Les acides aminés améliorent l’autonomie protéique
Complémenter les aliments en acides aminés de synthèse ne nuit ni aux performances ni à la marge tout en réduisant la consommation de nutriments et les excrétions azotées. Une opportunité économiquement durable.
Complémenter les aliments en acides aminés de synthèse ne nuit ni aux performances ni à la marge tout en réduisant la consommation de nutriments et les excrétions azotées. Une opportunité économiquement durable.
Le porc étant un monogastrique, son système digestif ne remanie pas l’apport en protéines qui lui est fourni. Il a donc besoin que l’apport nutritionnel à un instant T corresponde le plus possible aux dépôts qu’il est en train de réaliser. L’aliment doit donc avoir le même profil protéique que le dépôt. C’est la notion de protéine idéale. Depuis plusieurs années, des acides aminés de synthèse apparaissent sur le marché, ce qui facilite la formulation des aliments. Certains acides aminés étant plus limitants que d’autres, il faut donc raisonner en fonction des plus limitants vers les moins limitants. La lysine étant le premier acide aminé en cause, c’est elle qui conditionne les proportions de tous les autres. L’intérêt du recours aux acides aminés est donc de réduire au maximum les apports des uns et des autres, qu’ils soient apportés par les matières premières ou synthétiques. Et bien sûr tout en conservant des performances zootechniques satisfaisantes et au moins le même niveau de marge.
Le multiphase ne dégrade pas les performances
Pour ce faire, depuis plusieurs années les chambres d’agriculture de Bretagne ont réalisé des essais à la station de Crécom en partenariat avec la société Ajinomoto SAS. L’accent a surtout porté sur l’engraissement, poste le plus consommateur de protéines. Lors d’un premier essai réalisé sur deux bandes de 144 porcs, les indices de consommation et les plus-values se sont avérés légèrement plus favorables avec un régime multiphase, en comparaison avec un régime témoin biphase, sans différences statistiques cependant. Les animaux de la salle “biphase” ont reçu un aliment croissance (16,5 % de MAT) jusqu’à 65 kg de poids vif puis un aliment finition (15 % de MAT). Les animaux de la salle “multiphase” ont reçu un régime à faible concentration en matière azotée totale (MAT) constituée d’un mélange de deux aliments (croissance à 14,5 % et finition à 13,5 % de MAT) se substituant l’un à l’autre progressivement jusqu’à 65 kg de poids vif. Puis l’aliment finition (13,5 % de MAT) a été distribué jusqu’à l’abattage.
Consommation azotée moins élevée et rejets diminués
Lors d’un second essai mené en condition terrain dans un engraissement équipé d’une alimentation soupe, le recours à la protéine, idéale en formulation, a abouti à une moindre consommation de matières azotées (-13 %) ainsi qu’à des excrétions azotées moins importantes (- 23 %). Parallèlement, du fait d’une meilleure valorisation de l’aliment et malgré le recours aux acides aminés de synthèse, le régime expérimental a consommé 6 % de lysine en moins pour une marge supérieure de 1 à 3 % suivant les bandes. L’alimentation n’était alors plus raisonnée à la case, mais rangée de cases par rangée de cases, c’est-à-dire sur la moyenne des poids de chaque régime, comme le ferait un éleveur. Là aussi, les performances techniques sont apparues identiques entre les deux régimes avec cependant cette fois-ci une disparition de l’effet sexe sur la croissance pour les porcs du régime multiphase.
Un travail en post-sevrage sur la valine
Un essai récent sur la valine, toujours réalisé à la station de Crécom, a permis de valider le taux de 70 % de valine digestible par rapport à la lysine pour un aliment 2e âge. Une avancée importante lorsque l’on sait qu’une carence en valine entraîne une diminution de la prise alimentaire et qu’un excès de leucine aggrave l’effet de la carence en valine. Les résultats de cet essai ont été publiés au printemps dernier (Réussir Porc n°259).
Cinquième acide aminé limitant la croissance des porcelets, la valine fait partie des acides aminés à chaînes ramifiées avec la leucine et l’isoleucine. Ce trio a la particularité que l’excès de l’un peut entraîner la dégradation d’un (es) autre(s). La formulation doit donc les prendre en compte simultanément. Par ailleurs, ils ne sont pas tous disponibles sous forme synthétique actuellement. Il s’agit alors d’un travail de formulation plus exigeant en jouant sur les caractéristiques propres des matières premières.
Récemment, un nouvel axe de recherche est apparu sur le post-sevrage : les émissions d’ammoniac y sont supérieures aux normes IED (Industrial Emissions Directives). Un essai est donc en cours depuis cet été afin de comparer l’effet du taux de protéines de l’aliment 2e âge sur ces émissions et par la même occasion sur les rejets dans le lisier. Réponse l’an prochain.
Travailler sur les acides aminés en production porcine, c’est ouvrir la boîte de Pandore. Quand on commence à cerner les besoins réels du porc pour un stade précis, on va étudier l’acide aminé limitant suivant. Sachant qu’il y a une vingtaine d’acides aminés, et que l’on ne dispose de taux d’incorporation précis que sur six ou sept d’entre eux actuellement, beaucoup de travail reste à faire ! Mais cela progresse et permet à chaque fois de produire à coût moindre en réduisant rejets et émissions gazeuses. Tout bonus pour les éleveurs !
herve.roy@bretagne.chambagri.frLe multiphase diminue les rejets
La mesure des performances environnementales sur 2 bandes avec une alimentation multiphase montre que les rejets phosphorés sont réduits de 35 % (bande 1) et de 31 % (bande 2) et les rejets azotés de 31 % (bande 1) et de 21 % (bande 2). Par conséquent, des réductions des émissions d’ammoniac de 40 % et de 21 % ont été mesurées respectivement pour les bandes 1 et 2. Aucun effet sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre n’a été démontré. Malgré un léger surcoût alimentaire, ces résultats démontrent bien les intérêts économique et environnemental de ces distributions et formulation plus ajustée.
Matière azotée totale, acides aminés et protéine idéale
Lorsque l’on parle protéines d’un aliment, cela peut, suivant l’interlocuteur, correspondre à deux définitions différentes : l’un pense MAT (matière azotée totale), l’autre équilibre entre acides aminés digestibles. Le porc, lui, ne se soucie que de la seconde définition, la protéine idéale !
La matière azotée est un conglomérat d’acides aminés (une vingtaine), mais dans des proportions non équilibrées alors que le porc exige des proportions précises entre eux, proportions propres à chaque stade physiologique.
La protéine idéale, c’est comme une boîte de Mécano. Il faut le bon nombre de pièces (les acides aminés), ni plus ni moins. Moins, la valorisation ne serait pas satisfaisante ; plus, la flore pathogène du tube digestif se régale. De plus, lorsque l’on parle acide aminé, il faut raisonner acide aminé digestible puisque le porc n’en assimile qu’une partie propre à chacun d’entre eux pour un stade précis, au niveau iléal. La lysine étant le premier acide aminé limitant, les apports des autres acides aminés se font en fonction de celle-ci, elle-même étant liée à la valeur énergétique de l’aliment.
Un projet Ter’Unic européen
Le projet Ter’Unic est conduit dans le cadre du plan SOS Protein soutenu financièrement par l’Europe et les régions Bretagne et Pays de la Loire. Il vise à évaluer l’impact de différentes stratégies d’amélioration de l’autonomie protéique à l’échelle de l’exploitation mais également à l’échelle du territoire du Grand Ouest.