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Chronique
Jambon : des ententes sur les prix lourdement sanctionnées

L’Autorité de la concurrence a sanctionné douze charcutiers-salaisonniers le 16 juillet 2020 à hauteur de 93 millions d’euros pour entente, en amont sur leurs relations avec les abatteurs et en aval sur les prix de vente pratiqués auprès de la grande distribution. Décryptage de cette décision.

Valérie Ledoux, associée et co-managing partner du cabinet Racine. © DR
Valérie Ledoux, associée et co-managing partner du cabinet Racine.
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Par une décision du 16 juillet 2020 (no 20-D-09), l’Autorité de la concurrence (ADLC) a sanctionné douze charcutiers-salaisonniers pour s’être entendus entre eux (i) en amont, dans leurs relations avec les abatteurs, pour résister à des hausses ou obtenir des baisses de prix d’achat du jambon dit « sans mouille » et (ii) à l’aval, sur les hausses du prix de vente des produits charcutiers crus et cuits, pratiqués auprès des enseignes de la grande distribution.

Les pratiques reprochées ont été en partie révélées grâce à la procédure de clémence qui consiste, rappelons-le, à dénoncer à l’Autorité de la concurrence son appartenance passée ou actuelle à une entente pour bénéficier d’un traitement favorable (immunité totale ou partielle de l’amende encourue). Notons que le premier dénonciateur n’a pas obtenu d’exonération totale, ce qui est exceptionnel, car il n’avait pas informé l’Autorité de la concurrence de la tenue d’une réunion anticoncurrentielle à laquelle il participait. En revanche, le second dénonciateur a pu bénéficier d’une exonération totale pour certaines pratiques, dont l’ALDC a pu avoir connaissance uniquement grâce aux éléments apportés par cette entreprise.

Notes manuscrites, courriels internes et relevés téléphoniques

Toute une série d’éléments, provenant à la fois des demandeurs à la clémence et des saisies réalisées par l’ADLC lors de ses opérations de visite et saisie, ont permis de caractériser les pratiques : des notes manuscrites, des courriels internes à certaines entreprises et envoyés aux clients distributeurs, des relevés téléphoniques des lignes fixes et de portables de salariés des entreprises ou encore le carnet d’un directeur commercial de l’une des sociétés où étaient consignés 282 échanges bilatéraux avec ses concurrents et ses notes relatives à cinq réunions multilatérales.

Des informations fausses

Plusieurs arguments ont été avancés par certaines entreprises pour tenter de justifier une partie des pratiques, par exemple, le fait que certaines informations étaient fausses dans la mesure où les entreprises avaient « bluffé » en échangeant ces informations ; le fait que l’accord anticoncurrentiel n’était pas toujours appliqué et qu’il constituait donc une simple tentative d’accord ; les difficultés économiques rencontrées en raison d’une très forte hausse du coût des matières premières et d’un rapport de force en leur défaveur avec leurs clients de la grande distribution. Tous ces arguments ont été rejetés par l’ADLC. Elle rappelle également que la participation, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et sans distanciation publique vis-à-vis de leur contenu, permet de qualifier la participation à l’entente.

Un dommage causé à l’économie limité

Les pratiques sont considérées par l’ADLC comme « particulièrement graves par nature », en raison, pour les ententes sur les prix de vente, de leur degré de sophistication, du détail des informations échangées (par exemple : « description des initiatives prises », « réaction des clients et état de la négociation avec eux », « contre-réaction de l’industriel face aux clients réfractaires à la hausse ») et du fait que les consommateurs finaux étaient susceptibles d’être affectés. L’ADLC conclut toutefois que le dommage causé à l’économie par ces pratiques est limité (tant pour les ententes à l’amont qu’à l’aval) en raison du « pouvoir de négociation important » des enseignes de la grande distribution.

Finalement, l’Autorité de la concurrence prononce une amende globale de 93 037 000 d’euros pour les douze entreprises et leur ordonne des mesures de publication dans plusieurs médias.

Le cabinet Racine

Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires, qui regroupe plus de 200 professionnels du droit dans sept bureaux (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Bruxelles), dont 30 associés et 70 collaborateurs à Paris. Valérie Ledoux, associée et co-managing partner du cabinet, y traite des questions relatives à la concurrence, la distribution, aux contrats et à la propriété intellectuelle et industrielle, auprès de grandes entreprises, notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, de la distribution, du luxe, du e-commerce et des médias. Avocate au barreau de Paris et de Bruxelles, elle est membre de l’Association française d’étude de la concurrence et membre de l’Association des avocats pratiquant le droit de la concurrence.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75008 Paris - www.racine.eu

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