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Trois clés pour réussir la production de porcs mâles entiers

En élevage, à l’abattoir et dans les magasins, la production et la commercialisation de porcs mâles entiers devront être parfaitement maîtrisées pour éviter une perte de valeur et un rejet des consommateurs.

1- Mettre en place des bonnes pratiques d’élevage

Les chercheurs européens ont recensé l’ensemble des mesures à mettre en place en élevage pour limiter la fréquence de carcasses odorantes (1). La conduite d’élevage tient une place importante. Le non-sexage des porcs est préconisé, afin de limiter notamment les mélanges d’animaux et les bagarres de mâles entiers si ces derniers sont regroupés. Des animaux propres s’imposent afin d’éviter la production de scatol, l’une des molécules responsables des odeurs de carcasse. Des porcs à jeun et des mesures prises lors du transport et de l’abattage limitent le stress et les bagarres, également responsables de la production d’odeurs. Une alimentation à volonté est préférable à un rationnement strict. Des additifs et des matières premières spécifiques incorporés dans la ration en fin d’engraissement limitent également le risque d’odeurs : amidon cru de pomme de terre, chicorée, lupins, bicarbonate, inuline… Mais leur coût est souvent dissuasif. Enfin, les génétiques maigres et à maturité sexuelle retardée sont préconisées (Piétrain). Des travaux ont été réalisés par des organismes de sélection génétique pour éliminer les verrats les plus à risque (programme Ino de Nucléus, lignée Nador de Topigs, nouveau verrat Valens d’Axiom).

2- Bien détecter les carcasses odorantes

C’est un élément essentiel dans la chaîne de production et de commercialisation des porcs mâles entiers. En France, Cooperl Arc Atlantique utilise le nez humain depuis le lancement de cette production en 2013. Cette méthode est également utilisée par les Néerlandais, qui ne castrent plus 60 % de leurs porcelets mâles. Son coût est relativement faible (moins d’un euro par porc). Elle est applicable à des cadences d’abattage élevées. La qualification des carcasses est faite sur l’odeur que perçoit le consommateur. Les carcasses odorantes sont immédiatement mises de côté en bout de chaîne sans attente d’un résultat d’analyse. La fiabilité des opérateurs peut être optimisée par un plan de contrôle qualité rigoureux. Cependant, l’objectivité des contrôles est difficile à prouver aux clients des abattoirs. C’est pourquoi plusieurs pays européens ont lancé des programmes de recherche pour mettre au point des procédés de mesures automatiques des deux molécules responsables des odeurs (scatol et androsténone), avec très peu de résultats concrets pour l’instant. Le seul procédé qui semblerait sur le point d’aboutir a été élaboré au Danemark. Il se base sur de la spectrophotométrie de masse à haute cadence à partir d’un échantillon de gras prélevé automatiquement sur la carcasse. L’Ifip a estimé son coût à 1,35 euro par prélèvement. Mais il pourrait être beaucoup plus élevé dans des abattoirs de petite taille, à cause d’un investissement important (1,5 à 2 millions d’euros) difficile à amortir avec des petits effectifs. De plus, sa mise en place dans les abattoirs existants pourrait s’avérer problématique à cause de la place nécessaire aux outils de prélèvement et au laboratoire d’analyse des échantillons qui doit être implanté à proximité de la chaîne.

3- Rassurer les consommateurs et les salaisonniers

Le principal risque de détection d’odeurs sexuelles par le consommateur concerne la viande fraîche, cuite à domicile. Elle représente 25 % de la carcasse. La boucherie traditionnelle sera difficile à convaincre. Il faudra sans doute lui attribuer des carcasses de femelles et de mâles castrés sous anesthésie. La grande distribution sera sans doute plus réceptive pour répondre à la demande de bien-être animal et afficher cet argument dans ses programmes RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Les transformateurs restent à convaincre sur les produits à marque pour lesquels ils ne peuvent prendre aucun risque d’odeur ou de goût déviants. Des essais en B to B sur des fabrications représentatives avec des mâles entiers non odorants en abattoir et des femelles sont une solution pour avancer entre les fournisseurs, abatteurs et transformateurs, avec études et dégustations des produits finaux. Si la salaison du cuit en industrie présente moins de risque du fait d’une cuisson en salaison et d’un effet dilution, des solutions sont à trouver pour utiliser les carcasses odorantes sur des produits bien identifiées pouvant fortement masquer les odeurs ou sur des marchés à l’export qui les acceptent.

Le secteur de la salaisonnerie sèche peut voir ses repères technologiques et qualitatifs modifiés du fait de la plus faible couverture en gras des pièces de découpe de mâles entiers et une insaturation du gras supérieure. Cela nécessitera des choix dans ses approvisionnements (utilisation de femelles et maintien de porcs castrés sur certaines filières) voire de réorienter la production (cahier des charges spécifique) pour disposer de mâles entiers plus gras et au gras plus saturé, et donc moins oxydatif sur des process long de transformation en sec.

D’un point de vue marketing, la filière devra transformer une pratique potentiellement à risque pour le consommateur en un argument qui met en avant le bien-être animal. Cette approche est utilisée par les entreprises qui ont déjà opté pour cette production. En France, c’est le cas de la filière Nouvelle agriculture de Terrena qui produit des porcs mâles entiers dont la viande et les charcuteries sont commercialisées par Système U. De son côté, le porc « bien élevé » de Cooperl-Brocéliande met surtout en avant une agriculture alternative, plus respectueuse de la biodiversité, des animaux et des hommes, avant de citer la non-castration.

(1) Guide des meilleures pratiques pour la production, l’utilisation et le marketing des viandes de mâles entiers et immuno-vaccinés Improvac (Rapport final de décembre 2018, Commission européenne, DG Sanco, bureau de la santé).

Repères

Cinq raisons pour produire du mâle entier

1 Cela répond à l’obligation d’arrêter la castration à vif en France en 2022.
2 C’est une opportunité économique pour les éleveurs, permettant de réels gains de productivité.
3 Les conditions de travail en élevage sont améliorées.
4 L’impact sur l’environnement est fort : moins d’aliments consommés (-12 %), moins de rejets.
5 Le marché du bien-être animal est un argument majeur pour vendre ses produits.

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