Coopérative
Cooperl accélère sur la démédication
Cooperl Arc Atlantique développe rapidement sa production de porcs élevés sans antibiotiques. Le leader français du secteur porcin se construit un modèle anti-crise.
On ne change pas une stratégie qui gagne. Cooperl Arc Atlantique, leader français du secteur porcin, tout à la fois producteur, abatteur et transformateur (2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018, 7 100 collaborateurs) reste persuadé que seule la montée en gamme de son offre lui permettra de maintenir, voire d’accroître ses positions sur le marché. « Notre stratégie est la bonne. Il nous faut viser la compétitivité hors prix par la qualité puisque la compétitivité prix des opérateurs français est pénalisée par des distorsions fiscales, sociales et environnementales face à la concurrence », a martelé vendredi 7 juin Emmanuel Commault, directeur général du groupe de Lamballe (Côtes-d’Armor), lors de la présentation de ses comptes 2018 devant la presse.
À ses yeux, ses produits ne se vendront, demain, que s’ils correspondent aux attentes sociétales des consommateurs. Que ce soit en France ou à l’étranger où Cooperl Arc Atlantique réalise 30 % de ses affaires. Plus gros des acteurs du porc en France (5,7 millions de porcs produits dont 4,7 millions abattus et transformés dans ses usines), le groupe coopératif travaille déjà selon tous les signes de qualité, du standard au bio en passant par le label Rouge, le Bleu-Blanc-Cœur, etc. Mais il prend un soin tout particulier, depuis quelques années, à développer des cochons sans antibiotiques.
Il a démarré dans cette voie en 2014 lorsqu’il a compris que la non-castration des mâles (92 % de la production aujourd’hui) renforce les défenses sanitaires des animaux et évite le recours aux antibiotiques.
40 % de notre production est issue d’élevages sans antibiotiques
« 40 % de notre production est issue d’élevages sans antibiotiques », se réjouit Patrice Drillet, président de Cooperl Arc Atlantique. Plus exactement, le recours aux antibiotiques est proscrit après sevrage après le 42e jour. Un peu plus de 550 élevages Cooperl travaillent de la sorte. Mais près de 140 élevages vont encore plus loin, n’administrant plus d’antibiotiques aux animaux dès leur naissance. Selon Thierry du Teilleul, directeur marketing du groupe, c’est un chiffre qui progresse fortement, précisant : « il y a un an et demi, seulement trente éleveurs ne recouraient pas aux antibiotiques dès la naissance ».
Cooperl valorise cette production en charcuterie Brocéliande – marque historique du groupe en salaisons –, sous la forme de jambons, lardons, rôtis cuits, pâtés, saucisses. Ces produits santé bénéficient de l’allégation « sans antibiotiques après sevrage » et, depuis l’an passé, de l’allégation « sans antibiotiques dès la naissance ».
À terme, le standard du groupe
Il s’agit là d’un segment en croissance constante, contrairement aux produits de charcuterie classique dont la consommation baisse depuis quelques années. À l’étranger, ces pièces de porcs sous allégations permettent à la viande Cooperl de mieux se vendre. En toute logique, tous les opérateurs industriels s’y sont mis en France. Mais ils n’ont ni le niveau de production d’un Cooperl ni son organisation verticale qui lui donne la maîtrise de tous les maillons de la filière. « À terme, on peut imaginer que “sans antibiotique” sera le standard de Cooperl », dit Emmanuel Commault.
Lorsque ce sera le cas, les autres marques phare du groupe, Madrange, Paul Prédault, Montagne noire, etc., y auront forcément accès.
La profession a quinze ans de retard en la matière
Pour y parvenir, les élevages devront investir dans des aménagements et équipements orientés biosécurité pour réduire tout risque sanitaire nécessitant l’emploi d’antibiotiques, et dans le bien-être. Le groupe ne chiffre pas le montant des investissements que l’amont devrait réaliser dans les prochaines années. Mais on imagine qu’ils sont importants. « La profession a quinze ans de retard en la matière, notamment parce que les investissements ont porté sur l’environnement ces dernières années », reconnaît Patrice Drillet.
Avec la nette augmentation du prix du porc de ces derniers mois en raison de l’effondrement de la production de la Chine frappée par une épidémie sans précédent de peste porcine africaine – une tendance qui devrait se maintenir compte tenu des besoins énormes de la Chine en viande de porc –, les éleveurs ont désormais la visibilité suffisante pour investir.
Restructuration des huit usines de charcuterie de Turenne Lafayette
Dans le même temps, le groupe de Lamballe poursuit ses efforts pour améliorer sans cesse la performance économique de ses usines (25 au total). Il a investi 75 millions d’euros l’an passé dans une unité de méthanisation géante alimentée en effluents de ses élevages et déchets industriels de ses usines, une plateforme logistique ultramoderne notamment, la restructuration des huit usines de charcuterie de feu Turenne Lafayette. Il prévoit d’amplifier ses efforts cette année. « Nos 25 usines en bénéficieront », dit sans plus de précisions Emmanuel Commault.
En travaillant sur la compétitivité prix et compétitivité hors prix, en particulier en renforçant la démédication des élevages, « nous avons un modèle économique qui doit nous permettre de passer les années de crise », estime le directeur général de Cooperl.
Passer des hausses, coûte que coûte
La hausse continue du prix du porc en France et dans le monde ne sera pas un feu de paille. L’effondrement de la production chinoise frappée par la peste porcine africaine va forcément générer un gigantesque appel d’air sur le marché mondial. « C’est un nouveau paradigme de marché qui devrait mettre plusieurs années avant de s’équilibrer », dit Emmanuel Commault, directeur général de Cooperl. Dans ce contexte, il faut nécessairement que les distributeurs acceptent de passer des hausses, sous peine de mettre en grande difficulté l’industrie de troisième transformation, selon la direction de la coopérative.