« Nous vendons nos agneaux à une dizaine de grandes surfaces locales »
Maxime Pierrel fait partie d’un collectif d’éleveurs des Vosges qui se sont rassemblés pour approvisionner des supermarchés de leur région avec lesquels ils sont partenaires.
Il est fier de promouvoir l’agneau dans sa région. Éleveur de 360 brebis Île-de-France et Texel, Maxime Pierrel a repris en 2017 l’exploitation familiale de 70 hectares qu’il a convertie en agriculture biologique. Depuis lors, il cherche à atteindre l’autonomie protéique et à s’engager dans une démarche de circuit court.
Avec d’autres éleveurs de sa région, il vend la majeure partie de ses agneaux aux grandes surfaces locales. « Il y a six ans, nous avons organisé une journée de partage avec des hôteliers, restaurants et bouchers. Nous avons envoyé une centaine d’invitations. Seuls deux magasins U sont venus ! », raconte Maxime Pierrel.
Un réseau créé grâce au bouche-à-oreille
Richard Stéphane, un autre éleveur du collectif, exprime sa déception initiale : « Les bouchers et restaurateurs n’ont pas répondu présents. C’est regrettable qu’ils ne cherchent pas à participer à une démarche plus locale ». Mais quelques supermarchés ont répondu à l’appel et ont manifesté leur volonté d’établir des partenariats. Les premières appréhensions ont vite été levées. Les éleveurs pensaient par exemple être limités par les contraintes sanitaires, ce qui n’a pas été le cas. Le bouche-à-oreille a fait le reste.
Aujourd’hui, dix éleveurs ovins et dix grandes surfaces sont partenaires. « Nous sommes passés de quatre à vingt-cinq agneaux par semaine, ce qui représente mille deux cents agneaux par an. C’est une vraie réussite », se réjouit Richard Stéphane.
Organisation du partenariat
Chaque lundi matin, les éleveurs se concertent pour s’organiser. Ils décident du nombre d’agneaux que chacun peut fournir pour répondre aux besoins des magasins. Ensuite, l’un des agriculteurs livre les animaux à l’abattoir tandis qu’un autre fait la tournée des grandes surfaces avec les carcasses dans une remorque réfrigérée qu’ils ont acquise ensemble. « Il faut compter au moins trois heures, de 6 h à 9 h du matin pour faire le tour des supermarchés. C’est astreignant mais cela fait partie du métier », décrit Maxime Pierrel. Le partenariat repose sur une implication réciproque.
Les bouchers et les directeurs de magasin sont à l’écoute et engagés. « Ils viennent même nous rendre visite sur nos exploitations. En réalité, tout dépend de la volonté des personnes en face de nous », affirme Richard Stéphane. En contrepartie, les magasins améliorent leur image et organisent des actions commerciales où ils invitent les éleveurs. « C’est du donnant-donnant », résume Pascal Tholmer, un autre éleveur du groupe.Des rencontres régulières avec les bouchers
Ces partenariats influencent également les choix techniques, l’une des contraintes principale étant d’assurer un approvisionnement toute l’année. « Certaines périodes sont plus tendues, par exemple au printemps. L’un de nos objectifs est donc de mieux nous organiser entre nous pour limiter le stress », explique Maxime Pierrel.
Tout est faisable quand on en a envie et qu’on y met les moyens
Les éleveurs du groupe se relaient pour remplir les rayons ce qui demande une organisation rigoureuse et une très bonne entente. « Nos agneaux ne peuvent être déclassés, ce qui est un avantage considérable. En revanche, ils doivent être vendus finis, ce qui nous oblige à savoir ce que cela signifie et à nous adapter. Nous rencontrons le boucher régulièrement pour discuter », ajoute Pascal Tholmer.
Des prix fixes supérieurs au marché
Un autre avantage de ces partenariats est le prix convenu avec les supermarchés. Ils sont fixés pour l’année et reflètent mieux les charges des éleveurs. De plus, ce prix est le même pour tous les agneaux, qu’ils fassent 15 ou 30 kg carcasse. Peu importe leur poids ou leur qualité, les agneaux trouvent tous leur débouché. « Cette année, on nous achète les agneaux à 9,90 euros le kilo, bien au-dessus des cours, témoigne Maxime Pierrel. D’un autre côté, cela représente un travail supplémentaire à prendre en compte. »Les éleveurs gagnent en visibilité sur leur comptabilité. Pascal Tholmer, qui a récemment transmis son exploitation après deux ans d’accompagnement de sa repreneuse, considère ces prix fixes comme un véritable atout : «
Nous connaissons à l’avance le chiffre d’affaires que notre élevage réalisera l’année suivante. C’est bien plus facile de trouver un repreneur dans ces conditions
».
Une aventure humaine
Les trois éleveurs témoignent tous de la fierté à vendre leurs agneaux localement. « Nous travaillons toute l’année pour faire naître et grandir nos agneaux, ce n’est pas pour les envoyer dans un camion qui part à l’autre bout de la France » lance Maxime Pierrel. « C’est gratifiant de voir que nos animaux sont consommés près de chez nous » ajoute Richard Stéphane.
Chaque éleveur est indépendant. Certains sont en bio, d’autres en conventionnel. Les systèmes d’exploitation sont également différents, avec des effectifs allant de 120 à 500 mères. Seule la confiance engage les membres du réseau. Le bon fonctionnement de leur organisation repose uniquement sur la communication et la souplesse. « Ce n’est pas fait pour tout le monde, il faut bien s’entendre et parfois faire passer les besoins du groupe avant ses propres intérêts, prévient Pascal Tholmer. Mais nous gagnons en lien humain et nous nous entraidons. »
Le groupe contribue à l’économie de leur région et met en avant le métier d’éleveur de mouton auprès du grand public. La consommation d’agneau n’est pas ancrée dans les habitudes alimentaires de la région, d’où l’importance pour ces éleveurs de mettre en avant leur production. Avec un sourire aux lèvres, Maxime Pierrel conclut : « Ici, dans l’Est, nous devons nous battre pour l’image de l’agneau. À notre niveau, nous participons à la promotion de notre filière et de notre métier. Nous en sommes fiers. »