Loi Descrozaille : pourquoi ce n'est pas fini
[Tribune] Hervé Lecaillon, avocat associé cabinet Fidal (département concurrence-distribution), revient pour Les Marchés sur les enjeux à venir concernant la loi Descrozaille et le fameux article 3. Des débats pourraient encore avoir lieu dans le cadre de l'Assemblée nationale pour la future Egalim 3.
[Tribune] Hervé Lecaillon, avocat associé cabinet Fidal (département concurrence-distribution), revient pour Les Marchés sur les enjeux à venir concernant la loi Descrozaille et le fameux article 3. Des débats pourraient encore avoir lieu dans le cadre de l'Assemblée nationale pour la future Egalim 3.
Le 15 mars 2023, la proposition de loi « Descrozaille » a été adoptée en commission mixte paritaire (CMP) laquelle avait été saisie le 16 février dernier. Les observateurs s’accordent déjà à la désigner par le raccourci d’« EGALIM 3 ».
Pourtant, en coulisses, le Gouvernement semble exprimer bien des réserves sur la version adoptée par la CMP, tant elle reprend bon nombre de propositions adoptée le Sénat le 15 février dernier.
Même si l’adoption par l’Assemblée nationale est programmée pour le 21 mars prochain, celle-ci n’est pas encore certaine en l’état actuel du texte car le Gouvernement envisagerait de faire valoir certains amendements.
Le texte retenu en CMP fait suite à certains revirements importants au cours des débats parlementaires. Dans un contexte économique difficile et marqué par une forte inflation, sa version finale va toutefois à l’avantage des fournisseurs.
Le texte adopté par la CMP tente de trancher l’épineuse question de l’encadrement de la relation en l’absence d’accord au 1re mars entre fournisseur et distributeur.
Va-t-on vers une clarification ? rien n’est moins sûr.
Les fournisseurs remportent une victoire : les conséquences d’une absence de signature de l’accord au 1er mars.
Dans la version de la proposition de loi adoptée par les députés, il était prévu la possibilité, pour chacune des parties, d’interrompre la relation, sans que l’autre ne puisse invoquer une rupture brutale de la relation commerciale, pratique restrictive de concurrence prohibée à l’article L.442-1 du code de commerce.
Cette disposition avait toutefois provoqué l’inquiétude des fournisseurs, principalement PME et ETI, fortement exposés au risque d’un déréférencement subi en cas d’absence de signature à la date-butoir. En revanche, elle apportait satisfaction aux distributeurs.
Dans la version adoptée par le Sénat le 15 février 2023 et reprise en grande partie par la CMP le 15 mars 2023, toutefois, seul le fournisseur dispose désormais de cette possibilité, assortie d’une option : soit interrompre ses livraisons jusqu’à la signature même tardive d’un accord, soit réclamer au distributeur l’application d’un préavis.
Concernant la question du prix applicable en période de préavis, la version de la proposition de loi précise que le préavis doit tenir compte « pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties ».
La formule reste ambiguë. Certes, elle laisse entendre que le prix applicable en préavis post-1er mars ne sera pas le prix convenu dans l’accord annuel précédent. Mais elle n’indique pas pour autant ce que sera le socle du prix applicable au préavis.
Toutefois, le point est à mettre en perspective avec le principe de non-discrimination, réintroduit par la loi EGALIM 2 dans le secteur alimentaire, dont une interprétation logique voudrait qu’à compter du 2 mars, le fournisseur applique le même tarif à tous ses clients, qu’il se trouve ou non en situation de préavis. Sur ce point, la proposition de loi EGALIM 3 aurait pu être plus explicite.
Il conviendra de suivre avec attention le vote des députés sur cette proposition de loi, prévue mardi prochain 21 mars, avec l’éventuelle intervention du pouvoir exécutif.
Autre point d’attention, la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi.