Affaire Lactalis
La limite des autocontrôles pointée du doigt
Rendu le 18 juillet, le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Lactalis évoque le renforcement de la fiabilité des autocontrôles. Un amendement à la loi Alimentation supprime aussi la possibilité de contre-expertise en cas de résultat défavorable.
« Les autocontrôles sont insuffisants », a martelé Christian Hutin, président de la commission d’enquête parlementaire chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis, lors de la présentation de son rapport le 18 juillet dernier. En 2014, la Cour des comptes dressait déjà dans son rapport annuel le constat d’une insuffisante fiabilité des autocontrôles, soulignent le rapporteur Grégory Besson-Moreau et le président dans leurs conclusions. « La qualité des méthodes d’analyse et l’indépendance des laboratoires choisis par les professionnels ne sont pas, à ce jour, garanties », écrivait la Cour des comptes.
L’affaire Lactalis montre que les pouvoirs publics doivent aujourd’hui se saisir de cet enjeu, conclut la commission d’enquête. Améliorer les méthodes d’échantillonnage pour les analyses portant sur les poudres de lait, accompagner l’industriel dans ses opérations de prélèvements, rehausser les garanties d’indépendance des laboratoires en portant notamment une attention particulière à la composition du chiffre d’affaires des laboratoires prestataires lors des contrôles réalisés par les autorités publiques, instaurer des sanctions plus fortes pour manquement à l’obligation d’un plan d’autocontrôles sont autant de recommandations formulées par la commission d’enquête.
L’indépendance des laboratoires choisis par les professionnels n’est pas, à ce jour, garantie
Lors de son audition, la Fédération nationale de l'industrie laitière (Fnil), par la voix de son directeur Jehan Moreau, a informé la commission d’enquête de réflexions lancées à l’échelle de la fédération pour améliorer les techniques d’échantillonnage. Et ce, même si les modèles mathématiques élaborés par la profession depuis de nombreuses années permettent « d’affiner le nombre d’échantillons et d’autocontrôles à réaliser ».
Renforcer l’information aux pouvoirs publics
Les députés ont estimé qu’une « information plus exhaustive aux autorités aurait pu permettre d’éviter la crise ». Ainsi, dans le cadre du projet de loi Alimentation, l’article 11 quindecies élargit l’obligation d’informer les autorités publiques d’un contrôle positif aux « locaux, installations et équipements utilisés pour la manipulation ou le stockage de denrées alimentaires ». 150 000 euros d’amende et six mois d’emprisonnement peuvent être requis en cas de manquement à cette obligation.
Par ailleurs, les députés ont poussé la réflexion plus loin en supprimant l’obligation de contre-expertise en cas de résultat défavorable sur les autocontrôles. L’amendement CE468 du gouvernement a été adopté en commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale en juillet dernier. Les députés ont estimé qu'« outre le coût pour les professionnels, une contre-analyse induit un délai supplémentaire pour la prise des mesures adaptées ».
La DGAL, seule future autorité pour gérer la sécurité sanitaire ?
La répartition des responsabilités et des compétences en matière de sécurité sanitaire fait débat. Dans ses conclusions, la commission d’enquête prône la création d’une seule et même autorité publique pour gérer les crises sanitaires. À l’heure actuelle, trois administrations toutes rattachées à un ministère différent en ont la charge : la Direction générale de l’alimentation (DGAL), rattachée au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, la DGCCRF, dépendante du ministère de l’Économie et l’Anses sous la tutelle du ministère de la Santé. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, s’est opposé à l’idée d’une autorité unique, mais la commission d’enquête partage la vision du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Stéphane Travert. Si elle voyait le jour, cette autorité unique aurait la charge d'une plateforme unique d’information des retraits et rappels.