Photovoltaïque : vendre ou autoconsommer ?
Le photovoltaïque est aujourd’hui la principale production d’énergie renouvelable directe des exploitations viticoles. La vente des kW produits reste le modèle économique dominant mais l’autoconsommation se développe. Les deux approches sont bien distinctes.
Le photovoltaïque est aujourd’hui la principale production d’énergie renouvelable directe des exploitations viticoles. La vente des kW produits reste le modèle économique dominant mais l’autoconsommation se développe. Les deux approches sont bien distinctes.
Depuis les années 2010, l’essor du photovoltaïque dans les exploitations agricoles a surtout concerné les installations avec injection d’électricité dans le réseau. Aujourd’hui, l’essor des démarches environnementales, les évolutions technologiques, la baisse des tarifs de rachat et l’anticipation d’une future hausse des tarifs réglementés favorisent l’essor des projets photovoltaïques d’autoconsommation. Le tarif très bas de rachat du surplus (4 cts/kWh) incite à choisir : soit revente, soit autoconsommation. Allier les deux n’est pas rentable.
Pourquoi se lancer dans un projet d’autoconsommation ?
« Le coût de l’électricité augmente beaucoup plus vite que le tarif d’achat proposé. L’autoconsommation a pour objectif premier de réduire sa facture énergétique. Le coût de l’énergie autoproduite est constant dans le temps, on maîtrise donc le coût du kWh », considère Mickaël Feuildet, gérant de Belenn Ingénierie, et formateur en énergie photovoltaïque. Il constate que les projets d’autoconsommation concernent le plus souvent des exploitations « avec des consommations journalières entre 100 kWh à 300 kWh ».
Comment définir la puissance de l’installation ?
Enzo Casnici, conseiller Énergie et environnement à la chambre d’agriculture du Rhône (CA69), pointe le problème de l’irrégularité annuelle de la consommation. « Le pic c’est plutôt en septembre alors que les mois de production maximum sont plutôt de mai à juillet. » Caractériser les besoins de son exploitation très précisément est donc essentiel. « Il faut éviter de se retrouver avec des mois de production maximum où près de 80 % de la production ne sera pas utile. »
À la chambre d’agriculture du Cher, Pierre-Guillaume Cuissinat, conseiller Énergies renouvelables, recommande de commencer par un bilan énergétique, « l’énergie la plus facile à produire étant celle qu’on ne consomme pas ». Pour définir ensuite le profil de consommation, il utilise des compteurs enregistreurs posés « à 2 saisons, sur 3 semaines » sur les principales sources de consommation.
Quelle proportion de sa consommation peut-on couvrir ?
« Avec le solaire, on arrive à 20, 30 % de la consommation d’énergie totale », indique Pierre-Guillaume Cuissinat. Le chiffre traduit le fait que le solaire est une source d’énergie intermittente. Seul le stockage peut permettre d’augmenter cet indicateur. C’est le choix opéré par le Château Poupille, à Sainte-Colombe dans le Libournais. La toiture d’un bâtiment agricole a été équipée de 200 m2 de panneaux solaires pour une puissance totale de 33,6 kWc avec une capacité de stockage de 12 kWh. Il revendique 54,4 % d’autoconsommation solaire.
Faut-il surdimensionner la puissance ?
Pour Mickaël Feuildet, surdimensionner « un peu » s’envisage pour anticiper une augmentation d’ici un à deux ans des besoins, par exemple avec l’achat d’un quad électrique. « Si la puissance talon, c’est-à-dire la puissance minimum que l’on soutire dans l’année, est par exemple de 5 kW, je vais proposer une solution technique pour 10 kWc avec des équipements qui peuvent brider la puissance s’il y a moins de consommation. Une autre approche c’est de positionner les panneaux en les répartissant entre sud, est et ouest, pour produire tout au long de la journée tout en s’affranchissant du pic de puissance de midi au soleil. On peut aussi jouer sur l’inclinaison des panneaux. »
Comment limiter la production inutilisée ?
Impossible de consommer en permanence 100 % de l’énergie produite puisque la production dépend de la météo et des heures de la journée. À moins de 70 % d’utilisation de l’énergie solaire produite, l’autoconsommation n’est pas intéressante. Le bridage permet d’éviter de produire de l’électricité lorsque le besoin n’est pas là. Le stockage permet, lui de différer la consommation. Mais sa viabilité divise encore les spécialistes. Enzo Casnici (CA 69) estime qu’au-delà du coût élevé, « on perd de l’énergie en passant par l’onduleur et la batterie ».
Mickaël Feuildet constate aussi que le coût engendré par le stockage « ne passe pas économiquement » car le coût du kwh payé par le consommateur français est peu élevé (moitié moins cher qu’en Allemagne) mais que « sur le plan technique, tout est opérationnel depuis deux ans ».
Le coût des batteries va-t-il baisser ?
Mickaël Feuildet indique un coût actuel « autour de 300 euros le kWh stocké » et qu’à moins de 100 euros, le coût devient compétitif. L’augmentation des tarifs réglementés au fil des ans est aussi à prendre en compte. « Avec une progression de 5 % par an, d’ici deux ou trois ans, investir dans le stockage sera valable. » Selon lui, le reconditionnement des batteries des voitures électriques (qui perdent en performance au bout de trois ans) pour une utilisation statique va doper le marché du stockage et « faire baisser le coût de stockage de 30 à 40 % ».
En savoir plus
kWc ou kilowatt-crête est l’unité pour indiquer la puissance atteinte par un panneau solaire lorsqu’il est exposé à un rayonnement solaire maximal.
Pour revendre : viser grand
Pour la revente, Enzo Casnici rappelle la nécessite de dimensionner l’installation en fonction des 3 paliers de tarifs de rachat : 9 kWc (environ 60 m2 de panneaux), 36 kWc (~280 m2) et 100 kWc (~600 m2) pour être rentable. Il constate que dans la filière, on arrive plutôt sur des bâtiments « de taille intermédiaire avec 120 à 150 m2 de surface exploitable ». Il ne voit pas l’intérêt économique d’une centrale de 9kWc. À moins de 500 m2 de toiture, Pierre-Guillaume Cuissinat estime que le modèle de la revente n’est à l’heure actuelle pas rentable, et que voir grand, offre justement des opportunités : « aujourd’hui quand on a besoin d’un hangar, on pense photovoltaïque ». Christophe Tichadou, expert-comptable au sein d’Alliance Expert, a suivi une vingtaine de projets parmi ses exploitations viticoles clientes et a toujours constaté leur satisfaction. Lorsqu’il examine les projets d’investissements, il décote toujours les prévisions très optimistes des opérateurs, pour « créer une situation au pire ». Pour les installations de centrales voltaïques standards, il conseille aussi de bien vérifier la compatibilité avec ses besoins compte tenu de la pente des toitures.
Quant à l’agrivoltaïsme, encore naissant en vigne, il concerne lui aussi de grandes installations dont la production est gérée par l’installateur avec vente sur le réseau dans le cadre d’appel d’offres.
Quel que soit le projet photovoltaïque, se faire conseiller est indispensable, par exemple par le conseiller énergie de sa chambre d’agriculture. À étudier aussi l’impact fiscal, la répartition du crédit ou encore la modification du contrat d’assurance.