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Mercosur : Produits laitiers, vins et spiritueux, ces filières ont-elles un intérêt à l’accord ?

Alors que la colère agricole retentit de nouveau, rallumée par l’approche de la conclusion d’un traité avec le Mercosur, la Commission appuie sur le fait que les produits laitiers et les vins et spiritueux seraient gagnants de l’affaire. Est-ce vraiment le cas ou faut-il craindre un retour de bâton ?

conteneurs au port du havre
La France va-t-elle voir ses exportations de vins, spiritueux et produits laitiers décoller grâce à l'accord avec le Mercosur ?
© Virginie Pinson

Cette semaine, quatre interprofessions, (volaille, viande bovine, céréales et sucre) alertaient sur les risques encourus dans leurs filières respectives en cas de signature de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Mais certaines filières se font discrètes. 

Lire aussi : Le fonds de compensation du Mercosur : une provocation pour les agriculteurs européens

En produits laitiers, du potentiel pour l’export français

Alors que la Chine a lancé une enquête anti-subvention sur les produits laitiers, lançant une guerre commerciale avec l’UE au sujet des voitures électriques, la filière laitière peut se poser la question de chercher des débouchés ailleurs dans le monde. L’accord commercial avec le Mercosur permettrait la protection de 52 indications géographiques laitières européennes, une réduction réciproque des droits de douane sur le beurre (-30 %) et les yaourts (-50 %) et la disparition des droits sous 10 ans pour des contingents de produits laitiers.

Fromages30 000 tonnes
Poudre de lait 10 000 tonnes
Préparations infantiles5 000 tonnes

Hausse des exportations de fromages et laits infantiles

Les experts s’accordent sur une probable hausse des envois européens de fromages et de poudres de lait infantiles vers le Brésil. Les préparations infantiles ne sont, pour le moment, pas concernées par l’enquête anti-subventions de la Chine. Mais, pour autant, le marché chinois, client important de l’UE, n’est pas porteur avec une baisse de la natalité qui dure, d’où un attrait pour le Brésil, relai de croissance. 

L’Amérique du Sud serait tout juste autosuffisante dans 10 ans et importatrice nette par la suite. 

L’Amérique du Sud représente un vrai potentiel durable de croissance, selon les projections de Milk Point Ventures, l’Amérique du Sud serait tout juste autosuffisante dans 10 ans et importatrice nette par la suite. Dans 20 ans, la balance commerciale serait complètement renversée, passant d’un excédent de 2,3 millions de tonnes en moyenne sur 2010-2012 à un déficit de 2,9 millions de tonnes. 

Les petits producteurs laitiers brésiliens inquiets

Du côté du Brésil, les petits producteurs de lait (80 % des producteurs pour 60 % de la collecte) ne cachent d’ailleurs pas leur inquiétude de voir les produits européens déferler sur leur marché et porter ombrage à leur développement.

Les entreprises françaises pourraient améliorer leurs résultats

Lactalis et Savencia ont déjà un pied en Amérique du Sud. La signature de l’accord leur permettrait de développer leur commerce interne entre les unités sudaméricaines et européennes. 

Attention au risque conjoncturel sur la poudre de lait  

A noter néanmoins que l’accord prévoit l’ouverture d’un contingent de poudre de lait 10 000 tonnes, dans les deux sens. En cas d’excédent, en Argentine ou Uruguay, les deux grands producteurs laitiers du Mercosur, il est donc possible de voir arriver des poudres de lait sudaméricaines en France. Pour autant le risque est limité. D’une part car aujourd’hui l’Argentine est en pleine crise laitière, avec une production en chute libre. De l’autre car l’UE est structurellement peu importatrice de poudre de lait. Néanmoins il convient de rester prudent, notamment vis-à-vis de l’Argentine dont la compétitivité est boostée par la dévaluation du peso… et où la chute de la demande intérieure, en pleine crise économique, peut dégager des volumes à l’export. Des envois de beurre sont aussi possibles. 

