Lactalis : cacophonie et cafouillages
L’enquête ouverte le 22 décembre par le pôle santé publique du parquet de Paris pour « blessures involontaires », « mise en danger de la vie d’autrui », « tromperie aggravée » et « inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel » identifiera les responsabilités dans l’affaire du lait contaminé aux salmonelles de Lactalis. L’industriel laitier, les services de l’État et/ou les distributeurs ? Il est encore trop tôt pour pointer du doigt le ou les fautifs. Mais une chose est sûre, la cacophonie dans les diverses prises de parole au cours de cette crise sanitaire donne bien l’impression d’un cafouillage collectif. Trois rappels successifs de produits, dont un imposé par le ministre de l’Économie, c’est du jamais vu en France lors d’une alerte sanitaire. Les révélations du Canard enchaîné à propos de deux autocontrôles de Lactalis (en août et en novembre) et d’une enquête des services de l’État de septembre, suivies de l’aveu de dysfonctionnement dans la procédure de retrait par E.Leclerc ont ensuite donné lieu à une incroyable partie de ping-pong entre les protagonistes. Que les virulents propos de Quentin Guillemain, président de l’Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles, n’ont fait qu’attiser. En prenant la parole en premier (poussé par un article de La Voix du Nord), le franc-tireur Michel-Édouard Leclerc savait qu’il serait suivi par ses concurrents. Et à la différence du trop discret patron de Lactalis, le distributeur s’est mouillé personnellement dans la communication de crise. Sans manquer d’éclabousser au passage tous les maillons de la chaîne, parlant de « défaillance systémique » et des « points de défaillance » de l’État. Le gouvernement n’a dès lors eu de cesse que de « charger » Lactalis, jetant l’industriel en pâture à la vindicte populaire (jusqu’à faire sortir Emmanuel Besnier de sa réserve !). Peut-être pour mieux éluder le problème récurrent de manque d’effectifs des services de contrôle de l’État. En vain, puisque cette affaire laisse pour l’heure un sentiment général de malaise… Et si la belle mécanique de la sécurité sanitaire française s’était enrayée ?