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Limiter son empreinte carbone à la vigne et au chai

Vigneron à Cuisles, dans la Marne, Cédric Moussé a intégré dans sa stratégie d’entreprise la modération de l’impact de sa production de champagne sur l’environnement. Tout en rendant concrètes ses convictions, il pense gagner en efficience et en qualité.

Cédric Moussé ne manque pas d'expliquer sa démarche lorsqu'il reçoit des clients au caveau. © J.-C. Gutner
Cédric Moussé ne manque pas d'expliquer sa démarche lorsqu'il reçoit des clients au caveau.
© J.-C. Gutner

Depuis 2003, Cédric Moussé s’efforce de réduire l’empreinte carbone de sa production de champagne. Entendre le réalisateur et aventurier Nicolas Vanier raconter les effets du changement climatique observés dans ses expéditions, a été un déclic. À l’époque, la Champagne commençait à travailler sur son bilan carbone (voir encadré). En tant que membre des jeunes viticulteurs au sein du syndicat général des vignerons de la Champagne, il s’est investi sur le sujet.

Le vigneron ne s’est pas lancé dans la démarche avec l’idée de tout chiffrer et d’obtenir des certifications. « Je ne vais pas passer ma vie à tout calculer. J’ai surtout pris conscience du problème et je me suis dit qu’il fallait faire mieux à chaque fois. » Il a acquis la solide conviction que la viticulture française, et le champagne en particulier, compte tenu de son statut et de l’image de la France qu’il véhicule, devaient se donner des ambitions sur ce point. Aujourd’hui, tous ses choix intègrent l’objectif de limitation de l’empreinte environnementale. « Je suis une exploitation moderne », tient-il à préciser en donnant en exemple ses pressoirs récents, beaucoup moins énergivores que le pressoir d'avant. « J’ai deux pressoirs beaucoup moins consommateurs d’énergie que l’ancienne installation. » Avant tout, Cédric Moussé revendique du bon sens et surtout pas une nostalgie du passé.

Des investissements côté production

« Le premier gros boulot a été la bouteille, qui est passée de 900 g à 835 g ». Quelques essais avec des grammages encore inférieurs l’ont convaincu qu’il y a encore une marge de progression. Mais il reconnaît qu’il reste des freins psychologiques.

Pour démontrer que l’approche de neutralité carbone ne « coûte pas si cher que ça », Cédric Moussé évoque les 400 m2 de panneaux solaires dont sont équipées ses toitures. « Il y a peu d’entretien. Ils ont une longue durée de vie. Les miens ont 11 ans et j’ai fait mes meilleures années de production ces dernières années. »

Le vigneron observe qu’il ne s’agit pas non plus forcément d’installations compliquées. Des panneaux thermiques installés sur un côté de la toiture des bâtiments chauffent de l’eau qui circule dans des tuyaux, quand le temps le permet. « Le chauffe-eau est alors coupé. » Dans le chai, un puits de lumière évite d’allumer la journée. Côté stockage, les lumières anti-ultraviolets ont remplacé les néons. « Pour un tube qui consommait 116 watts, nous sommes passés à 32 watts. »

 

Utiliser des ressources existantes

Cédric Moussé est particulièrement enthousiaste de son système de puits canadien qui lui permet d’éviter la climatisation de son chai de stockage. « L'air capté à l'extérieur circule dans le sol à 4 m sous terre où la température est constante puis est rejeté dans le chai. L’été il refroidit l'air ambiant, et l’hiver il le réchauffe. »

Il a aussi installé un système pour récupérer le CO2 issu des fermentations. « Le CO2 passe par des tuyaux et arrive par un pipeline sur la cuverie à jus de raisin. Le CO2 chasse l’oxygène et inerte donc mes cuves avec du CO2 produit naturellement. Je utilise 90% de carbo-glace en moins. » Le CO2 est ensuite réaspiré. Le système est sécurisé par des détecteurs, assure Cédric Moussé.

