Le commerce équitable veut sa place dans la commande publique
La Commission de concertation du commerce (dite 3C) a été installée le 11 avril dernier. Sa création était annoncée par la publication d'un décret le 19 octobre 2015. Une sous-commission a été initiée sur la Responsabilité sociale et environnementale ” (RSE) et sur le commerce équitable. Elle aura notamment la charge d'élaborer un référentiel visant à permettre la reconnaissance publique des labels et systèmes de garantie privés de commerce équitable, travail entamé entre 2010 et 2012 par l'ancienne Commission nationale du com-merce équitable. Claude Gruffat, fondateur et président de Biocoop, s'est vu confier la présidence de cette sous-commission. « Le groupe de travail doit identifier les règles de reconnaissance publique, à partir entre autres de notre guide des labels. Sur la base du volontariat, les labels peuvent tous demander une reconnaissance publique. Elle ne sera pas obligatoire pour exercer sur le marché français mais il y a fort à parier que la grande distribution la demandera », précise Julie Stoll, déléguée générale de la Plate-forme pour le commerce équitable (PFCE).
“ Les acteurs de l'agriculture bio sont plus en avance
Cette reconnaissance reste évidemment symbolique, mais les acteurs du commerce équitable y voient un moyen de dynamiser les achats publics de produits issus du commerce équitable « en crédibilisant les labels comme outils apportant la preuve de la conformité des pratiques des entreprises fournisseuses avec les critères du commerce équitable » et de « rassurer les consommateurs et les associations de consommateurs sur les garanties apportées par les labels du commerce équitable en se basant sur un tronc commun de critères ». « La directive européenne de 2014 sur les achats publics, dont la déclinaison française est parue le mois dernier, permettent d'ajouter des critères sociaux et environnementaux, ce qui pourrait bénéficier aux produits du commerce équitable. L'acheteur peut se référer aux caractéristiques immatérielles des produits », explique Julie Stoll. Pour autant, ces critères peuvent aussi être utilisés pour favoriser l'achat public de produits biologiques. « Les acteurs de l'agriculture biologique sont en effet plus en avance sur le calcul des impacts environnementaux de leurs activités », avoue-t-elle. Mais, force est de constater que leur présence en restauration collective peine à décoller.
Elargissement au commerce Nord-NordCette reconnaissance publique semble toutefois un enjeu important pour les acteurs du marché, d'autant plus que la loi de l'Economie Sociale et Solidaire (ESS) du 31 juillet 2014 a permis de définir clairement ce qu'était le com->> merce équitable et l'a élargi aux échanges avec des producteurs au Nord, notamment en France. L'article 94 de la loi sur l'ESS, dont le décret d'application a été publié au Journal Officiel le 19 septembre 2015, autorise désormais les entreprises à utiliser la mention ” « commerce équitable » sur les produits français, à condition qu'elles en respectent les principes (engagement contractuel pluriannuel, versement d'un prix juste, versement d'un montant supplémentaire pour projets collectifs). « Le commerce équitable implique la mise en place d'un prix rémunérateur, qui a minima couvre les coûts de productions de l'exploitation et la démarche environnementale », argue la déléguée générale.
“ Les produits bio-équitables pèsent 70% de CA du secteur
Cet élargissement profitera également au développement de l'agriculture biologique, car déjà depuis quelques années, la convergence entre les produits biologiques et ceux issus du commerce équitable se confirme. « En France, 90 % des produits estampillés commerce équitable Nord-Nord sont biologiques, pour une proportion de 75 % pour le commerce équitable Nord-Sud. Le marché va dans ce sens, car ces deux labels commerce équitable et agriculture biologique répondent aux préoccupations des consommateurs. Le commerce équitable est aussi un outil de sécurisation pour l'agriculture biologique », estime Julie Stoll. Depuis 2012, la part des produits bio-équitables au sein du chiffre d'affaires du secteur (tous circuits de distribution et secteurs confondus) est en constante augmentation : 63% en 2012, 67% en 2013 et 70% en 2014. Pour autant, le commerce équitable peine à s'élargir aux quatre catégories phares, que sont le café (52 % des ventes de la catégorie en GMS), les tablettes de chocolat, les liquides et le thé.
110 millions d'euros est le chiffre d'affaires du commerce équitable réalisé dans les magasins spécialisés bio (+42 % contre 2013-2014)
ACTION EN FAVEUR DU COMMERCE ÉQUITABLE
La 16e édition de la Quinzaine du commerce équitable se déroulera du 14 au 29 mai 2016 partout en France. Une étude sur la filière cacao sera le fil rouge de cette nouvelle édition. Des conférences sur la thématique cacao et climat en lien avec l'étude et en continuité de l'action COP21 menée en 2015 seront organisées. L'étude sur la filière cacao devrait comparer le coût des externalités entre la filière équitable et celle dite conventionnelle. La Plateforme pour le commerce équitable devrait également publier une étude sur le même thème pour la filière laitière. En amont de cette quinzaine, les chiffres du marché pour l'année 2015 seront également dévoilés. Il semblerait que la croissance soit encore au rendez-vous dans les produits alimentaires.
Les magasins spécialisés biologiques tirent d'ailleurs la consommation, tandis que la grande distribution revient dans la course. En 2015, les ventes en grande distribution de café équitable ont progressé de 5 % à 72,77 millions d'euros, celles de tablettes de chocolat de 14 % à 24,33 millions d'euros.
Ce sont les ventes de liquides qui ont connu la plus forte hausse à +22 % à 14,8 millions d'euros, suivies par le thé équitable à +21 % à 10,96 millions d'euros. A.-S. L.