Retour sur trois ans d’essais de bioprotection en oenologie
Un nouveau document fait le point sur trois ans d’expérimentations sur les levures de bioprotection des moûts en Languedoc-Roussillon. Résumé des principales recommandations.
Un nouveau document fait le point sur trois ans d’expérimentations sur les levures de bioprotection des moûts en Languedoc-Roussillon. Résumé des principales recommandations.
Après 70 essais menés sur 3 années (2015 à 2017) et 14 cépages, Sudvinbio, l’IFV, l’ICV et Inter Rhône proposent une synthèse de leurs résultats sur la bioprotection en Languedoc-Roussillon dans un document de 40 pages et dans sept vidéos. Les partenaires du projet ont testé l’impact d’un ajout de levures non-Saccharomyces (non-Sacch), Metschnikowia fructicola (Gaïa), Metschnikowia pulcherrima (Levulia pulcherrima), Pichia kluyveri (Viniflora Frootzen), Torulaspora delbrueckii (Biodiva - Levulia Torula…), mais aussi de souches de Saccharomyces cerevisiae en bioprotection. Ils ont comparé les vins obtenus à des vins issus de moûts sulfités et de moûts ni sulfités ni bioprotégés. Les souches sorties plus récemment (comme Lachancea thermotolerans) n’ont pas été évaluées.
1 Quelle(s) levure(s) choisir en bioprotection ?
Pour les blancs et rosés, il est particulièrement conseillé de n’utiliser que des souches peu ou pas fermentaires type Metschnikowia ou Pichia. Les souches fermentaires, qu’elles soient Saccharomyces ou non, peuvent en effet se multiplier au point de provoquer des départs en fermentation en cours de débourbage, d’autant plus à température élevée.
Pour les rouges, le choix est plus large, les Saccharomyces cerevisiae tout comme les non-Saccharomyces conviennent. Il y a un faible risque d’avoir des débuts de fermentation en cas de macération préfermentaire à froid (MPF) avec les Saccharomyces et les Torulaspora. L’idéal est de les apporter dès la benne.
2 À quelle dose et sous quelle forme ?
Le minimum conseillé pour une bonne efficacité est de 10 g/100 kg de vendange dans le cas de levures réhydratées. Mais même à ces doses, l’efficacité n’est pas garantie. Les Torula nécessitent des doses plus importantes de 20-25 g.
Les expérimentateurs ont également testé l’ajout de levures non réhydratées, plus pratique lors de la récolte. Attention, toutes les souches ne s’y prêtent pas, notamment les Metschnikowia. La technique fonctionne avec la Saccharomyces Okay, il faut alors prévoir des doses d’apport nettement plus élevées : au moins 25-30 g/100 kg.
Dans le cas particulier de moûts altérés, la bioprotection ne suffit pas toujours à contenir les levures apiculées Hanseniaspora uvarum, responsables de volatile et d’acescence. Il est conseillé d’augmenter les doses, voire de renoncer et de préférer le sulfitage.
3 Faut-il relevurer pour lancer la fermentation ?
Pour les vins bioprotégés avec des levures peu fermentaires comme les Metschnikowia, il est indispensable de relevurer avec des Saccharomyces pour éviter des fins de fermentation languissantes. Dans les essais, les Metschnikowia n’ont jamais gêné la bonne implantation de la Saccharomyces ensemencée ensuite.
Dans le cas d’une bioprotection avec une non-Sacch fermentaire comme Torulaspora, il est alors conseillé de relevurer mais de bien veiller à choisir une Saccharomyces compatible, en se renseignant auprès du fabricant. Torulaspora peut en effet gêner l’implantation de certaines souches de Saccharomyces.
En revanche, en cas de bioprotection des rouges avec des levures fermentaires, technique simple et efficace, il est déconseillé de relevurer avec une autre souche.
4 Quid de la gestion de l’azote assimilable ?
Les levures de bioprotection consomment elles aussi plus ou moins d’azote assimilable en préfermentaire ou au cours de la fermentation : de 10 mg/l pour Metschnikowia à plus de 80 mg/l pour Torulaspora. L’ajout d’azote en début de fermentation doit donc se raisonner en fonction de la teneur initiale des moûts, mais aussi en tenant compte de ce besoin supplémentaire.
5 Est-ce efficace pour limiter les altérations microbiennes ?
Le premier objectif d’un ajout de levures de bioprotection est d’éviter le développement de levures ou bactéries d’altération. Dans les essais menés, cela a toujours été le cas. Aucun des vins obtenus ne présentait de déviation (volatile, acescence, odeurs phénolées…). Mais il est difficile de conclure pour autant car cela a aussi été le cas pour toutes les modalités testées, même pour les vins témoins non sulfités et non bioprotégés.
Les essais ont également mesuré l’impact de la bioprotection sur la diminution du nombre de souches de levures indigènes en préfermentaire, ce qui limite les risques d’altération. Sur ce plan, la bioprotection s’est souvent avérée moins efficace que le sulfitage. Un ajout de SO2 à 5 g/100 kg permet de diviser la quantité de souches indigènes par 10 ou 100 et élimine en priorité les non-Sacch, alors que certains essais en bioprotection ont montré au contraire une augmentation de la quantité de souches indigènes et surtout des non-Sacch, même par rapport aux moûts témoins non sulfités et non bioprotégés. Un effet contre-productif qui n’a toutefois que rarement été observé.
Pour réduire significativement la quantité de souches indigènes, les expérimentateurs estiment qu’il faut absolument que la souche de bioprotection s’implante rapidement à plus de 90 % de la population totale de levures, en deçà les indigènes se maintiennent. Ce critère n’est cependant mesurable que par des contrôles d’implantation sur moût effectués par certains laboratoires.
6 Quel est l'impact organoleptique des différents types de levures ?
Les dégustateurs n’ont noté aucune déviation sur la totalité des essais mais ont relevé de petites différences de profil aromatique liées au type de levure employé. En général le profil des vins témoins sulfités a été préféré. Les Metschnikowia n’ont pas eu d’impact aromatique alors que Torulaspora a apporté des arômes fruités en blanc et rosé sur les cépages peu aromatiques.
Contrairement au sulfitage, l’ajout de levures de bioprotection n’a eu que peu d’impact sur la protection des moûts contre l’oxydation, ce qui a dégradé les vins de type thiols (sauvignon, colombard) ou le maintien de couleur des blancs et rosés en l’absence de mesures alternatives comme l’emploi de gaz inertes ou le refroidissement.
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Pour en savoir plus
Le document de 40 pages et les sept vidéos sont consultables sur le site internet des partenaires