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La recette de cuisine, parent pauvre de l'originalité ?

Le 5 janvier dernier la cour d'appel de Montpellier a rendu un arrêt concernant la reprise de recettes de biscuits d'une société par sa concurrente. Conclusion, elle n'y voit ni concurrence déloyale ni parasitisme.

Décidément, certains diront que les contours de la concurrence déloyale et parasitaire sont difficiles à cerner. Le mois dernier (lire LMH du 29 avril 2016), nous évoquions l'arrêt Bon-grain du 5 janvier 2016 par lequel la cour d'appel de Versailles admettait que l'industriel qui a lui-même décliné son produit en marque de distributeur (MDD) puisse, ultérieurement, s'opposer à une miniaturisation de cette MDD par un tiers employant les mêmes codes couleur.

Or, le même, jour, la cour d'appel de Montpellier ne voyait ni concurrence déloyale ni parasitisme dans le comportement d'un opérateur qui avait repris à son compte des recettes de biscuit qu'elle commercialisait dans des emballages proches de ceux de son concurrent, et pour la fabrication desquels biscuits elle s'était procuré une machine auprès du même fournisseur.

À l'origine du litige, la société Zézette La Belle Époque se prévalait d'avoir eu l'idée de commercialiser, depuis 1978 dans la région de Montpellier et Sète, des biscuits issus d'une tradition ancienne « Pied noir » comprenant notamment de la vanille et du vin rosé. Mais sa concurrente, ancienne cliente qui plus est, s'est mise à fabriquer et commercialiser sous une dénomination différente, des biscuits semblables à de très rares variantes près, dans des emballages approchants. Comble du comble pour la société demanderesse, cette incursion sur ce marché n'a été possible qu'au prix d'un détournement nécessairement déloyal de son procédé de fabrication, puisque le même fournisseur de machine a été sollicité, et qu'un des salariés du demandeur a été débauché.

Il faut bien admettre qu'en présence d'un tel faisceau d'éléments factuels concordants, bien malin aurait été celui qui aurait pu prédire l'absence totale de concurrence déloyale et de parasitisme écartés par la cour d'appel de Montpellier. À y regarder de plus près, pourtant, la solution n'est pas dépourvue de justifications.

Simple savoir-faire

Concernant tout d'abord les recettes, on observera qu'aucun droit de propriété intellectuelle n'était invoqué, la société La Zézette… ne prétendant pas avoir développé une recette originale, mais seulement en avoir lancé la fabrication dans la région de Montpellier et Sète.

Quand bien même il se serait agi d'une recette originale, la jurisprudence en a, pour l'instant, toujours rejeté la protection sur le terrain du droit d'auteur, en les qualifiant de simple savoir-faire. Plus surprenant est le parti pris de la cour concernant les emballages, puisqu'après avoir constaté que les produits sont souvent présents dans les mêmes magasins de la grande distribution, qu'ils ont des étiquettes du même type, bien que de formes et de couleurs différentes, que les biscuits eux-mêmes ont la même forme et la même recette, la cour affirme que la concurrence déloyale n'est pas suffisamment caractérisée en l'espèce !

Concept marketing original

On en vient donc à se demander ce qu'il aurait fallu de plus pour que la concurrence déloyale, et surtout le parasitisme qui, rappelons-le, n'est pas la même chose que la concurrence déloyale, puisse être retenus en l'espèce eu égard au contexte décrit, lorsque l'on comprend que la cour a surtout été soucieuse de ne pas créer un monopole au profit d'un opérateur qui se prévaut seulement d'un « concept marketing original » à défaut d'un droit de propriété intellectuelle.

D'un côté, on ne peut que louer l'attachement de la cour à ne pas mieux protéger par l'action en concurrence déloyale le plaideur qu'aucun droit privatif ne peut protéger. Mais d'un autre côté, l'arrêt laisse entrevoir qu'une sanction sur le terrain du parasitisme était possible indépendamment de la concurrence déloyale, ce qui suppose évidemment de bien articuler des demandes distinctes en ce sens.

En effet, d'après le Code de procédure civile, le procès est, avant tout, la chose des parties !

MAÎTRE DIDIER LE GOFF

Fort d'une expérience de plus de vingt-cinq années dont vingt ans au sein du cabinet LPLG Avocats, dont il fut associé, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l'entreprise et à l'écoute de ses besoins, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d'une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique qu'il enseigne en mas-ter II Droit du marché de l'université de Nantes, avec une prédilection pour l'agroalimentaire tant en droit national qu'européen ou international. Contact : dlegoff.avocat@gmail.com

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