Agriculture et concurrence : des perspectives nouvelles en 2017 ?
L’adaptation du droit de la concurrence aux spécificités des filières agricoles n’est plus un sujet qui fâche. L’année 2017 pourrait être décisive.
Les questions préjudicielles plaidées le 31 janvier dernier devant la Cour de justice de l’Union européenne dans le dossier des endiviers portent sur l’articulation entre les dispositions de l’organisation commune de marché et celles du droit de la concurrence. La primauté de ces dernières ayant, depuis 1962, été tout autant affirmée que contestée. On attend pour le printemps les conclusions de l’avocat général et une décision de la Cour à l’automne. Mais les faits sont anciens, et le droit pourrait bien, dans le même temps, évoluer vers un renforcement de la position des producteurs.
Le commissaire Phil Hogan avait en effet installé en janvier 2016 un groupe de travail de haut niveau en lui donnant pour mission de faire des propositions destinées à renforcer la position des producteurs agricoles dans la chaîne d’approvisionnement. Ce groupe de travail, composé de douze experts de dix nationalités différentes, a rendu ses conclusions au mois de novembre (1).
Recours effectif à la négociation collective
De nombreuses et importantes propositions sont formulées : accroître la transparence du marché par la diffusion des informations, développer et coordonner les outils de gestion des risques de manière intégrée, multiplier et stimuler les marchés à terme, renforcer et coordonner la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, diffuser les pratiques de contractualisation ayant fait leurs preuves (chaînes d’approvisionnement spécialisées, accords tripartites, etc.), développer les contrats écrits, faciliter l’accès aux financements, etc. Mais d’entre elles, les plus novatrices sont certainement celles visant à la clarification des règles de concurrence applicables aux producteurs pour leur permettre un recours effectif à la négociation collective.
Le groupe de travail incite tout d’abord la Commission européenne à rechercher des mécanismes de répartition « ex ante » de la valeur par des négociations collectives entre opérateurs (à l’image de ce qui est prévu pour la betterave sucrière). Mais il relève surtout – comme l’ont plaidé les endiviers – le manque de clarté et la confusion du droit européen concernant les règles applicables aux actions collectives des producteurs, confusion que l’OCM de 2013 n’a fait qu’aggraver : « Si le but était de renforcer la position des agriculteurs au sein de la filière, ces nouvelles dispositions ont peut-être exacerbé la complexité du cadre juridique ». Et le groupe de poursuivre : « les règles applicables devraient être rendues claires et praticables, afin que les agriculteurs n’aient pas besoin d’engager un conseiller juridique lorsqu’ils envisagent de coopérer (2) ». Le lecteur appréciera (plus que le signataire).
Des exemptions annoncées
Allant plus loin encore, le groupe de travail n’hésite pas à donner à cette clarification une direction bien précise en demandant à la Commission d’exempter expressément des règles de concurrence la planification et la vente conjointes par les organisations de producteurs reconnues ou leurs associations et d’autoriser jusqu’à un certain seuil de parts de marché les associations entre producteurs formées dans le seul but de négocier collectivement la commercialisation de leurs produits (et donc sans transfert de propriété).
Recevant ces propositions, Phil Hogan, commissaire à l’Agriculture et au Développement rural, a déclaré les faire siennes et annoncé leur mise en œuvre en 2017. Reste à savoir si elles seront également approuvées par sa collègue chargée de la Concurrence, Margrethe Vestager, et par l’ensemble des commissaires.
(1) « Improving market outcomes – Enhancing the position of farmers in the supply chain - Report of the Agricultural Markets Task Force», Brussels, November 2016.
(2) Les citations sont tirées du résumé en français diffusé par la Commission.
LE CABINET RACINE
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