L’inflation s’est accélérée au mois d’avril dans les rayons. Des hausses passent. Pourquoi en est-on encore loin de ce dont l’agroalimentaire a besoin ?
Jean-Philippe André - Les négociations commerciales annuelles, clôturées début mars, n’ont pas pu prendre en compte la situation actuelle de l’augmentation des coûts de l’énergie, des difficultés d’approvisionnement sur certaines matières, etc. On avait besoin en moyenne de six points de hausse. On estime que 40 à 50 % ont été passés grâce à la sanctuarisation de la matière première agricole. Cela veut dire que l’on a perdu trois points de marge. Certes, il n’y a pas de déflation, mais il y a encore des pertes de marge. Au 1er mars, on était déjà dans des marges négatives. Et sont venues s’ajouter les conséquences de la guerre en Ukraine avec, notamment, une accélération du choc énergétique, la grippe aviaire, etc. Il y a une urgence à se remettre autour de la table. 80 % des sociétés ont fait des demandes de réouverture de négociation, mais cela ne va pas assez vite. C’est anxiogène et anti-économique.
Les distributeurs mettent en avant la défense du pouvoir d’achat. Cet argument peut-il être entendu ?
J.-P. A. - Il n’y a en tout cas pas d’effet d’aubaine ou de spéculation de la part des entreprises. L’Ania représente 15 000 entreprises, la majorité étant des PME ou des ETI. Je peux vous dire qu’elles n’ont absolument pas les moyens ni la trésorerie pour spéculer. Il y a urgence pour les entreprises de revaloriser les prix. Je suis étonné de voir le nombre de dirigeants avec qui j’échange qui sont anxieux. Ce ne sont pas des perdreaux de l’année, ils en ont vu des moments difficiles, mais là, ils se demandent comment ils vont piloter leur entreprise dans les six ou huit prochains mois.
Si ces hausses ne passaient pas ou tardivement, quelles seraient les conséquences ?
J.-P. A. - Si un dirigeant ne peut pas répercuter les hausses des coûts des intrants, il va se demander si c’est intéressant de produire. La première conséquence serait cet effet sur la production. La seconde serait d’affaiblir encore davantage les entreprises. Je ne veux pas parler de faillite. Mais les dirigeants se demandent à quel point ils peuvent encore fragiliser leur entreprise. Il est clair qu’il faut remettre l’alimentation au cœur des préoccupations. L’alimentation a une valeur, on ne peut pas la massacrer. Et les problèmes de pouvoir d’achat doivent être résolus par des politiques publiques, mais pas par la guerre entre distributeurs.