Comment la réglementation évolue face au réchauffement climatique ? Le cas viticole.
Un décret modifiant l’article D665–17–5 du code rural et de la pêche maritime a été publié au Journal officiel du 8 août 2023, pour porter au 15 septembre au lieu du 15 août, et jusqu’à la récolte, l’interdiction d’irrigation des vignes à cuve. Une première, directement issue du Varenne de l’eau, afin de s’adapter au changement climatique.
Un décret modifiant l’article D665–17–5 du code rural et de la pêche maritime a été publié au Journal officiel du 8 août 2023, pour porter au 15 septembre au lieu du 15 août, et jusqu’à la récolte, l’interdiction d’irrigation des vignes à cuve. Une première, directement issue du Varenne de l’eau, afin de s’adapter au changement climatique.
La vague de gel du printemps 2021 a été un électrochoc pour le monde agricole. Cet épisode, d’une violence inédite, a permis de stigmatiser la très forte accélération des effets du changement climatique et leurs conséquences pour nos productions agricoles.
C’est dans ce contexte et avec cet arrière-plan qu’avait été lancé, le 28 mai 2021, le Varenne Agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique dont les conclusions ont été communiquées le 1er février 2022.
Ces travaux ont conduit les parties prenantes à prendre part aux groupes de travail organisés autour de 3 thématiques visant respectivement à se doter d’outils d’anticipation et de protection de l’agriculture pour la première, renforcer la résilience de l’agriculture dans une approche globale pour la 2nde et enfin partager une vision raisonnée des besoins et de l’accès aux ressources en eau mobilisables pour l’agriculture sur le long terme pour la dernière.
Spécialement en ce qui concernait la thématique de renforcer la résilience de l’agriculture dans une approche globale en agissant notamment sur les sols, les variétés, les pratiques culturales et d’élevage, les infrastructures agroécologiques et l’efficience de l’eau d’irrigation, force était d’admettre que dans le domaine particulier de la viticulture, le constat était accablant.
Perte de qualité des vins à cause du dérèglement du climat
En effet la phénologie et la période de récolte sont de plus en plus précoces. La date des vendanges se trouve avancée en moyenne de deux semaines depuis 1980 avec l’exemple de 15 jours plus tôt en 26 ans à Saint-Émilion et dans les Côtes du Rhône, et 26 jours plus tôt en Alsace, ce qui conduit à une augmentation du degré alcoolique, une baisse de l’acidité du raisin à la récolte, une modification des profils aromatiques et polyphénoliques, ce qui induit une perte de qualité pour les vins, sous l’effet du changement climatique.
Cette évolution du climat peut donc remettre en cause la pertinence de certaines réglementations dont l’État doit donc observer régulièrement les effets ou pour pouvoir procéder aux adaptations nécessaires.
Ainsi, dans le domaine de la vigne, l’irrigation des vignes à la production de raisin de cuve était, au moment du Varenne agricole de l’eau, interdite du 15 août à la récolte, par l’article D665-17-5 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit également que des règles plus restrictives peuvent être adaptées en ce qui concerne les vins à appellation d’origine ou de vin sous indication ou d’origine protégée.
En effet, dans la plupart des cas, pour les vins en appellation d’origine, l’irrigation des vignes était interdite du premier mai à la récolte, sauf pour une récolte déterminée, en compensation du stress hydrique dès lors que celui-ci est susceptible de remettre en cause la qualité de la production viticole.
Ces dates devaient donc pouvoir évoluer au regard de l’évolution du contexte climatique, l’État en prenant l’engagement, lequel s’inscrivait dans un engagement plus général d’étudier régulièrement les propositions issues des feuilles de route des filières en mobilisant les différents ministères concernés pour adapter la réglementation si cela s’avérait nécessaire.
Un décret publié en août décale l’interdiction d’irrigation
C’est donc dans le cadre de cet arrière-plan qu’a été publié au Journal officiel du 8 août 2023 un décret modifiant l’article D665–17–5 du code rural et de la pêche maritime pour porter au 15 septembre au lieu du 15 août, et jusqu’à la récolte, l’interdiction d’irrigation des vignes à cuve, avec la même réserve qu’auparavant en ce qui concerne les vignes aptes à la production de vins à appellation d’origine et de celles aptes à la production de vins sous indication géographique protégée, pour lesquelles des règles plus restrictives peuvent être fixées par le décret mentionné à l’article 641–7 du code rural ou par le décret définissant les conditions de production d’un vin sous indication géographique protégée.
Ce sont là les premières mesures concrètes d’adaptation de notre droit au réchauffement climatique pour le monde viticole, directement issues du Varenne de l’eau et promises par ces travaux.
Il ne fait aucun doute que nous n’en sommes qu’au début.
Maître Didier Le Goff
Fort d’une expérience de plus de vingt-cinq années, dont près de vingt ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire. Il a fondé, en 2018, avec quatre confrères de spécialités et barreaux différents, une plateforme dédiée aux segments de marché de l’agroalimentaire.
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