et cela même sans mentionner l’information du consommateur qui ignore que les œufs ne sont pas issus de poules élevées dans des cages aménagées ni nourries selon les normes européennes. A noter que l’export d’ovoproduit est crucial pour une filière marquée par un certain déséquilibre matière, en Europe on consomme plus de jaune, en Asie plus de blanc.