Mauvaise passe pour l’agriculture
Alors que le projet de loi gouvernemental ne tourne pas vraiment en faveur des filières agricoles françaises (lire édito du 1er juin), une autre réforme réglementaire prend un mauvais départ au niveau européen. Le projet de la Commission européenne de simplification et modernisation de la politique agricole commune (Pac) n’est en effet pas des plus séduisants. Son budget réduit (de 5 % à 12 % selon les calculs par rapport à 2018) et son ouverture à davantage de subsidiarité en faveur des États membres inquiètent. Le Brexit et les nouvelles priorités de l’Europe (défense, migration, numérique…) sont avancés comme prétextes à moins soutenir le secteur agricole européen. Et face aux mécontentements des uns ou des autres (États membres), la Commission européenne a décidé de leur renvoyer la responsabilité d’établir un plan stratégique national agricole, duquel dépendra une partie du ciblage des dotations financières. D’où un risque de renationalisation de la politique agricole en Europe, avec l’émergence de différents modèles d’agriculture qui pourraient se faire davantage concurrence avec des différences de traitement sur les plans environnemental et social. Une perspective paradoxale au moment où l’Europe se dote de nouveaux instruments pour se défendre du dumping, notamment sur les matières premières, pratiqué par des pays tiers et vient enfin de réviser sa directive sur le travail détaché pour limiter la concurrence déloyale en matière sociale sur le territoire européen. Pourquoi renforcer ses défenses aux frontières si c’est pour déréguler le marché intérieur et engendrer de nouvelles batailles commerciales entre États membres, tout en affaiblissant l’ensemble du secteur agricole européen ? Le solde commercial des filières agroalimentaires a rapporté 21 milliards d’euros à l’Europe en 2017, et le secteur représente 7,5 % de l’emploi européen. Les grandes nations agricoles, la France en tête, doivent se montrer fortes dans ce débat européen afin de relever l’ambition, pour l’heure bien trop faible, de cette nouvelle Pac.