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Crise sanitaire
2020 « annus horribilis » pour la restauration

Le secteur de la restauration dresse un triste bilan pour cette année 2020, tant au niveau des établissements de restauration commerciale et collective qu’au niveau de ses fournisseurs. Tout n’est pas à jeter pour autant grâce à son agilité remarquable.

Rude année pour la restauration, avec six mois de fermeture pour la restauration commerciale et pour certains secteurs de la restauration collective qui vont être « très lourds de conséquences », annonce Bernard Boutboul, président du cabinet d’étude Gira. « On peut qualifier l’année 2020 d’annus horribilis. Si le 20 janvier n’est pas la date de la réouverture, nous courons vers la catastrophe », ajoute-t-il (on s'attendait le 6 janvier à ce que cette date soit reportée jusqu'à mi-février). Alors qu’un restaurateur sur deux ne pourrait pas survivre à cette crise, les entreprises alimentaires qui fournissent le secteur sont aussi dans une grande difficulté. « Lorsque les perfusions de l’État s’arrêteront, au courant de l’été 2021, on se dirigera tout droit vers des faillites pendant le second semestre 2021 », avertit Bernard Boutboul.

Selon ces prévisions, 120 000 à 130 000 personnes pourraient perdre leur emploi. « La meilleure aide possible pour la restauration et tous les acteurs qui en dépendent, c’est la réouverture », résume Dominique Amirault, président de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef).

La réouverture serait la meilleure des aides

En 2020, ce sont 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires qui se sont envolés pour les restaurateurs, soit 77 millions de repas. Chaque semaine de confinement, le secteur a perdu 1 milliard d’euros. « 89 % des points de vente de restauration sont des TPE et ont une trésorerie très fragile », précise Bernard Boutboul. Du côté des fournisseurs alimentaires, le tableau est tout aussi sombre : 50 % de pertes de chiffre d’affaires en moyenne pendant le second confinement. « Pendant le premier confinement, les pertes ont été très éclatées, certaines entreprises n’ont connu aucune perte, d’autres ont été à l’arrêt total, accusant donc 100 % de pertes de chiffre d’affaires », explique Dominique Amirault.

Pour limiter les faillites, la Feef préconise la mise en place de plusieurs mesures, notamment un accès assoupli au fonds de solidarité pour les entreprises avec un critère unique de perte de 50 % de chiffre d’affaires pour l’activité RHD des entreprises – contre actuellement un critère de 80 % de pertes de chiffre d’affaires au premier confinement et de 50 % au second confinement. La fédération souhaiterait voir la mise en place d’une défiscalisation à 100 % des dons alimentaires, afin de résoudre les problématiques de gestion de stocks pesant sur les trésoreries de nombreuses entreprises, ainsi qu’une autorisation des sociétés à provisionner de manière globale le risque client.

Rebond d’activité en septembre

Avec le dernier confinement, le secteur de la restauration a connu une diminution de son activité globale de 54 %, après -29 % lors du couvre-feu. « Le secteur résiste, car ces chiffres sont moins graves que le -80 % d’activité du premier confinement », souligne Michael Ballay, consultant manager associé de Food Service Vision. La restauration a connu néanmoins de beaux jours pendant l’été, avec seulement -17 % de son activité grâce au tourisme franco-français, notamment en Bretagne et dans les Vosges, « même si celui-ci n’a pas compensé la consommation des touristes internationaux », note-t-il. Le mois de septembre avait confirmé cette embellie avec un vrai rebond d’activité et la reprise de la restauration scolaire, avant que tout ne s’effondre de nouveau.

Projections très difficiles en 2021

Si les projections pour 2021 sont « très difficiles », juge Dominique Amirault, plusieurs scénarios sont évoqués. Les experts voient dans le meilleur des cas une activité hors domicile à -20 % par rapport à l’avant-crise dans le meilleur des cas et à -40 % dans le pire des cas. « L’année 2021 ressemblera d’une certaine manière à 2020, mais en légèrement mieux. Dans ce contexte où nous sommes loin de l’immunité collective et de la vaccination, la vente à emporter va prédominer », prévoit Maria Bertoch, directrice du développement commercial de The NPD Group. « 2021 pourrait être une année forte s’il n’y a pas de troisième vague, car les Français font part d’une volonté forte de retourner au restaurant. Il faudra compter sur une hausse de l’activité parallèlement à moins d’acteurs », poursuit Bernard Boutboul. « La diminution des acteurs va redistribuer les cartes. En 2021, la restauration rapide va très certainement gratter des parts de marché à la restauration commerciale traditionnelle », précise Maria Bertoch.

Diversification des leviers de chiffre d’affaires

« Il y a toutefois du positif à mentionner », nuance Bernard Boutboul. En jouant sa survie, la restauration a fait preuve d’une agilité « extraordinaire », selon lui, avec de nouveaux leviers de chiffre d’affaires qui ont été créés. La crise a accéléré le mouvement de développement de vente en ligne et de livraison, jusqu’alors pratiquées majoritairement par la restauration rapide. « Même certains restaurants étoilés s’y sont mis, indique Michael Ballay. Si la restauration rapide résiste mieux à la crise, c’est parce que les établissements étaient déjà organisés avant la crise dans le "click and collect" ». Certains établissements de restauration commerciale à table n’ont cependant pas un modèle économique adapté à la livraison et à la vente à emporter.

La restauration collective diversement touchée selon les secteurs

Après avoir connu une reprise de son activité à 70 % au mois de septembre, la restauration collective est touchée de manière très différente selon les secteurs. « La crise a un impact qualitatif sur l’ensemble de la restauration collective, son modèle étant en cours de transformation avec la montée en gamme », précise Michael Ballay, consultant manager associé de Food Service Vision. À cause du télétravail, le secteur de la restauration d’entreprise est le grand perdant de la crise. Bien que dépourvue des établissements d’enseignement supérieur depuis le dernier confinement, la restauration scolaire continue de tourner. La restauration santé (hôpitaux et Ehpad) et la restauration captive (armée et prisons) sont, quant à elles, restées ouvertes toute l’année 2020.

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