Ventes de fruits et légumes frais sur les marchés de gros : précision ou confusion ?
Le décret attendu « sur les ventes au carreau », publié le 17 septembre au Journal officiel, est entré en vigueur le lendemain. Sans recours au contexte, il serait difficilement compréhensible.
Rédaction Réussir
Le décret du 15 septembre 2011 vient apporter quelques précisions en matière de contractualisation des ventes de fruits et légumes frais. Il donne notamment une définition du producteur et assouplit les obligations contractuelles pour les achats de fruits et légumes frais effectués sur les marchés de gros à des producteurs.
Lors de la mise en œuvre de la réglementation relative à la contractualisation en matière de fruits et légumes frais, on s’est aperçu qu’il n’existait aucun texte définissant le « producteur » qui fait pourtant l’objet de toutes les attentions du code rural. L’article L. 311-1 de ce code donne en effet une définition de l’activité agricole mais rien n’est dit du producteur agricole, pas même pour préciser qu’il est celui qui exerce une telle activité. C’est donc par la petite porte, celle d’un décret modificatif, que cette définition est insérée à l’article R.631-11 du code rural, mais elle n’est valable que pour les producteurs de fruits et légumes frais et uniquement dans le cadre des dispositions relatives à la contractualisation : est producteur « toute personne qui exerce une activité agricole et qui vend les fruits et légumes qu’elle a produits dans le cadre de cette activité ». Deux questions en résultent : la personne peut-elle être physique ou morale ? Oui, faute de précision. Les fruits et légumes doivent-ils avoir été produits par la personne elle-même ou peuvent-ils l’avoir été par un préposé ? L’utilisation de la locution « qu’elle a produits » plutôt que du seul mot « produits » pourrait laisser penser que n’est producteur que celui qui produit personnellement, par lui-même…
L’obligation du contrat écrit
On le sait, l’article R.631-14 dispose en son premier alinéa que la durée du contrat d’achat de fruits et légumes frais ne peut être inférieure à trois ans. La question s’est vite posée des modalités selon lesquelles pouvaient être contractualisés sur cette durée les achats effectués auprès des producteurs sur le carreau des marchés de gros, que ce soit par des grossistes ou par d’autres acheteurs, notamment les détaillants ou restaurateurs qui aiment à s’y approvisionner. Une solution aurait pu être de les exempter purement et simplement de contrat écrit, mais ce n’est pas celle qui a été retenue : l’obligation de proposer un contrat écrit demeure donc. Mais, pour ces contrats, la durée proposée pourra être inférieure à un an (et non trois), ce qui peut aller jusqu’au contrat instantané, pourvu qu’il soit écrit. Soit, mais quels contrats ? Les contrats « fermes », ce qui n’a guère de signification juridique, « d’achats de produits sur un marché d’intérêt national (…) ou sur un autre marché physique de gros de produits agricoles ». Or, le juriste sait que l’achat est conclu au lieu où se rencontre le consentement du vendeur et de l’acheteur, sans aucun égard pour celui où se trouve la marchandise : d’aucuns ont considéré dès lors que la durée dérogatoire de moins d’un an telle que prévue par le décret pouvait s’appliquer toutes les fois que le consentement du vendeur était reçu sur un marché de gros (théorie de la réception du consentement), quand bien même les produits ne s’y trouveraient pas… Il serait aléatoire de s’engager dans cette voie : tel n’est pas, en effet, l’esprit du décret, dont la notice précise qu’il vise « l’hypothèse où le producteur, sur un marché physique de gros (marché d’intérêt national notamment), commercialise directement ses produits auprès d’une diversité d’acheteurs (restaurateurs, grossistes, détaillants...) » : la notice est plus claire que le décret lui-même, mais elle l’éclaire et en guide l’interprétation. Curieux temps où seule la connaissance du contexte permet la compréhension des textes.