Vins : la crise structurelle camouflée par la conjoncture
Dans notre édition du 16 janvier dernier nous avons brièvement commenté les déclarations de Denis Verdier, président de la confédération des coopératives vinicoles et de l’Onivins à propos de la crise qui menace la production viticole française et que camoufle peu ou prou une campagne atypique. La faible production 2003 a en effet redonné du lustre à la catégorie la plus méprisée, les vins de table. Elle a permis d’alléger des stocks largement excédentaires dans certaines régions et de redresser globalement les prix, notamment en vins de table, un peu moins en vins de pays, et beaucoup moins en appellation d’origine contrôlée (AOC) qui subissent parfois des baisses malgré la modicité de la récolte 2003. On ne peut compter sur un équilibre de marché fondé sur la sous-production et si la prochaine vendange retrouve un niveau simplement normal, de l’ordre de 48 millions d’hectolitres, l’artificielle euphorie de l’actuelle campagne sera vite oubliée.
Denis Verdier, paraphrasant le diction « c’est au pied du mur qu’on voit le maçon », considère que « c’est au pied du mur qu’on voit le mur» et qu’il ne faut pas attendre le stade de la crise aigüe pour la surmonter. C’est pourquoi le président de la CCVF préfère anticiper et « tirer la sonnette d’alarme» avant que se déclare une crise jugée inévitable. Le président du Comité Vins de l’Inao, René Renou, ne cache pas non plus sa crainte de crise grave dans certaines AOC et sans dévoiler la stratégie qu’il souhaiterait appliquer pour les résoudre, il est évident qu’il a quelques idées sur le sujet.
Un plan de réduction drastique pour les AOC
Pour sa part, le président des caves coopératives n’hésite pas à inclure les appelations, même les plus prestigieuses, dans un plan de réduction drastique de la production viticole en général. Cette réduction de la production dans les AOC qui subissent un état de mévente structurel pourrait passer par la réduction des rendements ou des règles qualitatives renforcées. Denis Verdier -plus en tant que président de l’Onivins que de la CCVF- souhaite d’ailleurs un débat rapide, c’est-à-dire avant la fin de la campagne, avec l’Inao pour « fixer une ligne».
C’est aussi parmi les actions à court terme que le président Verdier suggère une pause dans l’attribution des droits de plantation, qui épargnerait néanmoins les jeunes viticulteurs. À plus long terme, c’est la politique d’arrachage volontaire que prône Denis Verdier ; c’est un système qui a été appliqué avec un certain succès en 2002-2003 en Languedoc-Roussillon, aboutissant à l’arrachage de quelque 10 000 hectares.
Relancer le marché à l’export
Cette politique de discipline de production ne constitue cependant pas la solution unique à la crise de ce marché. On ne gagne pas des batailles en battant en retraite.
Le retour à l’équilibre de l’économie vitivinicole française passe aussi par la relance des ventes sur un marché intérieur en baisse mais surtout à l’exportation d’où l’essentiel du salut est censé venir.
La réplique à ces attaques est rendue difficile précisément par les restrictions imposées à la communication et le palliatif résiderait plutôt dans le marketing auprès des jeunes ou des ménagères mal informés sur le vin. Cependant, c’est d’abord dans l’exportation que Denis Verdier voit, comme la plupart des observateurs, l’essentiel du salut. Marché intérieur ou exportation, le président de la CCVF privilégie la politique des marques. « Il faut regarder les choses en faceplaide-t-il, l’AOC seule n’est plus suffisante pour attirer les consommateurs. Ne soyons pas têtus et créons des marques en parallèle avec l’AOC. Préconisons la contractualisation avec le commerce sur la base d’un cahier des charges qualitatif avec le partage de la valeur ajoutée entre coop et négoce pour créer ces marques ».
La page de CAP 2010 est définitivement tournée. On pourrait gloser sur ce que l’on avait baptisé « l’Arlésienne » et que Denis Verdier enterre définitivement. Mais il a retiré de ce projet quelques idées majeures tout en éliminant celle qui a fait achopper le Cap : la création d’un «Vin de cépages de France».