L’apport de compost animal dépend surtout des ressources locales
Fumier ou compost ; origine bovine, équine, ou porcine ; produit du marché ou fait maison… L’offre est pléthorique. Mais malgré des valeurs fertilisantes fort distinctes, les vignerons choisissent surtout leur produit en fonction de l’offre à proximité de leur exploitation.
Fumier ou compost ; origine bovine, équine, ou porcine ; produit du marché ou fait maison… L’offre est pléthorique. Mais malgré des valeurs fertilisantes fort distinctes, les vignerons choisissent surtout leur produit en fonction de l’offre à proximité de leur exploitation.
Il n’est pas facile d’y voir clair dans le méandre des engrais et amendements organiques d’origine animale. Néanmoins, de grandes lignes permettent de choisir le fertilisant le plus adapté à son objectif et à ses sols.
Tout d’abord, il est possible d’opter pour un fumier ou pour un compost. Ce dernier revêt divers avantages, dont un non négligeable : il est plus concentré que le fumier. Il suffit donc, par exemple, d’apporter 25 t de compost là où on aurait dû épandre 50 t de fumier. Cela simplifie l’épandage et les manutentions. « Le compost est un produit plus concentré en éléments minéraux, confirme Blaise Leclerc, expert matière organique à l’Itab, et qui amène une matière plus stabilisée au niveau du carbone. L’azote du compost se libère plus lentement que celui du fumier, ce qui convient bien à la vigne. » En revanche, qui dit compost, dit étape supplémentaire, et logistique adaptée : aire de stockage bétonnée accessible aux camions et à distance des habitations, et présence d’une retourneuse.
En ce qui concerne le type de fumier ou de compost, même si pour Jean-Yves Cahurel, de l’IFV, l’essentiel n’est pas le type d’animal mais la bonne réalisation du fumier et du compost, chaque provenance a son intérêt et ses caractéristiques (voir tableau ci-dessus). « Le compost et le fumier de mouton sont plus concentrés que ceux de vache, détaille ainsi Blaise Leclerc. Ils contiennent également davantage de potasse. » En revanche, le compostage de fumier d’ovin est complexe, car la matière est très sèche et nécessite beaucoup de réhydratation.
Les fumiers et composts équins sont plus riches que les bovins. Quant aux fumiers et composts de cochon, ils se distinguent des produits précédents par leur concentration en phosphore. Mais le produit le plus riche, et de très loin, est la fiente de volaille, qui contient notamment beaucoup d’azote et de phosphore.
Attention à la volatilisation de l’azote
« C’est un produit coup de fouet, rapporte Jean-Yves Cahurel. Il faut bien calculer les besoins. Mais il n’a pas du tout d’effet amendant ; il n’apporte pas de matière organique au sol. » Par ailleurs, à l’épandage, « il faut faire attention à bien respecter les directives nitrates et, si on est en bio, la réglementation AB », prévient Blaise Leclerc. D’un point de vue concret, Jean-Yves Cahurel suggère de recouvrir les fientes pour éviter toute volatilisation de l’azote. Autre difficulté selon les experts : les apports en fientes doivent être limités à 8 à 10 t/ha, ce qui est difficile à faire d’un point de vue pratique et nécessite de rouler très vite avec l’épandeur.
Des éleveurs dévalisés d’une année sur l’autre
Dans la pratique, malgré ces différences de composition, c’est souvent plus la proximité géographique avec un éleveur, un centre équestre, ou encore une usine, qui font que les vignerons se dirigent vers tel ou tel type d’apport. C’est notamment ce qui a entraîné Jérôme Zaros, vigneron sur 22 ha à La Sauve-Majeure, en Gironde, vers la fiente de poule il y a deux ans. Et il ne reviendrait pour rien en arrière.
« Notre sol de boulbènes a un taux de matière organique correct, explique-t-il. Donc hormis la fumure de fond à la plantation, nous ne réalisons pas d’amendement. En revanche, nous apportons des engrais pour compenser les pertes annuelles. Auparavant, nous utilisions des organo-minéraux. Mais le résultat sur la vigne n’était pas régulier. Il était fonction des précipitations, de la chaleur, etc. Je souhaitais un produit plus constant. » Après discussion avec son conseiller de chambre d’agriculture, il s’est tourné vers la fiente de poule, les éleveurs étant rares dans sa région, et dévalisés d’une année sur l’autre.
De la fiente de poule déshydratée sous forme de bouchons
« J’achète la fiente sous forme pure et déshydratée, en sortie d’usine », relate-t-il. Le produit est facilement épandable, puisqu’il se présente sous forme de bouchons. Il passe dans le même épandeur que les organo-minéraux, et est projeté en surface, où il se dégrade.
