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Glyphosate : quelle marge de manœuvre pour la France ?

Bruno Néouze, avocat associé au cabinet Racine.
© DR

Si l’article 34 du TFUE interdit entre les États membres toute restriction quantitative à l’importation et toute mesure d’effet équivalent, l’article 36 les autorise si elles sont justifiées, notamment, par des raisons de protection de la santé ou de préservation des végétaux, à condition qu’elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

S’agissant des produits phytopharmaceutiques (PPP), le règlement n° 1107/2009 rappelle les objectifs de recherche d’un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement ainsi que de compétitivité de l’agriculture européenne. Et considère que le principe de précaution doit s’appliquer, de sorte qu’il revient aux industries d’établir que les substances actives ou les PPP n’ont aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ni aucun effet inacceptable sur l’environnement. Le règlement tend également à supprimer les obstacles au commerce des PPP qui existent en raison de la disparité des niveaux de protection dans les États membres et vise à instaurer des règles harmonisées pour l’approbation des substances actives et la mise sur le marché des PPP.

Un double système d’autorisation est posé : autorisation des substances actives au niveau européen (Commission) et autorisation de mise sur le marché des PPP relevant de chaque État membre pour la commercialisation et l’utilisation sur son propre territoire. Est enfin prévu un mécanisme de reconnaissance mutuelle des autorisations destiné à faciliter l’autorisation de mise sur le marché de PPP ayant déjà été autorisés dans d’autres États membres pour des conditions agricoles comparables. Ainsi, lorsque la substance active est autorisée au sein de l’UE, un État membre qui refuse que cette substance soit utilisée sur son territoire doit refuser l’autorisation de mise sur le marché pour tous les produits contenant cette substance active, y compris au titre d’une demande de reconnaissance mutuelle.

Article 36 TFUE ou mesures conservatoires

Pour ce faire, l’État membre peut certes invoquer l’article 36 TFUE, mais dès lors que la substance active aura été autorisée par la Commission européenne, avec le haut degré de protection évoqué par le règlement, sa marge de manœuvre pour retirer l’autorisation de mise sur le marché des produits la contenant est faible, sauf à invoquer des raisons de protection de la santé ou de l’environnement spécifiques.

Il serait possible d’utiliser le dispositif prévu aux articles 69 à 71 du règlement permettant d’adopter des mesures conservatoires lorsque la Commission n’a pas donné suite à une demande d’adoption de mesures d’urgence en raison d’un risque grave et clairement établi pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement, ces mesures provisoires nationales pouvant rester en vigueur jusqu’à la prise de décision communautaire (prorogation, modification ou abrogation des mesures nationales). Mais sauf faits nouveaux, notamment sur le plan scientifique, pourquoi la Commission se déjugerait-elle ?

Risque de contestation

Compte tenu de l’étendue du débat et de la confrontation des expertises qui ont précédé la prise de décision de la Commission, et sauf preuves nouvelles, si la France choisit de refuser ou retirer les autorisations de mise sur le marché des PPP contenant du glyphosate, d’une part, cela n’emporterait pas d’interdiction d’importation en provenance d’autres États de l’UE de denrées produites dans des États où des PPP à base de glyphosate sont autorisées, et d’autre part, on ne peut exclure que ces décisions soient contestées.

Cette contestation pourrait prendre la forme d’une procédure communautaire déployée par la Commission ou par d’autres États membres, mais aussi d’une action en responsabilité engagée par des producteurs agricoles ou des industriels. Les condamnations pécuniaires qui seraient prononcées ne seraient alors que la mise à la charge de la collectivité nationale des préjudices résultant pour les producteurs de choix effectués par ses représentants, qui apparaîtraient plus politiques que scientifiques.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de La Réunion), il réunit près de soixante-dix avocats et juristes à Paris. Il dispose également d’un bureau à Bruxelles et à Beyrouth. Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l’agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75008 Paris - www.racine.eu

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