« Désalcooliser un vin n’est pas plus bête que d’ajouter du sucre pour avoir de l’alcool »
Frédéric Brochet est œnologue associé de Moderato, la marque de vin sans alcool cofondée par Sébastien Thomas et Fabien Marchand-Cassagne. Ils viennent d’élaborer un blanc issu de colombard baptisé « cuvée révolutionnaire ».
Frédéric Brochet est œnologue associé de Moderato, la marque de vin sans alcool cofondée par Sébastien Thomas et Fabien Marchand-Cassagne. Ils viennent d’élaborer un blanc issu de colombard baptisé « cuvée révolutionnaire ».
Quel procédé avez-vous utilisé pour le Moderato cuvée révolutionnaire ?
Nous utilisons un procédé de distillation sous vide en colonne avec garnissage qui permet d’extraire l’alcool à basse température (35-40 °C), puis une technique de captage des arômes que nous sommes les premiers à utiliser en France.
Nous avons fait un très gros travail de sélection en dégustant une cinquantaine de vins. Deux vins du Sud-Ouest se sont détachés pour leur qualité aromatique. Il y a une réflexion à mener pour élever le vin et l’amener vers un état adapté à la désalcoolisation. Pour le rouge, nous avons par exemple rajouté un collage. Pour la stabilisation, nous n’avons pas opté pour la pasteurisation car elle a un effet sur les arômes que justement nous avons cherché à préserver, nous ajoutons du SO2 et du DMDC.
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Pour vous qui avez été vigneron, vous n’avez pas l’impression de trahir le vin en le désalcoolisant ?
Il faut voir la désalcoolisation comme une étape supplémentaire dans la vinification. Il y a eu dans le passé d’autres cheminements nouveaux. Avant on n’aurait, par exemple, pas eu l’idée de filtrer du vin. Et désalcooliser n’est pas plus bête que d’ajouter du sucre pour avoir de l’alcool.
Il y a encore beaucoup de choses à explorer, notamment pour les rouges. Il n’y a rien dans les livres ! Tout est à revoir sur les problématiques de gaz, SO2, stabilisation, matrice aromatique… Techniquement et sensoriellement, chaque dixième de degré d'alcool en moins est difficile à gagner. Ça reste des petits secrets, des réglages. Toute la difficulté aujourd’hui, c’est le séquençage des opérations pour optimiser le process.
Pourquoi croyez-vous au vin sans alcool ?
Les modes de vie changent. Moi je vieillis, j’adore le vin mais il arrive par exemple qu’à l’apéritif, avant d’ouvrir une belle bouteille, je n’aie pas envie de boire deux ou trois verres de vin sans pour autant vouloir boire un jus de fruit ou un verre d’eau. Avec Moderato, on est dans la continuité de l’identité du vin et de l’attachement au terroir. On préserve le savoir-faire, les paysages de vignoble tout en s’adaptant à l’évolution de la consommation de vin.
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Moderato se recentre sur le sans alcool
Arrivée sur le marché des vins désalcoolisés avec une gamme à 5 % d’alc. vendue en GMS, la marque Moderato se concentre sur le sans alcool. « 5 % d’alc. , c’est un entre-deux pas simple pour le consommateur, ni pour le distributeur », justifie Sébastien Thomas, cofondateur de la marque. Le positionnement est toujours de « garder le plaisir du vin ».
Moderato poursuit sa croissance en lançant une cuvée de colombard pour le réseau caviste et CHR, suivie par un rouge merlot-tannat. A côté des investissements techniques, Moderato investit aussi sur l’aspect marketing avec des études consommateurs pour mieux comprendre leur façon de percevoir et de consommer ces produits.
La marque aura vendu 100 000 bouteilles en 2023. Son ambition à terme est d’atteindre 500 000 bouteilles et plus de 10 millions d'euros de chiffre d’affaires avec des ventes en France mais aussi à l’export.