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Porc : Selon Thierry Meyer, « répercuter les hausses sera le défi de la filière en 2023 »

La filière porcine française a retrouvé des couleurs en 2022 grâce aux cours élevés et au désengorgement du marché européen. Pour 2023, elle devra négocier pour répercuter les hausses des charges jusqu’au consommateur. Échange avec le président de l’interprofession, Thierry Meyer.

Après une année 2021 sous tension au cours de laquelle le gouvernement était venu en aide à un secteur porcin français en crise profonde, comment se porte la filière aujourd’hui ?

Thierry Meyer - Beaucoup mieux ! En 2021, c’était la première fois que la filière porcine française se faisait aider par les pouvoirs publics, ça n’était jamais arrivé. Les tensions et les hausses des coûts de production ont commencé à monter en juin 2021 et l’engorgement du marché de fin 2021 a provoqué un effondrement des cours et, donc, un effet ciseaux pour la filière. Le gouvernement a répondu à notre appel à l’aide. De nombreux producteurs ont ainsi diminué leur nombre de truies pour dégager le marché.
 
 
Les répercussions mettent toujours dix à douze mois à se faire ressentir, et nous en voyons les bénéfices aujourd’hui. Nous avons traîné le contexte difficile de fin 2021 en début 2022 comme un boulet au pied. Mais force est de constater que la filière a remonté la pente. Les cours ont remonté durant le printemps et ont atteint les 2 euros. Il y a eu un petit coup de mou en fin d’année 2022, mais bien moins violent que les fins d’année habituelles. Et début février 2023, nous étions à 2,064 euros le kilo. Je n’avais jamais vu un prix aussi haut début février, et tant mieux ! L’amont agricole a besoin de cela.

Cette réduction du cheptel a entraîné une diminution de la production porcine en 2022. Cette situation est-elle inhérente à la France ?

T. M. - Sur l’ensemble de 2022, les volumes de viande porcine sont en baisse de 2,5 %. Entre janvier 2022 et janvier 2023, la diminution a atteint 5 % en volume, et c’était attendu. La situation n’est pas du tout inhérente à la France, car le cheptel porcin européen chute actuellement, en lien avec la demande de la Chine qui s’est érodée au fur et à mesure que son cheptel s’est reconstruit. En moyenne, la production européenne affiche -5 % en volume sur toute l’année, donc nous résistons bien.
La filière danoise, dépendante du commerce avec les pays tiers qui est plutôt morose en ce moment, est en souffrance. En Allemagne et en Pologne, la production a fortement chuté. La fin du travail détaché et les salaires trop bas posent problème pour nos voisins. Les abattoirs polonais employaient, quant à eux, beaucoup d’Ukrainiens qui sont revenus dans leur pays pour combattre l’invasion russe. En Espagne aussi, les salaires bas entraînent des manques de main-d’œuvre et plongent la filière dans la tourmente.
Ces pays font face à des pressions environnementales énormes. En France, la filière y est moins exposée, car cela fait des années qu’on travaille sur la réduction de notre empreinte carbone. Nous sommes sur un marché où la compétition fait rage. Nous voulons nous défendre avec les mêmes armes que nos voisins européens, c’est pourquoi nous devons avancer dans l’Europe sociale et que tous les salariés aient les mêmes droits et les mêmes conditions de travail dans tous les pays.

Pour compenser la baisse de la demande chinoise, la France a entrepris un travail avec la Corée, le Japon, les Philippines, mais aussi le Mexique et l’Australie pour y exporter ses produits. Où en sont les discussions ?

T. M. - Japon, Corée et Philippines sont moins au rendez-vous… ils se tournent plus vers l’Amérique du Nord, les prix de leurs porcs ayant fortement diminué tout au long de 2022. Les viandes porcines européennes sont à l’heure actuelle moins compétitives, avec des différences de prix significatives. Un accord avec le Mexique a été conclu, et quelques sites sont agréés pour y exporter, mais peu de volumes ont été envoyés, car les conditions d’inspection d’abattoir ont été très complexes à mettre en place.
Pour l’Australie, rien n’est encore fait, mais nous travaillons avec FranceAgriMer et la DGAL pour obtenir une certification sanitaire. Nous avons de bonnes relations avec notre conseiller agricole australien, donc j’ai bon espoir pour que cela se concrétise courant 2023. L’Australie importe 200 000 tonnes de viande porcine par an, donc nous avons le potentiel d’y prendre une petite place. Et même si sa demande a diminué, la Chine reste le premier partenaire commercial de la filière française. Y exporter nos coproduits amène un bon équilibre carcasse et nous permet de rester accessibles.

Si l’amont agricole français est porté par des cours hauts, comment se portent les entreprises de la transformation ? Parviennent-elles à répercuter les hausses auxquelles elles font face ?

T. M. - Cela sera le gros défi de notre longue filière en 2023, parvenir à répercuter tout au long de la transformation, et ce, jusqu’au consommateur final. Les entreprises doivent non seulement faire face aux hausses des achats des matières premières, mais aussi et surtout aux hausses énergétiques. Une charcuterie salaison est très énergivore ! Entre le stockage de la viande au frais, la cuisson… les consommations de gaz et d’électricité sont importantes. Les entreprises ont toujours travaillé pour réduire leur utilisation d’eau et d’énergie, mais l’inflation les a incitées à redoubler d’efforts. Leur consommation d’énergie a diminué de 10 à 15 % entre janvier 2022 et janvier 2023. Cela peut paraître peu par rapport aux 400 % de hausses, mais ça compte pour les entreprises. C’est dans cette période de crise que l’on trouve des alternatives et que l’on avance.
En aval de la filière, si les distributeurs veulent défendre le pouvoir d’achat des Français, ils doivent comprendre qu’il faut avant tout défendre la production en France et accepter les demandes de hausses des tarifs. La viande de porc reste, par ailleurs, très accessible. Il ne faut pas dire que cette viande est chère, car certains produits carnés coûtaient moins cher que le pain en ce début d’année. Je compte sur chacun des acteurs pour être responsable, pour ne pas mettre la filière en péril. C’est difficile, mais il faut jouer le jeu d’acceptation des hausses.

La filière compte-t-elle continuer à communiquer sur Le Porc français ?

T. M. - Évidemment. Nous allons poursuivre notre campagne de communication en télévision et sur les réseaux sociaux afin que les consommateurs identifient Le Porc français. Acheter français et local permet de soutenir les emplois sur notre territoire et participe à l’aménagement de nos territoires. Les importations de viande porcine ont augmenté en 2022, tandis que les exportations ont légèrement diminué. L’interprofession est vigilante sur ces tendances qui ne doivent pas se poursuivre. Nous devons rester autosuffisants pour ne pas finir comme les filières avicoles et bovines.
C’est maintenant notre rôle de communiquer autour de ce que nous faisons de bien, comme la réduction de l’utilisation des antibiotiques par exemple, pour montrer aux consommateurs pourquoi le choix du Porc français est un choix plus vertueux qu’acheter de la viande porcine importée.

La taxe d’équarrissage a-t-elle été étendue à l’ensemble de la filière porcine courant 2022, comme cela avait été annoncé en 2021 ?

T. M. - La cotisation volontaire obligatoire a, en effet, bien été étendue par le ministère de l’Agriculture qui a validé cette extension pour 2023, 2024 et 2025.

 

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