Lire aussi : L’Europe importe-t-elle du bœuf aux hormones brésilien ?

Les IG laitières seront-elles efficacement protégées ?

La protection des indications géographiques pose aussi question, comme le relève la Chambre d’agriculture de Bretagne sur son site : « L’accord n’exige pas des pays du Mercosur qu’ils ajustent leurs législations domestiques en conséquence, ce qui pourrait limiter l’efficacité de la protection des IG ». De plus, comme dans d’autres accords commerciaux, une clause du grand-père est prévue, c’est-à-dire de permettre la commercialisation de produits utilisant ces termes dans les pays où elles l’étaient déjà cinq ans avant le dépôt de la liste des IG. C’est par exemple le cas d’un « Gruyère » au Brésil.

« L’accord n’exige pas des pays du Mercosur qu’ils ajustent leurs législations domestiques en conséquence, ce qui pourrait limiter l’efficacité de la protection des IG ».

Les vins bénéficiaires du Mercosur selon la Commission

La Commission européenne se veut formelle, le secteur des vins et spiritueux devrait se montrer bénéficiaire de l’accord avec le Mercosur, avec une réduction des droits de douanes pour l’heure élevés (vins :27 %, spiritueux : 20 à 35 %). Le Brésil est le 14e consommateur de vin dans le monde, et la demande progresse, notamment chez les jeunes, à l’inverse de l’UE. L’accord protégerait aussi des indications géographiques européennes, dont les vins d’Anjou et d’Alsace ou le Rhum des Antilles.

Le Brésil est le 14e consommateur de vin dans le monde

Dans le même temps, le vignoble français, déjà en crise, voit l’élection de Trump d’un très mauvais œil puisqu’il a promis des droits de douane. La filière cognac, en crise profonde après une chute des volumes exportés de 22 % en 2023, et une année 2024 marquée par la guerre commerciale avec la Chine. D’où l’attrait de l’Amérique du Sud. 

Lire auss : Qu’est-ce que le « split » qui pourrait faire passer l’accord UE-Mercosur ?

Les vins français peuvent-ils vraiment s’imposer ?

 Néanmoins on peut relever la prudence du Copa-Cogeca, organisme représentant les agriculteurs européens sur le sujet. La baisse des droits de douane est réciproque, le Vieux continent s’ouvre donc aux vignobles très compétitifs de l’Amérique du Sud, or le Mercosur est le cinquième bassin de production du monde.

Le Vieux continent s’ouvre donc aux vignobles très compétitifs de l’Amérique du Sud

 D’ailleurs les importations brésiliennes de vins ont reculé de 6 % en 2023 relève Business France. Celles de spiritueux ont aussi baissé l’an dernier (-2,1 %). Avec 7 % de parts de marché au Brésil, la France se place loin derrière le Chili (40 %), le Portugal (23 %) et l’Argentine (17 %). La stratégie portugaise consiste à proposer un prix attractif, plus compétitifs parfois même que les vins chiliens et argentins.

Où en sont les discussions autour de l’accord avec le Mercosur ?

Si une signature la semaine prochaine lors du G20 au Brésil est désormais peu probable, la date du 2 au 4 décembre (sommet du Mercosur) est désormais évoquée par Bruxelles. Les discussions sur le volet agricole sont closes, or c’est celui-ci que la France veut rouvrir. Parmi les opposants à l’accord, on trouve la Wallonie qui s’est prononcée de manière formelle contre. L’Autriche, la Pologne et l’Irlande sont aussi réticents, tous comme les Pays-Bas. La Slovaquie, la Bulgarie, la Lituanie, le Luxembourg et la Roumanie ont émis des réserves, sans s’opposer. Allemagne, Espagne et Italie ainsi que les pays Scandinaves poussent, eux, à la signature. L’enjeu pour l’Allemagne est d’exporter ses voitures thermiques et de reprendre des parts de marché à la Chine, et pour l’UE d’avoir un accès aux matières premières (lithium, cobalt…) dont elle a besoin pour sa transition énergétique. 

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