Les normes et la concurrence : l'Autorité s'interroge
La norme est-elle anticoncurrentielle ? Le 21 janvier dernier, l'Autorité de la concurrence a décidé de se saisir du sujet en annonçant un prochain avis sur l'impact des normes et marques de certification (marques NF, produit certifié) et les normes CE ou Iso en étudiant le rôle de l'Association française de normalisation (Afnor). Elle reconnaît, certes, le caractère pro-concurrentiel des normes et certifications, notamment en ce qu'elles favorisent indéniablement l'accès à une information efficace sur un grand nombre de produits pour tous les agents économiques, du producteur au consommateur. Mais l'Autorité de la concurrence craint que le nombre trop imposant de normes et leur trop grande technicité ne conduisent à un verrouillage de certains marchés, voire à des ententes entre concurrents pour produire selon certaines procédures dont l'existence n'est pas forcément justifiable.
Cette préoccupation est loin d'être nouvelle. L'Organisation mondiale du commerce (OMC), dès sa création, en 1994, s'était émue de l'existence de nombreuses normes techniques dans les pays développés. Si leur existence était justifiée par la recherche de qualité du produit, l'information ou la sécurité sanitaire, certaines servaient surtout à la mise en place d'un protectionnisme déguisé pour faire obstacle aux concurrents étrangers qui n'avaient pas la capacité opérationnelle de comprendre et d'appliquer des normes au byzantinisme volontaire.
Dès 1995, à la suite du Cycle d'Uruguay, l'accord sur les obstacles techniques au commerce (accord OTC) visait à adopter des critères internationaux communs sur la mise en place de normes et certifications techniques simples, efficaces et intelligibles afin d'éviter l'arbitraire, les discriminations et le protectionnisme sous couvert de normes techniques inapplicables pour les importateurs.
Des buts différentsEn France, les normes techniques et marques de certifications ont des buts différents : elles peuvent viser la simple information technique pour éclairer les consommateurs et les entreprises, la garantie d'une qualité spécifique ou supérieure, mais aussi la mise en place de procédures de contrôles. Leur élaboration répond à un besoin des opérateurs présents sur les marchés du produit, et est confiée le plus souvent à des groupes d'experts issus des secteurs concernés. Certaines normes en revanche, comme le marquage CE, sont plus contraignantes. Elle est obligatoire pour certains produits répertoriés par plusieurs directives et règlements européens, et impose des normes, discutées au sein des institutions européennes qui peuvent parfois avantager les opérateurs européens maîtrisant celles-ci.
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La crainte qu'éprouve l'Autorité est compréhensible au regard des critiques qui touchent depuis des années la matière voisine des appellations et indications d'origine. Certaines voix se sont levées pour dénoncer des règles estimées parfois bien éloignées de l'objectif initial de protection d'un produit et de préservation de sa qualité.
On peut douter de la pertinence de ces critiques quand les démarches d'appellations, comme de certifications, impliquent des restrictions et des sacrifices pour ceux qui s'y soumettent. Ce marquage laisse en même temps les opérateurs libres de ne pas adhérer à de telles démarches pour continuer de proposer des produits sans appellation ni certification. Dans l'appréhension des restrictions de concurrence, le marché pertinent n'est jamais celui de l'appellation ou de la certification, mais celui du produit générique qui les englobe, sauf à ce que le produit générique soit lui-même soumis à des règles obligatoires.
L'instauration de normes et certifications doit donc viser l'information claire et efficiente plutôt que la prolifération de règles touffues, inutiles et parfois illégitimes.