Parmi les objectifs encore à atteindre figure l’élimination totale de la climatisation, sa bête noire. « Je veux arrêter la climatisation dans la cuverie. Pour les vins de réserve, on est devant un choix qualitatif et un choix écologique. En arrêtant la climatisation, je sais que c’est moins bon pour mes vins de réserve. Alors on va enterrer les cuves dans le sol. »

Des solutions en constante évolution à la vigne

Côté vignes, Cédric Moussé balaye d’entrée l’argument du surcroît d’émissions généré par le désherbage mécanique, en rappelant qu’il faut prendre en compte ce qu’émet la production de désherbant.

Certains choix évoluent. Ainsi, depuis l’an dernier, il a cessé le recours au cheval pour travailler ses parcelles qui ne sont pas mécanisables. « Mon prestataire venait en camion de 70 km, et pas forcément au bon moment. » Il a opté pour un poulailler mobile. « Mes 40 poules ont une efficacité incroyable et ça ne coûte rien », s’enthousiasme le vigneron. Il envisage de monter à 70 poules et de les mettre sur davantage de parcelles, notamment une située près de la forêt. Il compte sur elles pour s’attaquer aux chenilles mange-bourgeons, qu’il soupçonne de causer la perte de 1 000 kg par an de raisin dans la parcelle.

Recycler et valoriser ce qui existe sur place

Pour la fertilisation, il s’est groupé depuis trois ans avec 4 vignerons voisins pour élaborer du compost. Ils récupèrent du fumier de cheval ou de vaches et de la paille localement. « Nous troquons beaucoup », s’amuse-t-il. De leur côté, ils y mettent des rafles, des bois de taille. De mai à mi-octobre, le compost doit être humidifié alors il récupère « 100 % des eaux utilisées pour laver les pressoirs et les cuves » qui sont stockées dans des réservoirs enterrés.

Il n’a pas validé par une analyse chiffrée l’impact de tous ses investissements mais il n’a pas de doute sur ses progrès. « En dix-sept ans, je suis passé de 35 000 à 85 000 bouteilles, sans augmenter mes émissions », estime-t-il.

Pour ce qui est de sa consommation d’électricité, il se fie à son compteur. « Ici, c’est le même qu’à la maison alors que j’ai doublé la production. C’est un bon indicateur. Passer au compteur jaune, serait la preuve d’une mauvaise gestion ».

Des clients sensibilisés à la démarche

« En plus le vin est meilleur », lance Cédric Moussé, en soulignant que « on ne peut pas faire tout ça si on ne vend pas correctement ses bouteilles.» Il a amélioré la valorisation par rapport à l'époque de ses parents. Il indique aussi qu’il a choisi de « tout réinvestir ».

Sa démarche est présentée en photos dans l’onglet « philosophie » de son site. Il l’explicite aussi de vive voix. « Trois fois par semaine, hors période Covid, je reçois des groupes, souvent des étrangers. J’explique mon approche. Encore beaucoup de gens n’ont aucune idée de ce qu’est un bilan carbone. » Il constate que ses importateurs et ses cavistes sont de plus en plus sensibles à ce sujet. Sur le plan commercial, il a banni tous les cadeaux et autre « goodies » venus d’ailleurs et compense ses déplacements en avion.

« Il y a encore des marges d’évolutions. Notre métier a changé. Il y a une révolution. On est devenus des explorateurs », lance le vigneron en guise de conclusion.

L’exemple de la Champagne

Le Bilan Carbone® est une méthode mise au point par l’Ademe, permettant d’évaluer les émissions de gaz à l’effet de serre d’une entreprise. C’est l’outil qu’a utilisé la Champagne pour mesurer son empreinte carbone en 2003 et se fixer des objectifs de baisse des émissions dans un premier Plan carbone 2005-2015. Il a été suivi d’un second plan pour 2015-2025. La Champagne a atteint une baisse de 14 % de ses émissions en 2018 par rapport à 2003. L’objectif fixé pour 2025 est de 25 %.

Selon le bilan 2018, les principaux postes sont l’emballage (32 %), le frêt (17 %), les déplacements (13 %), les immobilisations (12 %). La vigne totalise 10 %, le vin 4 % et les intrants 9 %.

repères

Champagne Moussé fils

Localisation Cuisles (Marne)

Surface 10 hectares

Cépages pinot meunier, pinot noir, chardonnay

Production 85 000 bouteilles par an

Distribution 65 % export, 25 % cavistes et restauration, 10 % en direct.

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