Les allégations « végétarien » et « vegan » bientôt cadrées ?
Poussée par une demande croissante des consommateurs, l’utilisation par les agro-industriels de symboles ou de mentions « végétarien » ou « vegan » sur l’étiquetage des denrées alimentaires explose. Légalement, ces allégations relèvent des mentions volontaires au sens du règlement 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. À ce titre, elles ne doivent pas induire en erreur, être ambiguës ou déroutantes pour les consommateurs (1). À défaut, elles pourraient être constitutives en France d’une tromperie ou d’une pratique commerciale déloyale, délits punis de 300 000 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement (2). Compte tenu du fait qu’il est souvent malaisé de définir concrètement ce que recouvrent les termes « végétarien » ou « végétalien », et qu’ils n’ont pas été légalement définis par la réglementation alimentaire européenne, l’enjeu est de taille…
Un acte d’exécution prévu par Inco
Et pourtant, aux termes du règlement Inco, entré en application dans sa majeure partie en décembre 2013, la Commission doit adopter un acte d’exécution sur l’étiquetage volontaire des denrées alimentaires convenant aux végétariens ou aux végétariens (3). Cette exigence n’ayant toutefois pas été assortie d’un délai, elle est, à ce jour, restée lettre morte.
Pour pallier cette inaction, les initiatives privées et nationales se sont développées, à commencer par l’Union végétarienne européenne (UVE). Cette organisation propose un label « V », qui se décline en deux logos, l’un végétarien et l’autre « vegan » (végétalien). Ainsi, ces dernières denrées ne doivent pas être d’origine animale et ne peuvent faire intervenir aucun produit animal au cours de leur production et/ou de leur transformation. Les conditions d’utilisation du logo « végétarien » sont un peu plus souples, puisque les aliments concernés peuvent contenir et/ou utiliser au cours de leur fabrication certains produits d’origine animale, essentiellement les produits laitiers, les œufs ou le miel. En outre, l’année dernière, les ministres de la Consommation de l’ensemble des Länder d’Allemagne avaient voté à l’unanimité en faveur d’une proposition de définition légale des termes végétariens et végétaliens. Ces définitions sont désormais utilisées par les différentes autorités compétentes, chargées de contrôler l’étiquetage des denrées alimentaires désignées comme vegan ou végétariennes et commercialisées sur le territoire allemand.
Mais la multiplication de ces initiatives pourrait à terme poser de réelles difficultés, augmentant le risque de voir des interprétations diverses, voire contradictoires, se développer. La situation actuelle étant déjà bien assez floue, une définition harmonisée au niveau européen des allégations « végétarien » et « végétalien » semble ainsi plus que nécessaire pour améliorer la lisibilité des mentions et symboles y faisant référence.
Les travaux commenceront en 2019
Alors qu’à l’occasion d’une réponse parlementaire, la Commission avait encore déclaré cet été que l’élaboration de l’acte d’exécution prévu par le règlement Inco n’était pas à l’ordre du jour, elle vient finalement d’annoncer que les travaux préparatoires sur la définition européenne des denrées alimentaires végétariennes et végétaliennes commenceront en 2019. Ce virage plutôt inattendu fait suite à une recommandation établie dans le cadre du programme Refit, et permet désormais d’envisager une réglementation à l’horizon 2020. Le temps que la Commission élabore son projet et que le comité permanent sur les plantes, les animaux, l’alimentation humaine et animale (CP PAFF) rende un avis conforme. À moins que le changement de Commission européenne, le Brexit ou les élections au Parlement européen, qui auront tous lieu en 2019, ne viennent bousculer cet agenda…
(1) Ibidem, article 36 (2)
(2) Code de la consommation, articles L 121-2 L 132-1 pour les pratiques commerciales trompeuses et articles L 441-1 et L 454-1 pour le délit de tromperie
(3) Règlement Inco, article 36 (3)
LE CABINET KELLER & HECKMAN
Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.