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Cinq clés pour réaliser des vins nature

Vinifier des vins nature est très risqué et demande énormément de précautions. Trois vignerons livrent leurs conseils.

La vinification de vins nature implique rigueur, réactivité et technicité. Voici les principaux points de vigilance.
© Petites caves

La vinification de vins nature implique rigueur, réactivité et technicité. Voici les principaux points de vigilance.

Une matière première parfaite

Les vignerons interrogés sont unanimes sur l’importance d’une matière première de qualité. Michel Bedouet, producteur au Pallet, dans le muscadet, a opté pour des vendanges manuelles, avec un tri des baies à la parcelle. Cependant, la qualité sanitaire n’est pas le seul critère déterminant. À Montagne, en Gironde, Nicolas Despagne s’est fixé trois règles. « Pour mes vins, je recherche d’abord une belle acidité, avec un pH inférieur à 3,5. Il me faut aussi un indice de polyphénols totaux le plus haut possible, idéalement cela peut monter jusqu’à 70-80. Enfin, je vise un taux d’alcool minimal de 13-13,5 % vol. », détaille-t-il. Pour arriver à un tel équilibre, le moment de la récolte est déterminant. « Cela n’implique pas nécessairement de vendanger la nuit mais il faut ramasser lorsque les conditions climatiques, et notamment la température, sont raisonnables », poursuit le viticulteur.

Une hygiène irréprochable

Même en présence d’une belle vendange, les moûts non protégés sont très sensibles aux risques de contaminations microbiologiques. Face à ce danger, une hygiène irréprochable est de mise et ce, dès l’amont de la récolte. Michel Bedouet pratique une désinfection totale à la soude et à l’eau oxygénée huit jours avant la vendange. Ensuite, il pulvérise de l’eau-de-vie de raisin sur toutes les parois de ses cuves. À ses yeux, rapidité et réactivité sont les maîtres mots. « Je nettoie tout au fur et à mesure. Je rince les récipients dès qu’ils sont vides et je fais de même pour les tuyaux, dans lesquels je passe une balle en mousse. Quant au pressoir, hors de question de quitter le chai sans l’avoir vidé et rincé au préalable », affirme-t-il.

Il en va de même à Gaillac, où Michel Issaly nettoie tout son matériel au moins trois fois par jour. Il utilise uniquement des produits homologués bio ou du soufre, pour tout ce qui est en contact direct avec le moût. « Je fais aussi la chasse aux moucherons. Là où ils se posent, je sais que le risque de contamination acétique est présent et que je dois nettoyer immédiatement », observe le vigneron.

Un départ en fermentation rapide

L’arrivée de la vendange est l’une des étapes les plus critiques quand on se passe de sulfites. « Je prends soin d’inerter les tuyaux et la cuve de réception au CO2, mais un départ en fermentation alcoolique rapide reste le meilleur moyen de protéger le moût », annonce Michel Bedouet. Pour ce faire, il ramasse des grappes dans ses vignes quelques jours avant la récolte et réalise un pied de cuve. Afin de lancer sa fermentation rapidement, il utilise un réchauffeur d’aquarium. L’équipement est tout petit et très économique. « Il me suffit de plonger l’appareil dans 50 litres de jus et la fermentation démarre dans les 24 heures », précise-t-il. Nicolas Despagne est lui aussi adepte du pied de cuve. Pour la sélection des grappes, il teste sans cesse de nouveaux assemblages en mélangeant, ou en séparant, les parcelles et les cépages. « Ce que je conseille avant tout, c’est d’essayer », assure-t-il. Avec le jus obtenu, il remplit à ras bord un nabuchodonosor, qu’il couvre avec un bocal posé à l’envers sur le goulot. Ainsi, lors du départ en fermentation, la mousse formée chasse les quelques premiers centimètres exposés à l’oxygène. Une fois tous les sucres consommés, le vinificateur met un point d’honneur à garder un maximum de CO2 dans son vin. « C’est ce qu’il y a de mieux pour protéger de l’oxydation. Je fais des soutirages de plus en plus rarement pour essayer d’en perdre le moins possible », explique-t-il.

