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Aide à la décision : comment prévoir les ventes pour performer ?

La prévision des ventes est vitale pour les producteurs de denrées et produits périssables. C’est, dès que la commercialisation se complexifie, un outil d’aide à la décision, à la planification et au pilotage. Un soutien de la performance.

La prévision des ventes des salades en sachet Crudettes s’est mise en place dès 2003 sur le logiciel Futurmaster. Celui-ci est aujourd’hui connecté à un ERP Vif pour synchroniser l’ensemble des « datas » – correspondant à 700 couples ou « modèles » produit-enseigne déclinés en points livrés – et pour piloter les indicateurs de performance comme l’écart « prévision - vente réelle » et le taux de service qui est en moyenne de 98,5 %.

« Le taux de service est un couperet, compte tenu de la nature de nos produits à DLC courte en flux ultra-tendu », souligne Maximilien Roche, responsable de la prévision des ventes du pôle végétal du groupe LSDH (marque Les Crudettes, C’Zon). « Les prévisions des ventes permettent, à court terme, de planifier les approvisionnements des matières premières, la production et les équipes nécessaires, et à long terme, de contractualiser les cultures avec les producteurs, neuf mois avant l’arrivée des salades dans les ateliers », expose-t-il.

Géraldine Collet, directrice marketing et innovation du pôle végétal du groupe, met en avant un défi quotidien : « On prépare et conditionne les salades le jour même de la commande. Ce qui est coupé ne peut être congelé, il faut donc être bon sur la prévision, car il n’existe pas de plan B ! » C’est aussi un défi logistique : « Nous programmons au plus juste les camions dont nous avons besoin pour livrer nos clients », complète-t-elle.

De nombreux facteurs interviennent, dont la saisonnalité, le temps, le calendrier, les promotions, etc. « L’effet d’une promotion est compliqué à prévoir parce qu’il dépend des moments de consommation, des flux des vacanciers, des week-ends longs et de la météo sur la période », souligne la directrice marketing.

« C’est la ligne de vie à laquelle tout le monde est rattaché, où tout le monde se synchronise », Maximilien Roche, responsable de la prévision des ventes du pôle végétal du groupe LSDH

Maximilien Roche travaille avec deux prévisionnistes, mais pas seulement. « Nous sommes aidés par les autres services de l’entreprise : la planification de production, les approvisionnements, les achats, le commercial, énumère-t-il. La prévision des ventes donne une vision en matière de budget, de ressources humaines… C’est la ligne de vie à laquelle tout le monde est rattaché, où tout le monde se synchronise. »

Un intérêt pour les sorties de caisse des magasins

Faudra-t-il intégrer les prévisions météorologiques afin d’encore mieux prédire les ventes des Crudettes ? Maximilien Roche et Géraldine Collet sont dubitatifs, car les prévisions sont aléatoires et le taux de service déjà très bon. En revanche, les sorties de caisse des distributeurs pourraient intéresser le pôle végétal de LSDH. Cela permettrait de suivre les ventes en temps réel et d’anticiper les fluctuations.

Géraldine Collet signale que le pôle liquide travaille déjà en gestion partagée des approvisionnements avec un distributeur sur des jus de fruits frais.

L’anticipation se perfectionne

Quelles performances les producteurs de l’agroalimentaire peuvent-ils attendre de la prévision des ventes ? Antoine Vignon, président de Vif, distingue trois domaines de performance et d’outils appropriés : la gestion, comprenant les achats, la production, le contrôle de gestion industrielle, l’exécution à travers les interfaces dans les ateliers et l’anticipation, comprenant la prévision des ventes, la planification, le S & OP (en français, ventes et planification des opérations) et l’ordonnancement.

Le domaine de l’anticipation aide à « s’organiser au mieux », selon le dirigeant. La prévision des ventes s’appuie sur les historiques de vente (sur au moins 3 ans, estime-t-on généralement) qui sont « dépollués », dit-on, des événements exceptionnels.

Selon Antoine Vignon, « il y a de plus en plus de justesse dans l’estimation de ce qui peut arriver, et ça permet à l’industriel de se préparer », et « l’utilisation des données est de plus en plus intelligente. C’est notamment la possibilité de faire des simulations à partir d’hypothèses sur différentes situations possibles ». De telle sorte que « l’anticipation et la simulation se présentent maintenant comme des techniques complémentaires de pilotage », déclare-t-il.

Il donne l’exemple du coût de l’énergie : on peut, grâce à des outils, simuler son incidence sur le coût de revient. De là, une meilleure préparation et une meilleure pertinence dans les négociations avec les GMS. On ne mise pas tout sur l’anticipation : « Une bonne combinaison entre gestion, exécution et anticipation doit permettre à un industriel d’être meilleur que les autres », conclut-il.

