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La désalcoolisation, une réponse partielle à la hausse des degrés alcooliques

Les techniques physiques pour réduire la teneur en alcool sont fiables et éprouvées, mais ne sont pas une solution miracle.

Comprendre la désalcoolisation partielle © Source : Gemstab.
Comprendre la désalcoolisation partielle
© Source : Gemstab.

Lorsque l’on souhaite retirer de l’alcool au vin, il existe de nombreuses possibilités. Tant au niveau technique qu’au niveau du profil de produit fini. Il est donc primordial de définir dès le début de la réflexion quel est le but de la démarche. Est-ce pour redonner de l’équilibre à un vin trop chaud ? Est-ce pour répondre à une demande du marché ? « Il faut distinguer la correction de la teneur en alcool de la désalcoolisation, pose Philippe Cottereau ingénieur-œnologue à l’IFV. Ce sont deux choses différentes et qui ne rentrent pas tout à fait dans le même contexte réglementaire. » La correction du degré alcoolique est autorisée par la loi, à hauteur de 20 % du degré initial. C’est une pratique soumise à simple déclaration, et qui doit être renseignée dans le registre de cave. Pour les vins d’appellation, il s’agit bien entendu de vérifier que le décret ne l’interdise pas, et de veiller à rester au-dessus du degré plancher de l’appellation. Il est à noter par ailleurs que la réglementation liée à l’agriculture biologique interdit les procédés physiques destinés à changer la teneur en alcool, même partiellement. La pratique de désalcoolisation à plus forte raison, quant à elle, est également possible « mais en descendant au-delà d’un certain degré on sort potentiellement de la réglementation du vin », prévient l’ingénieur de l’IFV.

La sensation gustative impose ses limites

« La plupart des demandes que nous traitons concernent des vins avec un profil chaud, pour lesquels les vignerons souhaitent retirer un peu d’alcool pour retrouver un équilibre et une meilleure expression aromatique », constate Jérémy Cortez, directeur technique chez Gemstab. L’entreprise, une fois sur place, fait alors quelques échantillons de la cuve avec différentes corrections de degré. Puis elle cible avec le vigneron la réduction à atteindre en fonction de la dégustation. « Car il faut faire attention à l’équilibre du vin, avertit Phillipe Cottereau. Plus on enlève d’alcool et plus on déséquilibre le produit final. » Une problématique sur laquelle Jérémy Cortez met régulièrement en garde ses clients. En moyenne, la réduction de la teneur en alcool tourne autour de 0,5 à 0,8 %. « Avant de déguster les clients pensent souvent aller plus loin. Techniquement, on peut enlever 1,5 % ou plus mais on décharne le vin, qui devient plat. L’équilibre n’est plus là », prévient-il. D’autres clients, au profil plutôt négoce, cherchent en revanche à attendre un degré bien précis, et ne regardent pas le côté gustatif. « On est généralement sur du produit très standardisé, avec un marché correspondant en face », constate Jérémy Cortez.

Intervenir en amont sur le taux de sucre du moût

Gemstab utilise une technologie d’osmose inverse couplée à un contacteur membranaire (voir article ci-contre), mais la nanofiltration est aussi une option. Il s’agit d’un compromis à trouver entre praticité et qualité. « L’osmose laisse passer peu d’arômes dans le perméat, mais c’est très lent. La nanofiltration va plus vite, mais on perd un peu de perméat, donc d’arômes », résume Philippe Cottereau. Dans les deux cas, l’ingénieur précise qu’il y a toujours une petite perte aromatique, quoi qu’il en soit. Cette dernière est donc à comparer avec le gain qu’apporte la réduction de la sensation de chaleur. C’est dans cette optique que Pascal Poupault, de l’IFV du Val de Loire, a suivi des essais sur différents itinéraires techniques comparant désalcoolisation et décalage de la date de vendange. Les chercheurs ont comparé des chenins récoltés à deux dates différentes, l’une lorsque le TAVP était encore à 10 et l’autre une fois que les 12 degrés étaient atteints. Les résultats ont montré que la modalité ayant été ramassée à 12 degrés puis ramenée à 10 par une technique de correction de la teneur en alcool a donné de meilleurs résultats que la modalité directement vendangée à 10 degrés. Philippe Cottereau a réalisé des essais similaires, mais en corrigeant non pas l’alcool mais le taux de sucre du moût. Il s’avère qu’ici encore, à taux d’alcool équivalent, le vin issu de raisins ramassés à maturité et ayant subi un désucrage se trouve meilleur que celui issu d’une vendange anticipée. « Cette technique de désucrage fonctionne très bien, on ne perd quasiment pas d’arômes puisque l’on n’intervient pas sur le vin fini, affirme l’ingénieur. La contrainte c’est que l’on perd beaucoup de volume. Si on cherche à réduire le TAVP de 1,5 cela représente 15 % de pertes, c’est énorme. » Ainsi, même si la technique est éprouvée et très intéressante, dans la pratique elle n’est pas utilisée. Avec la hausse continuelle des degrés et l’aversion du consommateur pour les taux d’alcool élevé, il est à parier que de plus en plus de vignerons feront toutefois ce choix, et y trouveront une cohérence sur leurs marchés. « Pousser les maturités et intervenir ensuite pour désucrer ou désalcooliser est un schéma qui pourrait devenir classique à l’avenir », prédit Pascal Poupault.