Attention aux températures

La température est un paramètre déterminant au moment des vinifications. Pour Nicolas Despagne, l’objectif est de ne jamais dépasser 18 °C à l’intérieur du chai. Pour rafraîchir ses vins, il a la chance de bénéficier d’une cuve souterraine placée sous chacune de ses cuves béton. « Cela me permet de passer de 30 à 18 °C en quelques heures pour éviter les arrêts de fermentation », constate-t-il. Néanmoins, il s’attache depuis quelques années à n’utiliser cette solution qu’en dernier recours. Dans la mesure du possible, il préfère agir en préventif en raisonnant la quantité de moût dans chaque cuve. « Après de nombreux essais avec mon maître de chai, nous avons opté pour un volume maximal de 100 hectolitres dans nos cuves de 180 hectolitres », raconte-t-il. Mais là encore, la réactivité est indispensable car il faut assembler dès lors que la fermentation s’achève, pour éviter de garder des contenants à moitié vides. À Gaillac, Michel Issaly recommande également le travail avec des petits volumes. « On peut aussi agir en amont, en jouant sur l’heure de récolte pour ramasser du raisin plus ou moins frais, ou repenser l’isolation de la cave. L’installation de puits canadiens permet de créer une régulation naturelle au sein du bâtiment », note-t-il. En revanche, face à un problème thermique, le producteur gaillacois ne se montre pas hostile à toute intervention. « Il faut raisonner la pratique sans se l’interdire, prône-t-il. Sans chercher une température optimale pour la fermentation, il faut se laisser la possibilité de réchauffer ou de refroidir. » Il dispose d’ailleurs d’une chambre froide pour abaisser la température du raisin sans avoir d’impact direct sur le moût. « Je suis également équipé d’un kreyer. C’est une solution de dernier recours mais je ne l’exclus pas en cas de coup dur », reconnaît le vigneron. Quant à Michel Bedouet, il dispose d’un groupe de froid équipé de serpentins en cas de besoin. « Le moût démarre à 15 °C et peut aller jusqu’à 18-20 °C mais il faut éviter de monter jusqu’à 25 °C », conseille-t-il.

Le soufre : une question épineuse

Parmi les vinificateurs interrogés tous visent le « zéro intrant ». Pourtant, le soufre reste difficile à écarter. « Cela fait encore débat mais pour moi, ce n’est pas l’ennemi du vin, c’est un entre-deux », témoigne Michel Issaly. À ses yeux, la question se pose véritablement à la réception des baies. « Si la fermentation démarre dans les 24 à 30 heures il n’y a pas vraiment besoin de sulfiter, sauf si l’état sanitaire est moyen. En 2011, alors qu’il y avait un vrai risque de montée en volatile, j’ai sulfité ma vendange à un gramme par hectolitre », se souvient-il. En revanche, il exclut tout sulfitage à la mise. « Je préfère qu’il y ait encore du CO2 à l’ouverture de la bouteille », assure-t-il. À l’inverse, pour Michel Bedouet, le soufre est un mauvais vinificateur mais un bon conservateur. Il évite donc tout ajout avant la fin de la fermentation alcoolique. En revanche, il se réserve la possibilité de sulfiter à la mise, dans la limite de trente microgrammes par litre de SO2 total. « Cela ne me paraît pas aberrant, surtout si on ne souhaite pas filtrer », commente-t-il. En ce qui concerne les vins destinés à l’export, les deux vignerons soulignent la possibilité d’un léger sulfitage à la mise.

Témoignage

« Des intrants à dose homéopathiques »

« Je pratique actuellement une nouvelle approche, que j’ai testée avec plusieurs vignerons. C’est encore très expérimental mais cela fonctionne bien. Il s’agit de remplacer les intrants classiques par leurs équivalents homéopathiques. Si on se place après la malo par exemple, en lieu et place du soutirage et du sulfitage habituels, il est possible d’apporter une eau de soufre. Il s’agit d’une solution sulfitée très fortement diluée et dynamisée. J’ai également réalisé des essais à la bentonite sur des vins blancs destinés à des élevages longs et présentant de légers troubles. Cela revient à appliquer les idées biodynamiques à la cave, pour avoir un effet opérant sans pour autant apporter la matière quantitative. La méthode ne fonctionne pas encore à tous les coups mais les premiers résultats sont prometteurs. »

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