[Chronique] Quid du soutien à la HVE dans la nouvelle PAC ?
Des voix s’élèvent contre la possibilité, envisagée par la France, de conditionner l’octroi des aides européennes environnementales, en particulier celles des « éco-régimes » de la nouvelle politique agricole commune, à l’existence de la certification nationale Haute Valeur environnementale.
Cette mesure profite de la proposition du plan stratégique national (PSN) transmise à la Commission européenne le 22 décembre 2021. Or, d’aucuns considèrent que les pratiques agricoles qu’implique la certification Haute Valeur environnementale (HVE) n’apportent que peu de bénéfices pour l’environnement, voire aucun. Tel est notamment le cas de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) qui, le 8 juin, a fait paraître un communiqué doublé d’une étude sur ce point. Le cahier des charges HVE ne serait pas suffisamment exigeant et ne permettrait pas de sélectionner les exploitations vertueuses : il conviendrait, à l’opposé d’un greenwashing de façade, de soutenir les pratiques agricoles en fonction de leurs bénéfices réels. Ces critiques rejoignent celles des organisations écologistes à l’encontre du PSN français, jugé timoré en matière de transition agroécologique.
Effets juridiques
Elles pourraient emporter des conséquences juridiques si la Commission européenne les faisait siennes. La proposition de PSN lui a en effet été soumise dans le cadre de l’application du règlement 2021/2115 du 2 décembre 2021, selon lequel elle doit l’évaluer au regard dudit règlement, de la politique agricole commune (PAC) et du droit de l’Union européenne avant, le cas échéant, de l’approuver. Or, le règlement prévoit que les PSN « ne produisent des effets juridiques qu’après leur approbation par la Commission ».
Le PSN ayant vocation à servir de base aux règles de droit interne qui régiront l’octroi des aides, celles-ci ne pourraient être versées à défaut d’approbation du plan. La Commission dispose donc d’un pouvoir de négociation et de blocage considérable, qu’elle a mis en œuvre en mars 2022 en se montrant critique à l’égard de la proposition française et en sollicitant des clarifications.
Quant au label HVE, la Commission « note avec préoccupation que la rémunération de niveau supérieur pour service environnemental dans l’éco-régime est la même pour l’agriculture biologique et la certification HVE, alors que le cahier des charges de cette certification est beaucoup moins contraignant ». Elle demande à la France de différencier les niveaux de rémunération de l’une et l’autre. En l’état, il s’agit donc moins d’un refus du principe de l’accès aux aides par la certification HVE que d’une demande de réajustement du montant auquel la certification permet de prétendre.
Un recours en annulation ?
Si la Commission, par suite d’une modification, finissait par approuver le PSN, les critiques visant la certification HVE pourraient encore prendre la forme d’un recours en annulation contre la décision de la Commission devant le Tribunal de l’Union européenne.
C’est la conformité de l’appréciation de la Commission avec le droit de l’UE qui serait alors contestée : incompatibilité avec les textes européens consacrant la protection de l’environnement, violation de principes généraux, etc. Les normes qui peuvent être invoquées ne manqueraient pas, mais l’appréciation à laquelle le juge européen se trouverait confronté (celle du caractère suffisant des exigences du cahier des charges HVE au regard des règles et objectifs européens) serait sans doute aussi complexe au fond qu’aléatoire quant à son résultat.
L’accès aux aides par la certification HVE échappera-t-il au contentieux ? Il est encore permis de le croire, puisque le gouvernement insiste dans le cadre de sa proposition de PSN (à 22 reprises !) sur le fait que le cahier des charges HVE sera « rénové d’ici à 2023 ».
C’est sans doute là que réside le problème : personne ne connaît le contenu du cahier des charges « rénové » à venir ni, par conséquent, la contribution aux objectifs environnementaux que permettra la certification HVE conditionnant les aides.
Il aurait assurément été préférable d’en définir le contenu de ce cahier des charges avant d’ériger en critère son respect.
Le cabinet Racine
Le cabinet Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents avocats et juristes dans sept bureaux (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Bruxelles), il réunit près de 30 associés et 70 collaborateurs à Paris. Olivier-Henri Delattre, avocat au cabinet Racine à Paris, est spécialisé en droit de l’agroalimentaire, conseil et contentieux judiciaire, administratif et arbitral. Racine – 40, rue Courcelles – 75008 Paris – www.racine.eu