« La Marketplace de Rungis va être un grand succès »
Conformément aux objectifs du plan Rungis 2025, les projets immobiliers innovants fleurissent sur le marché de gros francilien. Stéphane Layani se montre déterminé à convaincre les grossistes à rejoindre le projet de création d’une place de marché sur Internet.
Les Marchés Hebdo : Vous avez présenté en début d’année votre feuille de route de Semmaris pour la période 2017-2020. Le rythme des investissements correspond-il à celui du plan Rungis 2025, qui prévoit d’injecter près de 1 milliard d’euros sur le Min ?
Stéphane Layani : Nous avons bouclé l’année 2016 dans le budget prévu et tous les investissements de 2017 sont soit déjà réalisés, soit engagés (voir encadré). Avec deux projets emblématiques de notre statégie : le nouveau bâtiment du porc (V1M) et un parking avec service situé dans le secteur des fruits et légumes. Les deux sont en cours de travaux. Nous tenons l’objectif d’augmenter très fortement les capacités foncières et immobilières du site.
LMH : Les locataires sont-ils au rendez-vous ?
S. L. : Nous n’avons pas à nous plaindre dans le contexte actuel. Tous les bâtiments construits ont été préalablement commercialisés. Notre souhait est d’ailleurs de pouvoir concevoir les bâtiments avec les locataires en fonction de leur usage futur et des grandes directions que nous voulons donner au marché. Semmaris n’hésitera pas à l’avenir à aller chercher à l’extérieur du Min les acteurs qui peuvent apporter de la plus-value à son écosystème. Nos équipes sont en contact permanent avec des entreprises de la logistique urbaine et du e-commerce qui s’intéressent au stock de Rungis et à ses capacités logistiques.
LMH : Vous avez évoqué un parking avec services. De quoi s’agit-il ?
S. L. : Nous avons mené depuis deux ans des études sur le stationnement à l’intérieur du Min. Elles ont fait ressortir que la situation s’était beaucoup améliorée pour les acheteurs et pour les salariés, mais aussi fait apparaître l’utilisation abusive de places de parking par des poids lourds, bien au-delà des pauses légales des chauffeurs. La création de ce parking inspiré d’infrastructures existantes sur les autoroutes est d’apporter une valeur ajoutée aux transporteurs avec un restaurant dédié, des douches, de l’accès wifi, etc. Son accès sera payant au-delà d’une certaine durée. Le but n’est pas de réduire les possibilités de stationnement de poids lourds – leur nombre restera constant –, mais d’accélérer les rotations. Je souhaite que cette nouvelle infrastructure favorise le développement de la bourse de fret que nous avons mise au point en 2016 en partenariat avec B2PWeb. Elle permet aux transporteurs d’anticiper leurs rechargements et aux commissionnaires de déposer des offres de marchandise pour accélérer les flux.
LMH : Vous avez annoncé une phase deux du plan Rungis Green Business, votre projet en matière de développement durable. Quels objectifs vous êtes-vous assignés ?
S. L. : La première phase, lancée en 2014, a été un succès. Nous avons mis en œuvre 80 % des actions que nous avions définies à l’époque avec de belles réussites comme la valorisation des offres de produits écoresponsables (avec par exemple l’ouverture du pavillon bio), la création d’une flotte de véhicules électriques en autopartage ou encore l’amélioration des conditions de vie au travail sur l’ensemble du site. Dans la nouvelle phase qui s’ouvre, Semmaris réfléchit à l’intégration dans sa stratégie du concept de « smart city » et au développement de la RSE appliquée à l’immobilier. Nous allons travailler notamment sur la réversibilité des biens que nous construisons. Enfin, nous allons poursuivre le chantier de longue haleine qui est celui de l’accès à la ville. La participation de Semmaris à différents comités de pilotage avec la mairie de Paris nous a permis de modéliser un projet de logistique collective depuis le Min avec une rupture de charges à l’intérieur de Paris. Nous n’avons pas donné suite à un premier projet dans le quartier des Halles à Paris, mais ce n’est sans doute que partie remise.
LMH : Qu’en est-il du développement des énergies propres sur le marché ?
S. L. : Le marché va multiplier les initiatives dans ce domaine dans les prochaines semaines. Le 30 mars, le Min inaugure sa station GNV (gaz naturel) qui répond à une demande forte des transporteurs. Nous avons également un projet très avancé d’accès au CO2 et à l’azote liquide. Enfin, nous allons ouvrir cette année plusieurs stations de bornes électriques interopérables. Le Min offrira ainsi une palette très large de réponses dans ce domaine. C’est un facteur d’attractivité important pour le marché.
LMH : Le prestataire retenu par Semmaris pour la construction d’une Marketplace a présenté ce projet le 9 mars aux professionnels. Ceux-ci ont-ils été convaincus ?
S. L. : Je crois que cette présentation par des experts du e-commerce a permis de lever un certain nombre d’appréhensions chez les grossistes sur la pertinence technique du projet. La très grande majorité d’entre eux est aujourd’hui convaincue que les transactions alimentaires sur Internet en BtoB vont se développer. L’important désormais, c’est que les professionnels s’approprient le projet, qui sera financé par abonnement. Cela implique de la part des grossistes qu’ils définissent leur propre stratégie commerciale et mettent en place l’organisation adaptée. Un outil sera mis à leur disposition par le prestataire pour les aider à faire leurs arbitrages : choisir les clients avec lesquels ils veulent travailler ; la zone qu’ils souhaitent desservir ; l’offre qu’ils veulent proposer ; l’affichage ou non des prix ; etc. Nous avons également proposé de créer des groupes de travail par secteur afin que les besoins spécifiques des filières soient pris en compte. Je ne me fais pas de souci pour les acheteurs ; nous les aurons. Mais nous avons besoin de proposer, dès l’ouverture, la plus belle offre possible. Notre volonté est que ce projet soit ouvert à tous les grossistes, y compris les plus modestes. L’histoire récente du numérique a montré que les leaders sur Internet étaient ceux qui étaient déjà leaders sur leur marché physique et avaient su prendre le train au bon moment. L’enjeu, ce n’est donc pas d’abord l’investissement de départ (5M€, ndlr), mais bien de faire rayonner l’offre de Rungis. Si l’on y parvient, la Marketplace sera un très grand succès, j’en suis convaincu. Le prochain conseil d’administration de Semmaris, le 20 avril, décidera de façon définitive de l’avenir du projet.
Le nord du marché en plein renouveau
Plusieurs entreprises spécialisées dans la préparation de commandes et la logistique urbaine s’installent cette année au nord du Min de Rungis, au-delà du secteur des fleurs. Delifresh met la dernière main aux aménagements de son entrepôt. Le boucher volailler Huguenin très impliqué dans la restauration y fait construire le sien (EOG). Pronatura s’apprête également à s’installer dans le secteur pour y faire de la logistique et du mûrissage. Autre secteur en voie de rénovation : la viande. Les frères Metzger vont inaugurer prochainement leur bâtiment accolé au pavillon V1P. Quant au futur pavillon du porc (V1M), les travaux sont en cours.