Trouble anormal de voisinage : les agriculteurs bientôt mieux protégés par le Code civil ?
L’Assemblée nationale doit examiner le 4 décembre une proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité aux enjeux actuels. Un texte très attendu par le monde agricole.
L’Assemblée nationale doit examiner le 4 décembre une proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité aux enjeux actuels. Un texte très attendu par le monde agricole.
« Les Français veulent du local mais on ne peut plus faire un bâtiment sans être attaqué par les voisins ». Voilà ce que Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, entend régulièrement sur le terrain de la bouche d’agriculteurs. La condamnation de Vincent Verschuere, agriculteur dans l’Oise, en mars 2022 à verser plus de 100 000 euros de dommages et intérêts à des riverains se plaignant du bruit et de l’odeur de ses vaches, a marqué les esprits. Mais ce cas n’est pas isolé.
490 dossiers pour trouble anormal de voisinage devant les tribunaux
« En 2020, il y aurait eu 490 dossiers d’agriculteurs attaqués pour trouble anormal de voisinage devant les tribunaux. Aujourd’hui on aurait dépassé les 600 dossiers selon l’avocat Timothée Dufour. C’est énorme », rapporte Luc Smessaert.
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Une proposition de loi révisant la responsabilité civile examinée le 4 décembre
Et pour l’heure ces affaires sont laissées à la seule appréciation du juge, souligne l’avocat spécialisé dans le secteur agricole Timothée Dufour. D’où l’enjeu important d’une proposition de loi qui devrait être examinée le 4 décembre à l’Assemblée nationale afin de mieux protéger les agriculteurs et plus généralement les acteurs économiques du monde rural.
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Un texte promis par Eric Dupont-Moretti au salon de l’agriculture
En mars 2023 sur le salon de l’Agriculture, Eric Dupont-Moretti avait été alerté sur le sujet par la FNSEA et avait promis de travailler à l’élaboration d’un texte ayant plus loin que la loi du 29 janvier 2021, dite loi du Coq Maurice, « afin qu’il n’y ait plus de faille dans le code civil par rapport au trouble anomale de voisinage », rapporte Luc Smessaert.
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Aller plus loin que la loi dite du Coq Maurice
La loi du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises est « une coquille vide », selon le représentant de la FNSEA. Car pour introduire dans le code de l’environnement "les sons et odeurs" comme caractéristiques des espaces naturels, un inventaire doit être fait. « Seules deux régions ont joué le jeu : les Hauts de France et Aura », déplore le vice-président de la FNSEA.
« Nous avons travaillé tout l’été avec la Chancellerie qui a demandé à Timothée Dufour de plancher sur un nouveau texte (en lien avec Laurent Woltz, chef du service juridique et fiscal de la FNSEA, ndlr) » confie Luc Smessaert.
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Protéger l’antériorité des activités agricoles mais aussi leur développement
Ce travail a abouti à une proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels. Adopté le 22 novembre par la commission de lois de l’Assemblée nationale, ce texte stipule que « lorsque le trouble de voisinage provient d’activités, quelles que soient leur nature, préexistantes à l’installation sur le fonds, qui se sont poursuivies dans les mêmes conditions et qui s’exercent conformément à la législation en vigueur, la responsabilité civile du propriétaire, du locataire, de l’occupant sans titre, ou de l’exploitant d’un fonds, ne saurait être engagée ». Ce texte devrait être examiné lors d’une niche parlementaire transpartisane le 4 décembre prochain.
Cette loi va passer
D’ici là, accompagnée de l’avocat Timothée Dufour, la FNSEA travaille à la rédaction d’un amendement pour que la responsabilité civile ne soit pas engagée en cas de modification non substantielle des activités. Un amendement qui pourrait être porté par le gouvernement. « Cette loi va passer », affirme confiant Luc Smessaert, qui confie avoir le soutien d’Eric Dupont-Moretti et de nombreux députés de tous bords. Portée par le monde agricole, cette proposition de loi qui vise à défendre la liberté d’entreprendre reçoit aussi le soutien de nombre de maires.
C’est un texte très important. On va toucher au code civil et à la construction prétorienne du trouble anormal de voisinage
« C’est un texte très important. On va toucher au code civil et à la construction prétorienne du trouble anormal de voisinage qui n’a pas bougé depuis l’arrêt Clément-Bayard datant du 3 août 1915 », commente Timothée Dufour.
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Affaire Verschuere : l’agriculteur de l’Oise attend la décision de la Cour de Cassation
Un texte dont l’agenda est plus que symbolique puisque le 7 décembre la Cour de cassation devrait se prononcer sur la condamnation en Cour d’appel de Vincent Verschuere, agriculteur dans l’Oise, défendu par Timothée Dufour. « Sept magistrats devraient trancher l’affaire pour laquelle nous avons fourni trois mémoires en plus de celui de Vincent, ceux de la région des Hauts de France, de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs », explique l’avocat qui est appuyé par François Molinié, avocat à la Cour de cassation et président de l’ordre des avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat.
On ne peut pas laisser une minorité scléroser le développement de nos activités
Luc Smessaert, qui est polyculteur éleveur dans l’Oise, attend aussi beaucoup de cette décision. « On ne peut pas laisser une minorité scléroser le développement de nos activités. Sans parler du mal-être que cela crée pour l’exploitant agricole, sa famille et toute la génération qui veut s’installer dans le secteur. Demain on ne peut pas être tous des Vincent avec toute l'amitié et le soutien à la famille Verschuere », exprime-t-il.
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