Un rapport de l’Igas accable les trois PNNS
« À vouloir avancer par consensus, le PNNS n’a jamais été en capacité d’adopter des mesures dont l’efficacité est pourtant reconnue. Il a alors occulté, au nom du consensus et des intérêts des parties prenantes, des aspects importants de la problématique nutritionnelle », dénonce un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas), qui après plus d’un an dans les tiroirs vient enfin d’être publié. L’équipe chargée de l’évaluation du programme national nutrition santé (PNNS) – Charles de Batz, Félix Faucon, Dominique Voynet – n’y va pas avec le dos de la cuillère : « il a insuffisamment pris en compte les actions possibles sur l’offre, tant le pouvoir des lobbies de l’agroalimentaire est puissant », écrivent-ils. « Plusieurs des interlocuteurs de la mission ont évoqué le fait que certains repères nutritionnels conseillés ont été, au moins en partie, influencés par l’industrie (ex : produits laitiers). D’autres ont souligné que les “engagements volontaires” étaient parfois apparus comme une stratégie destinée à “gagner du temps” », pointe par exemple le rapport de l’Igas.
Après un élan initial qui a vu se conclure plus d’une trentaine de chartes nutritionnelles (37 exactement), entre 2008 et 2012, le dispositif « est aujourd’hui en panne, estiment les rapporteurs, et il est concurrencé voire confondu avec celui proposé par le ministère de l’Agriculture (chartes PNA, ndlr) ». Si ce dernier dispositif semble mieux ciblé et plus adapté pour convaincre et éduquer le consommateur, « le résultat des cinq “accords collectifs volontaires pour l’amélioration de la qualité nutritionnelle des aliments” validés n’est pas davantage probant », concluent-ils.
Une dynamique trop verticale, trop descendante
Ils critiquent d’une manière générale les confusions, voire la concurrence, créées par d’autres plans comme le programme national pour l'alimentation (PNA) et le plan sport santé et bien-être. « Le PNA est vu par les acteurs de la santé comme un contrefeu au PNNS répondant à la demande des lobbies des producteurs et industriels de l’agroalimentaire comme des distributeurs », est-il écrit dans le rapport.
Pire, étant restés dans l’ambigüité en s’adressant à la fois au grand public et aux professionnels de santé, les trois PNNS n’ont pas atteint leur but : à savoir toucher l’une de leur cible prioritaire que sont les populations précaires. L’Igas pointe en effet du doigt des messages d’information nutritionnelle confortant les inégalités et susceptibles de générer « un sentiment d’impuissance et de culpabilité au sein de ces populations ». « La dynamique globale du PNNS, trop verticale, trop descendante, et la nature même des actions doivent donc être réinterrogées », conclut le rapport.
Une pression fiscale préconisée pour le prochain programme
« Comme la précédente mission d’évaluation du PNNS, la mission considère que la reconduction du plan en l’état n’est pas souhaitable », conclut le rapport de l’Igas qui propose une série de recommandations pour le transformer en profondeur. Parmi elles : la mise en place d’une « pression fiscale significative sur les produits de médiocre qualité nutritionnelle », des actions d’amélioration de l’accès des personnes cible aux fruits et légumes de saison, ou encore interdire toute forme de publicité alimentaire sur tout support visant les enfants de 12 ans et moins. Le rapport de l’Igas stipule aussi « l’abandon d’une posture trop normative et hygiéniste, la promotion du bien-vivre comme condition du bien-être et de la bonne santé, au cœur du successeur du PNNS 3 ».