Le point sur les contaminations à l’oxyde d’éthylène
La crise sanitaire de l’oxyde d’éthylène, survenue à l’automne 2020 dans l’Union européenne, s’estompe. Cependant, sa gestion par les autorités sanitaires soulève nombre de questions.
Au nom de la réglementation européenne générale, si une matière première contient de l’ETO – c’est-à-dire la somme de l’oxyde d’éthylène et du 2-chloroéthanol, exprimé comme oxyde d’éthylène – au-dessus de la limite maximale de résidus (LMR), elle est non conforme. Quelle que soit sa quantité intégrée au produit fini, ce dernier est retiré de la vente et rappelé. Il en est de même si cette matière première est issue d’un lot se révélant non conforme.
En l’absence d’information sur la matière première, le produit fini est analysé. S’il dépasse la LMR, il est rappelé et retiré de la vente. Si c'est inférieur, il est juste retiré.
S’agissant du bio, l’UE impose de se référer à la limite de quantification, sans donner de valeur absolue. Or, cette limite technique varie selon le laboratoire et l’échantillon.
La France impose davantage à ses filières bio : on ne peut certifier une denrée dès le seuil de détection. Selon un responsable technique d’organisme certificateur, la détection d’ETO est variable, évidente dans une matrice concentrée ou huileuse. La contrainte française entraîne un risque pour l’industriel qui fait venir une matière première bio conforme d’un autre État membre.
L’approvisionnement bio en provenance d’Inde pénalisé
Depuis le début de 2022, les principaux organismes certificateurs (OC) d’Inde de produits biologiques sont retirés de la liste de l’Union européenne des OC pouvant certifier des végétaux non transformés. Ce sont cinq OC, dont Ecocert India. Selon le responsable réglementation du Synabio (réseau d’entreprises français de produits biologiques), Bernard Lignon, les utilisateurs européens de végétaux non transformés (de graines par exemple) bio venant d’Inde sont directement concernés ; les importateurs de produits transformés bio le sont aussi indirectement puisque les fabricants indiens ont besoin de matières premières certifiées. S’il reste une vingtaine d’OC indiens sur la liste, « on ne change pas d’organisme certificateur du jour au lendemain », souligne Bernard Lignon. Le responsable du Synabio reproche la brutalité et la disproportion de cette mesure : « Les OC ne sont pas responsables des fraudes à l’origine de la crise, estime-t-il. Tous les opérateurs biologiques indiens trinquent, et les importations européennes sont perturbées. On a pris un tank pour tuer une mouche. »
État des alertes
Depuis trois ou quatre mois, le sésame bio contaminé à l’ETO a disparu du portail du Réseau d’alertes rapides de l’UE ; c’est ce qu’apprécie Bernard Lignon. « On peut penser que le pic est largement derrière nous », considère-t-il. Son constat donne crédit à l’allégation du directeur technique du groupe Ecocert, Jérémie Vidal, selon qui les mesures de prévention et de contrôle mises en place par les OC font qu’« on n’importe plus de produits contaminés à l’ETO d’Inde ». Ce progrès est aussi attribuable au renforcement des contrôles officiels aux points d’entrée de l’UE.
Des causes frauduleuses ou autres
« La contamination du sésame indien à l’ETO était clairement d’origine frauduleuse », conclut Bernard Lignon, en considérant le nombre important d’alertes et les niveaux élevés de présence de contamination. Quant aux multiples produits contaminés à faible dose, l’incertitude est de mise, selon lui.
Pourquoi l’ETO ne peut disparaître
Éric Capodanno, directeur scientifique des laboratoires Phytocontrol, considère qu’« on ne peut être à l’abri de l’oxyde d’éthylène puisque des pays continuent de l’homologuer ». « Quand une denrée agricole présente plusieurs centaines de microgrammes par kilogramme, on sait qu’elle a été traitée », affirme-t-il. Le scientifique s’étonne plus particulièrement de la différence de limite résiduelle de part et d’autre de l’Atlantique : aux États-Unis 7 mg/kg pour le seul ETO ; dans l’UE 0,1 mg/kg pour l’ETO au sens propre et son composé de dégradation. « Parle-t-on du même résidu ? » interroge-t-il. Enfin, Éric Capodanno soulève la question de l’ETO engendré naturellement, sur lequel se penchent des chercheurs.
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