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« La France importe déjà du Mercosur pour 1,92 milliard d’euros de produits agricoles et agroalimentaires »

Ingénieur de recherche en économie de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), Vincent Chatellier décrit pour les Marchés les flux déjà en place entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, et décrypte les dessous de l’accord de libre-échange que l’UE souhaite ratifier avec le ces pays d'Amérique latine. Interview. 

Vincent Chatellier, économiste à l'Inrae, rappelle que l'UE est déjà le deuxième débouché agricole du Mercosur, après la Chine
© Inrae

Les Marchés : Le Mercosur cristallise craintes et tensions en France. Quel est votre regard sur l’accord commercial que la Commission européenne s’apprête à ratifier avec cette partie du monde ?

Vincent Chatellier :  Le Marché commun de l’Amérique du Sud (Argentine, Bolivie, Brésil, Paraguay, Uruguay) dispose de près de 13 millions de kilomètres carrés (le triple de l’Union européenne). Sa production agricole dépasse largement les besoins de ses 286 millions d’habitants. 

Le Mercosur est le troisième exportateur mondial derrière les États-Unis et l'UE

Le Mercosur est le troisième exportateur mondial (152 milliards d’euros en moyenne annuelle sur la période 2020 à 2022) derrière les États-Unis (156 milliards) et l’Union européenne (205 milliards). En tête des flux, les oléagineux (surtout le soja) ont représenté, en 2022, 44% des exportations agricoles et agroalimentaires de cette zone, loin devant les céréales (16%), la viande bovine (10%), le sucre (6%), la viande de volailles (5%), etc. Ses principaux débouchés sont la Chine (27 %), l’UE (15 %), le continent africain (8%), les États-Unis (4%) et l’Inde (3%). 

Lire aussi : Mercosur : « Nous sommes aujourd’hui à un tournant décisif » s'alarment quatre interprofessions agricoles

 

LM : Au niveau européen, quelles sont les importations agricoles et agroalimentaires provenant aujourd’hui du Mercosur ?

En 2023, les oléagineux (46% du total), les café, thé et cacao (15%), la viande bovine (6%), les préparations de fruits et légumes (5%), céréales (5%), fruits (4%), viande de volailles (3%) et sucre (2%) ont représenté 23,7 milliards d’euros (12,5 % des importations agricoles de l’UE). Dans certains secteurs, en viande par exemple, ces flux ont baissé ces dernières années. 

Ces échanges sont très déséquilibrés

L’UE a importé du Mercosur l’an passé 194 000 tec de viande bovine (57% de ses importations sur ce produit) contre 266 000 tec en moyenne annuelle entre 2000 et 2010. Pour la viande volaille, c’était 324 700 tec en 2023 (33% de ses importations) contre 539 500 tec par an sur la période 2000-2010. Mais ces échanges sont très déséquilibrés. L’an passé, le Mercosur ne figurait qu’à hauteur de 1,4 % des exportations agricoles et agroalimentaires de l’UE -un taux qui a peu varié depuis 2000- et de 0,3 % des exportations françaises.  

Lire aussi : Mercosur : Produits laitiers, vins et spiritueux, ces filières ont-elles un intérêt à l’accord ?

 

LM : Dans ce contexte, quelles pourraient être les conséquences en France de la ratification de l’accord UE-Mercosur ?

C’est un accord de libre-échange complexe qui combine des mesures hétérogènes dans de nombreux secteurs économiques. Sur le volet agricole et agroalimentaire, l’accord fixe pour l’UE des quotas additionnels d’importations à droits de douane réduits dont 99 000 tonnes en viande bovine, 180 000 tonnes de viande de volailles. La France importe déjà du Mercosur pour 1,92 milliard d’euros de produits agricoles et agroalimentaires (2,6% de ses importations agricoles), sans doute un peu plus puisqu’une partie des produits importés par d’autres pays européens arrivent ensuite en France sans qu’il soit toujours possible de repérer leur provenance initiale. 

Lire aussi : Le fonds de compensation du Mercosur : une provocation pour les agriculteurs européens

Même si les importations additionnelles induites par cet accord seront assez faibles au prorata de la consommation globale européenne (6,3 millions de tonnes de viande bovine, 12,4 millions de tonnes de viande de volaille), il suscite de la part des agriculteurs et des parlementaires français de légitimes craintes sur le respect des normes sanitaires, la déforestation, et le sens donné à cette démarche d’ouverture commerciale. À plus long terme toutefois, le règlement européen interdisant depuis 2023 l’importation de produits issus de la déforestation1, (café, cacao, caoutchouc, huile de palme, soja, viande bovine et bois) pourrait inciter à la spécialisation des zones de production où l’Europe achète ses produits.

 

1 Dont la mise en application a été repoussée et que le nouveau Parlement veut rendre moins contraignant

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