La filière bio vent debout contre la Commission
La proposition de réforme du label bio présentée par la Commission européenne le 23 mars 2014 continue à soulever de nombreuses critiques. La nouvelle législation viserait à rapprocher les différentes législations des États membres et à durcir les conditions d’accès au label européen, dans un marché qui a quadruplé sur les dernières années.
Le label bio européen est actuellement gouverné par le règlement de l’Union européenne (UE) no 834/2007. Pour rappel : 95 % ou plus des composants du produit doivent être issus de l’agriculture biologique ; le produit doit être conforme aux règles du système officiel d’inspection ; la culture doit être faite sans produits chimiques de synthèse (engrais, pesticides, traitement après récoltes) ni OGM ; toutes traces d’OGM au-delà des 0,9 % admis en cas de contamination fortuite sont interdites. Le bio implique un recours limité aux médicaments et traitements vétérinaires ; le produit doit venir directement du producteur ou du préparateur dans un emballage scellé ; le produit doit présenter le nom du producteur, du préparateur ou du distributeur et le nom ou le code de l’organisme d’inspection.
En outre, le règlement laisse une large marge de manœuvre aux États membres, qui peuvent appliquer sur leur territoire des règles plus strictes en ce qui concerne la production végétale et animale biologique, à condition que ces règles soient applicables également à la production non biologique et qu’elles soient conformes au droit de l’Union européenne. Ce sont précisément ces disparités entre les législations nationales qui préoccupent le plus la Commission européenne, comme l’a illustré Politico le 19 octobre 2016 (1). L’article raconte comment un navire chargé de céréales bio est arrivé au port d’Anvers et a été soumis aux contrôles des autorités belges. Après des traces de pesticides retrouvées, la certification bio a été retirée. Le navire est reparti pour Rotterdam, où les douaniers néerlandais ont rapidement approuvé la commercialisation des produits sous le label bio.
Renforcer les contrôles et éviter les contrefaçons
La Commission entend harmoniser les législations des États membres en renforçant les contrôles afin d’éviter les contrefaçons et protéger les consommateurs. Ainsi, des seuils de produits interdits (pesticides et OGM) au-dessus desquels un produit bio perdrait automatiquement son label seraient instaurés. La Commission entend également interdire l’agriculture biologique et non biologique sur le même site – afin d’éviter les contaminations de produits biologiques – et améliorer le système de vérification avec l’application de contrôles obligatoires sur les détaillants. En outre, resterait encore valable pendant deux ans la proposition d’adopter un système de certification de groupe pour pousser les petits agriculteurs européens vers la production biologique.
Des sanctions très critiquées
Le Parlement européen et la filière bio ont fortement contesté les propositions de la Commission, en particulier au regard de la sanction des contaminations qui, selon eux, seraient « inévitables » et auraient lieu pendant les phases de transport, conditionnement et distribution des produits biologiques. C’est pourquoi, ils préconisent de ne sanctionner que les cas de fraude avérée. En réponse à cette préoccupation, la Commission a proposé qu’un système de compensation en cas de contamination fortuite soit mis en place. Mais les critiques ne se résument pas à la contamination, et il est plus généralement reproché à la Commission de vouloir « tuer » le bio. Ainsi, Philippe Thomazo d’Ecocert, l’organisme de contrôle et de certification, a rappelé qu’« un des moyens de tuer la bio, c’est de la rendre tellement stricte qu’elle devient inapplicable » (2).
La Commission est donc appelée à mettre en balance les intérêts des agriculteurs, des détaillants et aussi des consommateurs, et ce qui semblait être une réforme mineure, semble aujourd’hui cristalliser des intérêts bien divergents qui attendent une solution finale depuis 2014.
(1) Jakob Hanke, « Brussels goes to ‘organic’ barricades », 19 octobre 2016, disponible sur le site : http://www.politico.eu
(2) Kelly Thomas, « La réforme du label bio européen fait débat », EurActiv.fr, 1er avril 2014
LE CABINET KELLER & HECKMAN
Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate-associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.