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Agriculture et concurrence : vers une clarification ?

À l'approche des fêtes de fin d'année 2015, l'affaire dite « des endives » a connu une nouvelle avancée avec l'arrêt que la Cour de cassation a rendu le 8 décembre 2015. Décryptage.

Par sa décision no 12-D-08 du 6 mars 2012, l'Autorité de la concurrence avait condamné pour entente unique, complexe et continue, les pratiques de divers producteurs d'endives et leurs associations, pour s'être concertés au moyen de différents dispositifs ayant eu pour objet la fixation en commun d'un prix minimum de vente à la production d'endives.

L'Autorité de la concurrence semblait alors avoir été insensible aux arguments des mis en cause qui faisaient valoir leur situation particulière et les dérogations au droit de la concurrence permises, en matière agricole, par la réglementation européenne.

Mais la cour d'appel, par un arrêt du 15 mai 2014, avait infirmé la dé-cision déférée, au constat de ce que la réglementation portant sur l'or-ganisation commune de marchés (OCM) en vigueur à l'époque des faits reprochés attribuait aux orga-nisations de producteurs (OP) la mission d'assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, d'optimiser les coûts de production et de régulariser les prix à la production, dans le cadre d'une politique de prévention et de gestion des crises. Elle avait également relevé que le règlement no 1234/2007 avait permis aux OP de se regrouper en associations de gouvernance non chargées de la commercialisation, mais exerçant les attributions des OP aux fins de régularisation des prix de production, et disposant du droit de se concerter. Enfin, elle avait relevé que l'avis du conseil de la concurrence no 07-A-08 du 7 mai 2008 n'excluait pas formel-lement que la fixation de prix minimum puisse relever de la mission des OP sur le fondement des textes en vigueur. Elle en avait donc conclu qu'il n'était pas établi que les mis en cause aient enfreint les dispositions des articles 101 TFUE et L420-1 du Code de commerce.

Observations de la Commission

Un pourvoi en cassation a donc été formé, dans lequel, la Commission européenne a déposé des observations par lesquelles elle rappelait que l'article 42 TFUE prévoit que les règles en matière de concurrence ne sont applicables à la production et à la commercialisation de produits agricoles que dans la mesure déterminée par la législation et compte tenu des objectifs de la Pac. Selon la Commission, il existait à l'époque des faits des dérogations générales conditionnées à son approbation, notamment pour les pratiques restrictives de concurrence nécessaires à la poursuite des objectifs de la Pac listés à l'article 39 TFUE, et des dérogations spécifiques propres aux OP, AOP et interprofessions dans l'organisation du marché des fruits et légumes, de sorte que, dans ce secteur, certains comportements qui ne pourraient pas relever d'une dérogation générale pourraient quand même être validés. La Cour de cassation relève cette « ouverture » en indiquant dans son arrêt que « la CJUE ne semble pas avoir rendu de décision reconnaissant l'existence de ces dérogations spécifiques dont fait état la Commission européenne… », ce qui est évidemment la marque du caractère abrupt de ces règlements OCM et de la difficulté de les interpréter. La Cour de cassation pose à la CJUE la question préjudicielle de savoir si des comportements d'OP, ne relevant d'aucune dérogation générale prévue par les textes en vigueur, pourraient échapper à l'interdiction des ententes parce qu'ils sont rattachables aux missions attribuées à ces OP dans le cadre de l'OCM. Vient la question de savoir si des pratiques concertées de fixation de prix minimum ou d'accord sur les quantités mises en marché et les échanges d'informations stratégiques peuvent se rattacher à la mission des OP.

Réponses de la CJUE attendues

Les réponses de la CJUE sont attendues, mais il n'est pas certain qu'elles mettent fin à l'ambigüité. Si nous savons tous combien des pratiques concertées peuvent paraître indispensables à des opérateurs en crise, nous connaissons l'abondante jurisprudence qui permet d'appréhender les ententes sur les prix comme les infractions les plus graves. Dans ses observations, la Commission indiquait que « ces types de comportements restrictifs de la concurrence sortent clairement des missions des AOP… ».

MAÎTRE DIDIER LE GOFF

Fort d'une expérience de plus de vingt-cinq années dont vingt ans au sein du cabinet LPLG Avocats, dont il fut associé, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l'entreprise et à l'écoute de ses besoins, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d'une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique qu'il enseigne en mas-ter II Droit du marché de l'université de Nantes, avec une prédilection pour l'agroalimentaire tant en droit national qu'européen ou international. Contact : dlegoff.avocat@gmail.com

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