Autre atout des fientes : elles sont bon marché. Jérôme Zaros estime s’en sortir pour environ 150 à 160 €/ha. Un rapport qualité/prix qu’il juge imbattable. Car c’est un autre atout du produit : appliqué fin mars, il donne un résultat dans l’année. « La vigne est beaucoup plus vigoureuse, très verte et très poussante », se réjouit-il. Seul bémol du produit : Jérôme Zaros estime qu’il est assez difficile de trouver la dose exacte pour éviter les excès de vigueur. À noter qu’il combine cette fertilisation à des engrais verts, qu’il met en place un rang sur deux depuis trois ans.
Le compostage de fumier, une opération simple
De son côté, Hélène Thibon, du Mas de Libian en Ardèche, réalise un compost de bovin depuis six ans avec un voisin vigneron. Une opération très laborieuse, qui ne lui donne pas entière satisfaction. « La difficulté est de trouver un éleveur fiable, qui travaille bien, et qui ne soit pas trop loin », relève-t-elle. Après avoir étudié toutes les ressources locales (centres équestres, élevages, etc.), elle a fini par dénicher un éleveur bovin, qui leur fournit environ 200 t de fumier/an ; la moitié pour elle, l’autre pour son voisin, à raison de 25 €/t. « Mais cela ne se fait pas sans mal, soupire-t-elle. On ne sait jamais quel volume on va avoir, ni quand on va le recevoir. Or il faut que nous en disposions fin février, pour avoir le temps de réaliser un mois de compostage puis d’épandre le compost, avant de griffer et décavaillonner le sol. »
En revanche, l’opération est simple. « Après réception du fumier, nous devons bien former les tas au chargeur, puis passer la retourneuse, décrit Hélène Thibon. Ensuite nous bâchons les tas, puis repassons la retourneuse une fois. » Un travail qu’elle ne juge pas trop chronophage, pas plus que l’épandage, pour peu d’être bien équipé.
Autre problème, la dose de compost est trop faible pour pouvoir fertiliser la totalité de ses 25 ha. « Je dois effectuer des rotations, confirme-t-elle. J’épands environ 10 t/ha sur mes sables marins qui sont les sols en ayant le plus besoin. Ensuite, je mets 5 t/ha sur les galets roulés avec de l’argile. Quant aux parcelles de marnes argileuses et de lœss, je n’y passe qu’un an sur deux. » Un système qui trouve donc ses limites : si les carences en azote des moûts ont diminué, elles sont toujours présentes et la vigueur des vignes un peu faible.
« Je vais abandonner l’idée du compost, confie-t-elle. L’approvisionnement est trop compliqué. Je prendrai ce que l’éleveur nous fournit et à partir de cette année, je vais également implanter des engrais verts. » Avant d’opter pour cette solution, elle s’est renseignée sur un approvisionnement auprès d’Ovinalp. « Le viticulteur fournit son cahier des charges à l’entreprise, qui travaille alors selon ses souhaits, décrit-elle. C’est super, mais trop cher pour nous. »
Des produits commerciaux plus efficaces
Un peu plus au nord, à Montgueux dans l’Aube, Benoît Velut, du Champagne Velut, a quant à lui abandonné le compost de fumier de cheval il y a trois ans, au profit du Guanumus (engrais organique du commerce à base de guano de poisson) et du Bochevo (produit du commerce à base de fumier et de déjections de volaille, vache et cheval). « La logistique était trop lourde, témoigne-t-il. Il fallait sans cesse aller cherche le fumier dans la ferme équestre, le mélanger, l’amener en bout de parcelle, charger l’épandeur. » Par ailleurs, ce dernier étant très pailleux, le compostage nécessitait de longs mois, pour un résultat qui n’était pas à la hauteur dans ses terres de craie.
« Nous épandions ce compost à raison de 2 ou 3 t/ha, avec des écorces de chêne, un rang sur deux, l’autre étant enherbé, se remémore-t-il. Le taux de matière organique de notre sol était très bon. Mais l’apport azoté était insuffisant ; le rapport C/N était trop en faveur du carbone. Du coup, la vigueur et les rendements de nos vignes étaient un peu faibles. » Depuis trois ans qu’il emploie des préparations du commerce, il commence à voir le résultat ; les rendements se redressent. Il estime même s’y retrouver d’un point de vue financier : « même si le fumier était gratuit, vu le temps passé, cela nous revenait au même prix que maintenant », conclut-il. Comme quoi, il est important de bien raisonner tous les aspects du problèmes avant de se lancer.
Découvrez les autres articles de notre dossier ici :
Matière organique à la vigne : mode d'emploi
Le compost végétal, une solution bon marché pour un travail de fond