Loi d’orientation agricole : quelles mesures censurées par le Conseil constitutionnel ?
Le Conseil constitutionnel vient de retoquer près d’un tiers des articles contenus dans la loi d’orientation agricole. Lesquels ? Quelles sont les réactions suite à cette décision ?
Le Conseil constitutionnel vient de retoquer près d’un tiers des articles contenus dans la loi d’orientation agricole. Lesquels ? Quelles sont les réactions suite à cette décision ?

Dans une décision publiée le 20 mars, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions majeures de la loi d'orientation agricole (LOA). Pas moins de 14 articles sont jugés totalement non conformes à la Constitution et 3 sont en partie retoqués.
Quelles sont les principales mesures de la LOA retoquées sur le fond ?
La non-surtransposition des normes européennes
Le Conseil constitutionnel a censuré le point a du 2° du paragraphe I de l’article 1er qui prévoyait « notamment que les normes réglementaires en matière d’agriculture ne peuvent aller au-delà des exigences minimales des normes européennes sauf lorsqu’elles sont spécialement motivées et évaluées avant leur adoption et qu’elles ne sont pas susceptibles d’engendrer une situation de concurrence déloyale ». Une disposition qui serait contraire à la séparation des pouvoirs entre le parlement et le gouvernement selon le Conseil constitutionnel.
Le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire
Sur le même principe de méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs, la Conseil constitutionnel a aussi censuré l’article 2 introduisant la non-régression de la souveraineté alimentaire. Cette mesure « méconnaitrait les exigences des articles 1er, 3 et 5 de la Charte de l’environnement, dès lors qu’un tel principe de non-régression pourrait rendre plus difficile l’adoption des règles protectrices de l’environnement ».
Les présomptions d’absence d’intention pour l’atteinte aux espèces protégées
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs retoqué le point b du 3° de l’article 31 instituant des présomptions d’absence d’intention applicables au délit d’atteinte aux espèces protégées, à leurs habitats naturels ou à des sites d’intérêt géologique dans la mesure où l’individu répond à l’exécution d’une obligation légale ou réglementaire ou à une prescription administrative. Une mesure qui méconnaitrait le principe de légalité des délits et des peines. En revanche la dépénalisation de certaines peines a bien été validé par le Conseil constitutionnel.
La bonne foi présumée en cas de contrôle
L’article 35 qui stipule que « lors d’un contrôle opéré dans une exploitation agricole, la bonne foi de l’exploitant est présumée » ou encore que « les procédures alternatives aux poursuites sont priorisées » est aussi retoqué par le Conseil constitutionnel du fait « que ces dispositions sont dépourvues de portée normative ».
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Quelles sont les mesures de la LOA censurées comme cavaliers législatifs ?
De nombreux articles ont aussi été retoqués par le Conseil constitutionnel au motif que ce sont des « cavaliers législatifs » (mesure introduite sans lien direct avec le sujet traité par la loi). C’est notamment le cas de deux mesures importantes pour les agriculteurs.
Exclusion des bâtiments agricoles des zones artificialisées
L’article 42 de la LOA a ainsi été censuré. Il prévoit que « les constructions, ouvrages, installations ou aménagements nécessaires à l’exploitation agricoles sont exclus du décompte des zones artificialisées » dans le cadre de la loi ZAN.
Provision pour augmenter la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes
L’article 56 qui modifie jusque fin 2027 le régime d’imposition des bénéfices agricoles en ce qui concerne la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et de vaches allaitantes a aussi été retoqué pour ce motif. A noter que cette mesure a, entre temps été introduite dans la loi de finances 2025.
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Quelle réaction d’Annie Genevard à la décision du Conseil constitutionnel sur la LOA ?
« La LOA va enfin entrer en vigueur ! L’essentiel des mesures concrètes pour les agriculteurs a été validé par le Conseil constitutionnel. Ce sont plus de 40 articles qui vont dans le bon sens pour nos agriculteurs » s’est félicitée Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, auprès de la presse mettant en avant plusieurs « avancées majeures attendues depuis longtemps » et désormais ancrées dans la loi dont :
- Intérêt général majeur et intérêt fondamental de la Nation
- Principe reconnu du « pas d’interdiction sans solution »
- Déploiement du guichet France Services Agriculture
- Dépénalisation des atteintes involontaires à l’environnement
- Simplification du régime de la haie
- Accélération du contentieux agricole
- Objectifs ambitieux pour l’enseignement agricole, avec +30% d’apprenants
- Création d’une sixième mission dans l’enseignement agricole
- Création du bachelor agro
- Diagnostics modulaires
Et la ministre d’estimer que « les censures prononcées sont essentiellement liées à de purs motifs de forme et ne marquent pas l’enterrement des mesures proposées ». « Le travail continue, notamment pour trouver des solutions réglementaires permettant leur déploiement au plus vite, dans la mesure du possible », fait savoir la ministre.
Des ONG se félicitent de la censure partielle de la loi
Générations futures s’est pour sa part félicité dans un communiqué « d’une victoire partielle » avec cette décision du Conseil constitutionnel, y voyant « une sage décision pour notre environnement ». « Si des dispositions dangereuses pour la protection de notre environnement ont été heureusement censurées, cette décision ne pouvait revenir sur la trajectoire globale du texte qui verrouille notre agriculture dans un modèle qui ne permet pas de répondre aux enjeux du revenu et de la transition agroécologique », souligne l’ONG. Selon Générations futures cette décision « doit cependant servir de leçon au Gouvernement et à l’ensemble des parlementaires à l’heure où se profile l’examen d’un autre texte de dérégulation : la proposition de loi “contraintes”, surnommée PPL Duplomb ».
Regrettant que le Conseil constitutionnel n’ait pas censuré l’alinéa 31 de l’article 1er inscrivant le principe “pas d’interdiction sans solution”, Générations Futures prévient qu’elle utilisera tous les moyens légaux à sa disposition pour agir « contre les articles problématiques de cette loi ».
Un tiers des articles de la LOA censuré par le Conseil constitutionnel
« Un tiers des articles de la LOA censuré par le Conseil constitutionnel : une décision qui réaffirme la possibilité d’une politique agricole ambitieuse » s’est de son côté réjouie la Fondation pour la Nature et l’Homme.
« Nous espérons que cela mettra un terme aux allégations fallacieuses sur la question des soi-disant « surtranspositions » quand il s’agit d’empêcher les décideurs publics d’orienter notre agriculture et notre alimentation vers un cap agroécologique ambitieux » déclare Thomas Uthayakuma, directeur des programmes et du plaidoyer de la fondation.
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La Coordination rurale atterrée
La Coordination rurale pour sa part s’est dite « atterrée, mais pas surprise, par la censure de la loi d’orientation agricole par le Conseil constitutionnel » estimant dans un communiqué que l’institution déclare « la guerre aux agriculteurs ».