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La filière engagée pour réduire son empreinte carbone

Comme toute activité humaine, l’élevage laitier a sa responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre. Mais, elle compense aussi une partie de son empreinte carbone grâce à ses surfaces herbagères. Et, la filière a décidé d’apporter ses solutions.

 

Et si l’agriculture était devenue une des solutions plutôt que la source de tous les maux ? En 2006, un rapport de la FAO (Organisation des Nations-Unies pour l’agriculture et l’alimentation) pointait la responsabilité de l’élevage dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) à hauteur de 18 %. Lancé dans l’arène médiatique sans nuances, ce chiffre fut un électrochoc pour les filières bovines. Une fois passé l’état de sidération, elles se sont mises au travail et ont sollicité les chercheurs de tous horizons pour comprendre, bâtir des méthodologies plus robustes d’évaluation de l’empreinte carbone des productions animales, construire des référentiels, expertiser les marges de progrès… Le secteur laitier a été particulièrement proactif en la matière. « Nous avons travaillé avec la FAO pour affiner ce chiffre et calculer la contribution spécifique de l’élevage laitier », rappelle Thierry Geslain, directeur des affaires scientifiques et techniques au Cniel.

 

CONSENSUS DE LA FILIÈRE LAITIÈRE POUR ÉVALUER LES ÉMISSIONS

En 2013, la FAO publiait un nouveau rapport ramenant la contribution de l’élevage aux émissions de GES à 14,5 %. La part de l’élevage laitier (lait et viande) était estimée à 4,3 % et à 2,9 % pour la seule production laitière. Dans ce même rapport, la FAO évaluait le potentiel de réduction des émissions de GES à 30 % pour le secteur de l’élevage.

À l’échelle française, on considère que l’élevage est responsable de 8 % des émissions de GES, dont 29 % pour les vaches laitières, et que 80 à 90 % de l’empreinte carbone des produits laitiers résulte de la phase d’élevage. Basées sur l’analyse du cycle de vie des produits, les méthodologies de calcul des émissions brutes de GES font aujourd’hui consensus, notamment depuis la publication par la FIL (Fédération internationale de laiterie), en 2010, d’un guide de calcul de l’empreinte carbone. Il va être remis à jour courant 2015. Et, la FAO se prépare à publier un guide méthodologique pour toutes les productions d’élevage (projet LEAP), qui s’inspire largement des travaux de la FIL pour la partie laitière. « La FAO a été impressionnée par le fait que le secteur laitier ait pu trouver rapidement un consensus et a souhaité faire de même pour l’élevage », indique Sophie Bertrand, chef de service environnement au Cniel. Le point le plus litigieux portait sur l’allocation des émissions de GES entre le lait et la viande, aucune évidence scientifique ne s’imposant pour répartir l’impact climatique entre les productions d’un même animal. Là encore, le choix de la FIL a été validé : « L’allocation est basée sur les besoins énergétiques de la vache laitière pour produire respectivement le lait et la viande », détaille Sophie Bertrand.

 

L’ÉLEVAGE BOVIN EST UN DES PRINCIPAUX PUITS DE CARBONE

Si l’élevage participe aux émissions de GES, il joue également un rôle d’amortisseur du changement climatique en séquestrant du carbone dans les sols. Les prairies permanentes représentent notamment un fort potentiel de stockage, ainsi que les haies et bosquets qui maillent de nombreuses exploitations d’élevage. « À l’échelle nationale, le carbone stocké sous les prairies et les haies compense les émissions de l’élevage herbivore à hauteur de 28 %, a calculé l’Institut de l’élevage. Au niveau de l’élevage laitier, la compensation carbone peut varier de 5 % à 40 % en fonction du système fourrager. » Ainsi, en France, les émissions brutes de GES sont estimées en moyenne à 1 kilo d’équivalent CO2 par litre de lait. En prenant en compte le stockage du carbone, les émissions nettes peuvent être ramenées à 0,7 kilo par litre.