Les principaux moyens de désalcooliser

Le désucrage des moûts

Il est possible d’intervenir en amont de la fermentation alcoolique, en éliminant une partie du sucre des moûts. La technique consiste à associer une ultrafiltration et une nanofiltration. Il s’agit dans un premier temps de retirer du moût un perméat d’eau sucrée, puis on sépare le sucre de l’eau. Le perméat à teneur réduire en sucre est ensuite réinjecté dans le moût de départ. Cette technique permet de faire baisser le titre alcoométrique volumique probable (TAVP) d’un à deux degrés. Elle est globalement respectueuse du produit et des composés, ce qui donne par la suite des vins d’une qualité équivalente à ceux non traités.

L’osmose inverse

Le procédé d’osmose inverse consiste à éliminer l’alcool à travers une membrane spécifique, sous l’action d’une pression supérieure à la pression osmotique du vin. Dans le cas du vin, un mélange d’eau et d’alcool avec plus ou moins d’autres molécules comme les acides organiques ou le potassium est extrait (le perméat). Il est nécessaire d’éliminer l’alcool de ce perméat et réintroduire l’eau ainsi récupérée dans le vin traité, comme dans le cas sur sucre sur les moûts. Il existe alors 2 procédés pour séparer l’alcool du reste du perméat, la distillation ou le contacteur à membrane. Pour rappel, la distillation consiste à séparer l’alcool par évaporation, en faisant chauffer le liquide. On récupère alors un alcool à 90 %. Dans le cas du contacteur à membrane, l’alcool du perméat est éliminé par osmose à travers une membrane de microfiltration. L’alcool est récupéré dans de l’eau, qui se retrouve chargée à environ 7 à 9 % d’alcool.

La nanofiltration

La technique par nanofiltration ressemble beaucoup à celle de l’osmose inverse. La différence réside dans le fait que ce n’est pas une pression osmotique mais une nanofiltration permet d’extraire le perméat. Celui-ci est aussi composé d’eau et d’alcool, essentiellement. Tout comme dans le cas de l’osmose, ce perméat peut être traité soit par distillation soit par contacteur membranaire pour récupérer l’alcool, avant de réinjecter le liquide appauvri en alcool dans le vin.

La Spinning cone column

La Spinning cone column est une forme de distillation à la vapeur sous vide à basse température. Le traitement, qui s’effectue seulement sur une fraction de vin, est réalisé en deux passages. Un premier passage sur colonne permet d’extraire les composés très volatils (arômes) dans une petite fraction alcoolique à une température de 30 °C. Le deuxième passage permet quant à lui d’éliminer l’alcool. La fraction aromatique est réintroduite dans le vin désalcoolisé. Ce procédé permet d’extraire en douceur les composés volatiles, et donc de respecter les qualités organoleptiques du vin. Par ailleurs, il peut être utilisé pour des désalcoolisations fortes ou totales.

Source IFV

voir plus loin

La société espagnole Alacarte annonce avoir développé une machine permettant de réduire l’alcool des vins et spiritueux directement dans la bouteille. Le procédé breveté est basé sur une technologie de filtration permettant de réduire jusqu’à 80 % du volume d’alcool en 5 minutes, selon la firme. Ce système est destiné au secteur des Cafés-hôtels-restaurants, afin de proposer aux clients un service de désalcoolisation personnalisé.

 

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