Des logiciels pour tous

L’offre française en logiciels de prévision des ventes ne manque pas. Vif et Infologic proposent des « briques » d’anticipation ergonomiques, facilitant le partage d’informations. L’offre comprend les outils développés par la société de conseil pour PME de l’agroalimentaire Octafood, notamment pour les saucissons Debroas. Elle comprend aussi une suite de logiciels de gestion des ventes et planification en Saas (100 % sur Cloud), développée par la société Colibri créée en 2014, très vite mise en place selon ses cofondateurs.

Parmi la vingtaine d’entreprises agroalimentaires clientes de Colibri, quelques-unes affichent leur confiance : Biscuits Bouvard (marques de distributeurs et marque propre), la filiale de la coopérative Cavac Atlantique Alimentaire (plats traiteur et de légumineuses surgelés), Nougat Chabert & Guillot et Vitacuire (apéritifs surgelés en pâte feuilletée pour Picard et sous marque propre).

Salaisons Debroas : la prévision des ventes a soutenu la croissance

« Un saucisson fabriqué le 1er janvier sera vendu autour du 18 février. Nos stocks sont vivants, ce sont des produits semi-finis ; ils évoluent et se détériorent vite, et ils doivent être conformes au cahier des charges du client au moment de sa livraison », explique Émile Dutertre, directeur général de Debroas. Le fabricant de saucissons en Ardèche et Aveyron est accompagné par Octafood depuis 2011, et c’est avec cette société de conseil qu’il s’est doté d’outils de suivi en temps réel des expéditions et facturations. La veille de la ruée de 2020 vers les grandes surfaces pendant la crise Covid, Salaisons Debroas savait planifier et piloter sa chaîne de production à partir des prévisions de vente. « Nous avons eu très peu de ruptures et avons recruté des nouveaux consommateurs pendant ce pic de consommation, et pris de la place dans les magasins », témoigne Émile Dutertre. « Sans prévision des ventes, notre production aurait été moins fluide et nos clients auraient été moins satisfaits, considère-t-il. Nos prévisions sont de plus en plus fiables, ce qui a soutenu nos trois ans de forte croissance », affirme le jeune dirigeant.

Paul Dutertre, directeur marketing de Debroas (au premier plan) et Emile Dutertre, DG, sur le stand Debroas du Sia 2023

3 questions à

Céline Briand, consultante indépendante en accompagnement de projets supply chain

« Des rituels bien rodés, avec le marketing, le commerce, ont un effet direct sur la performance »

Comment êtes-vous devenue consultante indépendante en supply chain, et quels sont vos domaines d’expertise ?

Céline Briand - J’ai effectué l’essentiel de mon parcours en industrie agroalimentaire dans des services « administration des ventes », « prévision des ventes » et « planification de production ». J’ai eu l’opportunité d’évoluer vers des fonctions managériales avec une casquette « projet » (déploiement de logiciels de prévisions et de planification). Depuis 2018, j’accompagne les entreprises dans ces domaines en travaillant avec les équipes et leur manager sur les organisations, les processus et les logiciels. Les missions d’accompagnement sont souvent la suite logique d’un diagnostic.

Quelle vision avez-vous de la prévision des ventes ?

C. B. - Avant tout les entreprises ne doivent pas confondre budget commercial et prévision des ventes. Le budget commercial s’établit une fois par an avec une révision en cours d’année. La prévision des ventes s’appuie, quant à elle, sur la vraie demande des clients. Elle permet d’asseoir des décisions sur du chiffre réel remis à jour chaque semaine ou mois (selon les typologies de produits). À court terme, elle permet d’ajuster les plans de production et d’alerter, par exemple, sur des commandes clients qui ne pourront pas être honorées. À long terme, elle oriente la stratégie de l’entreprise, les investissements nécessaires, les embauches, etc., notamment dans le cadre d’un processus S & OP. Les logiciels sont d’une grande aide, en particulier lorsque la volumétrie de données à traiter est importante ; ils donnent une meilleure visualisation, facilitent la prise en compte d’une tendance et d’une saisonnalité, aident à dépolluer les historiques des promotions et événements exceptionnels, etc., procurent des modèles statistiques mieux adaptés aux différents comportements de ventes des articles ou clients, enseignes.

Quelle est la place du prévisionniste dans l’organisation ?

C. B. - Les prévisions des ventes doivent faire l’objet d’un processus collaboratif. C’est ce que je prône chez mes clients. Le prévisionniste, s’il y en a un, ne doit pas être seul à prendre les décisions. Des rituels bien rodés, avec le marketing, le commerce, ont un effet direct sur la performance.
Aux journées Agrovif 2023 organisées par l’intégrateur de progiciel/logiciels Vif, Céline Briand et deux responsables de La Normandise (secteur du petfood) feront part de leur retour d’expérience commune sur un projet de mise en place d’un logiciel de prévision des ventes.

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