« On sent aujourd’hui une réelle prise de conscience du fait que l’agriculture est un des rares secteurs d’activité, avec la forêt, à pouvoir compenser une grande partie de ses émissions de GES », constate Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement à l’Institut de l’élevage. Néanmoins, il n’existe pas pour l’instant, au niveau mondial, de méthodologie reconnue pour évaluer les flux et les stocks de carbone. Un travail est en cours au sein de la FAO, mais il est très complexe à réaliser et les débats scientifiques sont loin d’être tranchés. « En France, nous avons la chance d’avoir les résultats des travaux de Jean-François Soussana, et de son équipe de l’Inra, qui ne sont pas contestables », affirme Sophie Bertrand. Le secteur laitier se devait d’intégrer les objectifs de réduction des émissions de GES, fixés notamment par l’Union européenne (qui font référence à l’année 1990), dans le fonction nement des exploitations. Mais, une partie du chemin a déjà été accomplie. « L’évolution technique des systèmes de production laitière entre 1990 et 2010 a permis de réduire d’environ 20 % les émissions de GES du secteur laitier », affirme Jean-Baptiste Dollé.

 

« IL SERAIT DÉRAISONNABLE D’IMAGINER ALLER AU-DELÀ DE 20 % DE BAISSE »

Et, en 2013, la filière laitière s’est fixé un objectif de réduction des émissions de GES de 20 % d’ici à dix ans via un ambitieux plan carbone : Life Carbon Dairy (voir page 16). En vue de la conférence internationale sur le climat (COP21), qui se tiendra à Paris en décembre prochain, elle souhaite attirer l’attention des pouvoirs publics sur son engagement dans la lutte contre le dérèglement climatique. « Notre contribution consiste à mettre en place tous les moyens pour baisser nos émissions de GES de 20 % à dix ans, explique Thierry Geslain. Nous pensons que cet objectif est réalisable. Mais, nous souhaitons que les pouvoirs publics soient conscients qu’il serait déraisonnable d’imaginer aller au-delà. »

Et, si la production laitière a été montrée du doigt après le premier rapport de la FAO, notamment par les ONG, aujourd’hui, « elles apprécient que nous nous soyons saisi du dossier. Life Carbon Dairy est bien perçu », observe le directeur scientifique du Cniel.

 

LE CARBONE MAIS PAS SEULEMENT

Au-delà des émissions de GES, les enjeux environnementaux de la production laitière sont nombreux : eutrophisation, pesticides, acidification atmosphérique, consommation d’énergie… Elle a aussi des impacts positifs, en contribuant par exemple au maintien de la biodiversité. « En se focalisant sur un seul critère, on s’expose au risque de proposer des leviers d’action qui vont à l’encontre d’autres indicateurs environnementaux », prévient Jean-Baptiste Dollé. Cette approche multicritère est désormais reconnue et la plupart des outils d’évaluation sont développés dans ce sens. Cependant, les méthodologies pour quantifier les différents impacts sont loin d’avoir abouti, notamment pour la biodiversité. « Au niveau de la FIL, nous sommes en train de finaliser un guide de calcul de l’empreinte eau et un travail est en cours sur la biodiversité », précise Sophie Bertrand.

 

EN CHIFFRES

Elevage : 8 % des émissions nationales de GES, dont 29 % pour les vaches laitières

Les sources de GES en élevage laitier : méthane entérique (50 %) ; déjections et engrais azotés (30 %); intrants achetés (20 %)

Le stockage du carbone compense de 5 à 40 % des émissions de GES

Empreinte carbone brute moyenne : 1 kg équivalent CO2/litre de lait

Empreinte carbone nette moyenne : 0,7 kg équivalent CO2/litre de lait

Objectif de réduction des émissions de GES de la filière laitière: moins 20 % d’ici à dix ans

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