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Débat
La souveraineté alimentaire, un défi de taille à relever

Comment garantir l’autonomie alimentaire française sur le long terme, tel est l’enjeu que les politiques tentent de reprendre en main, à l’heure où la France perd du terrain sur l’échiquier européen.

© MTG - StockAdobe.com

« Consolider notre souveraineté est une vision politique pour sortir des dépendances », tels ont été les mots du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, en introduction du Grand rendez-vous de la souveraineté alimentaire, organisé par le Conseil de l’agriculture française (CAF), le 18 mai. « La souveraineté alimentaire est un concept politique, tandis que la sécurité alimentaire est une notion technique », rappelait Sébastien Abis, directeur général du Club Déméter, lors d’une première table ronde sur le thème : « Avons-nous encore le choix ? ».

Des orientations politiques sont à prendre pour que l’autonomie alimentaire de la France soit préservée à long terme. La crise sanitaire a servi d’alerte. « La crise a réveillé les politiques », a déclaré Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Elle a aussi mis en lumière des signaux de fragilité. « La chaîne a tenu (début 2020, NDLR), mais si la crise avait duré, on aurait pu être à un point de rupture. L’enjeu est de mettre à plat nos vulnérabilités et trouver des solutions sans se voiler les yeux sur ces dépendances », a lancé Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, invitée à cette même table ronde.

Des dépendances fortes

Les défis sont nombreux. Si la balance commerciale française reste excédentaire avec près de 8 milliards d’euros en 2019, ce solde est passé de « 6 milliards d’euros à zéro en dix ans avec l’Union européenne », selon Eurostat. D’après un rapport sénatorial de 2019, « l’excédent agricole français tend même à disparaître, et la France pourrait connaître son premier déficit agricole en 2023 ». L’importation de légumes consommés en France est de 40 % et pour les fruits de 60 %. Même situation pour un poulet sur deux consommés, cette proportion monte aux trois quarts en restauration collective, selon l’interprofession de la volaille Anvol. Un quart de la production porcine est importé, alors que la France produit plus de porcs qu’elle n’en consomme !

La valeur de nos assiettes se fait hors de France

« Nous exportons plus de produits bruts, la valeur de nos assiettes se fait hors de France. La pomme de terre en est un exemple. On les exporte en Belgique qui nous réexporte des chips », commente Dominique Chargé, président de La Coopération agricole.

Limiter les distorsions de concurrence

La France doit aussi faire face à des enjeux plus larges avec des distorsions de concurrence entre certains États membres et au niveau international, des défis d’ordre climatique ou de recrutement de la main-d’œuvre. Avec un tel diagnostic, que faire et à quel échelon ?

Au niveau français, la ministre déléguée à l’Industrie met en avant les efforts faits sur le soutien à l’investissement, à la relocalisation des filières agroalimentaires grâce au plan de relance. De son côté, François Bayrou, haut-commissaire au plan, a appelé à la mise en œuvre d’un « plan marshall » pour « bâtir un pacte de reconquête de la production agricole ».

Pour Dominique Chargé, l’enjeu est de réinvestir : « Le plan de relance est un soutien pour deux ans, mais il faut veiller à ce qu’il y ait une suite. C’est plutôt sur cinq ans que les transitions se font. »

Instaurer des « clauses miroirs »

Au niveau international, « on doit jouer à jeu égal », estime la ministre déléguée à l’Industrie. La France veut clairement permettre l’instauration de « clauses miroirs » dans les accords de libre-échange, afin que les normes des produits importés soient conformes aux standards européens. « Nous défendons ce que l’on appelle la clause miroir, c’est-à-dire de pouvoir refléter nos contraintes avec les gens avec qui l'on commerce », a déclaré le président de la République, Emmanuel Macron, dans un entretien enregistré et diffusé à l’issue du colloque, en réponse à des questions d’agriculteurs.

Certains pays sont de bonnes portes d’entrée sur le marché européen

« Notre intérêt, c’est l’ouverture, parce que nous produisons pour nous nourrir, nourrir nos voisins, notre proximité, mais aussi pour exporter. Simplement, non à la concurrence déloyale. Et là, il faut être très ferme », a-t-il ajouté. La France est en train d’y travailler en vue de sa présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022, a également indiqué le ministre de l’Agriculture lors de son introduction.

Cette fragilité dans les échanges existe aussi au niveau intra-européen. « La DGCCRF est très stricte dans les contrôles pour les produits entrants, d’autres autorités européennes n’ont pas les mêmes moyens. Certains pays sont de bonnes portes d’entrée sur le marché européen, regrette Agnès Pannier-Runacher, c’est un enjeu de tous les instants. » L’harmonisation des règles au niveau européen est aussi un sujet de préoccupation. « Si on doit mettre de la norme, mettons-les (les règles, NDLR) au niveau européen », ajoute-t-elle.

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