William Saurin, une affaire hors norme
Le rachat de William Saurin par Cofigeo (marques Zapetti et Raynal et Roquelaure) est une affaire hors norme à plus d’un titre. Hors norme parce qu’il s’agit d’une opération liée « à la déconfiture de Turenne Lafayette », comme l’a rappelé elle-même Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence. Turenne Lafayette, groupe construit par la non moins hors norme Monique Piffaut ! Après le décès de cette dernière et la découverte des comptes truqués de son empire agroalimentaire, l’État avait beaucoup investi pour le sauvetage de l’outil industriel et des très nombreux emplois associés. Un soutien d’ordre financier, avec le dépôt de 70 millions d’euros sur un fonds spécifique, et un accompagnement dans la recherche de repreneurs, organisée par la banque Rothschild et sous l’égide d’un conciliateur (dans le cadre de la procédure prépack). Ceci explique sûrement pourquoi Bruno Le Maire a usé de son pouvoir d’évocation pour suspendre l’injonction faite par l’Autorité de la concurrence à Cofigeo, de céder la marque Zapetti et une usine, pour que l’opération soit définitivement acceptée. Une première en France depuis l’adoption, en 2008, du nouveau cadre législatif applicable au contrôle des concentrations et créant l’Autorité de la concurrence. Bercy doit désormais statuer sur l’opération d’ici au 19 juillet pour « des motifs d’intérêt général autres que le maintien de la concurrence, et le cas échéant, compensant l’atteinte portée à cette dernière par l’opération ». S’il décide d’aller contre l’avis de l’Autorité de la concurrence, le ministre de l’Économie devra évoquer le développement industriel, la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale ou la création ou le maintien de l’emploi. Et sûrement rassurer sur l’évolution du prix des raviolis en boîte, considérés par l’Autorité de la concurrence comme « des produits de fond de placard, des produits alimentaires de première nécessité, achetés par les ménages les plus modestes ». Boîtes de conserve pour lesquelles la grande distribution souhaite s’approvisionner en France. À affaire hors norme… décision hors norme ? Attendons le verdict de Bruno Le Maire.