Sodas et alcools : de la difficulté à instaurer une taxe
Annoncée en plein cœur de l’été par le gouvernement, la création d’une taxe sur les sodas et d’une augmentation de celles existantes concernant les alcools forts, ne passe pas inaperçue.
Rédaction Réussir
Le projet de loi de finance pour 2012 a été présenté par François Baroin et Valérie Pécresse mercredi 28 septembre en Conseil des ministres. La communication qui s’en est suivie confirme ses orientations.
C’est l’occasion de rappeler que dans une Union européenne dont l’union douanière est réalisée depuis plus de 40 ans, les choix politiques à l’origine de la mise en jeu de la fiscalité d’un État membre ne sont jamais évidents, et souvent sujet à critiques.
Une jurisprudence bien établie au niveau communautaire s’est en effet dégagée autour des notions de taxes d’effet équivalent (à des droits de douane) ou encore de taxes intérieures discriminatoires.
La première frappe exclusivement le produit importé alors que la seconde frappe à la fois le produit importé et le produit national.
Une taxe qui ne touche que des produits importés ne peut jamais être licite au regard du droit communautaire. Mais ce n’est pas parce qu’une taxe aurait vocation, sur le papier, à frapper les produits importés et les produits nationaux que dans les faits, cette mise en œuvre de la politique fiscale par un État membre ne serait pas sujette à critiques.
La nouvelle contribution spécifique que le gouvernement se propose de créer sur les boissons contenant des sucres ajoutés est donc forcément d’ores et déjà regardée de près par les industriels.
D’après le ministère de l’Économie, cette taxe serait supportée par les fabricants, les importateurs de boissons sucrées ainsi que les personnes qui fournissent à leurs clients de telles boissons.
L’assiette de la taxe, visant un ensemble de boissons contenant des sucres ajoutés comme des sodas, certains jus de fruits et les eaux aromatisées, semble garantir une conformité de cette création aux exigences du droit communautaire.
Mais si, par hypothèse, ces produits n’avaient été disponibles que par la voie de l’importation, le problème se serait posé différemment sous l’angle des mesures intérieures discriminatoires.
Les mesures intérieures discriminatoires
En pratique, ce problème se pose souvent. Souvenons-nous qu’au début des années 1980, le gouvernement français avait imaginé de créer une taxe différentielle sous forme d’une « super vignette » uniquement applicable aux véhicules de plus de 16 chevaux. Or, aucun des véhicules fabriqués en France n’atteignait cette cylindrée.
La super vignette avait donc un effet manifestement discriminatoire à l’égard des véhicules importés.
Pour les alcools forts, le problème est un peu différent car il ne s’agit pas de créer une nouvelle taxe mais d’augmenter celle qui existe déjà.
Au demeurant, le gouvernement indique vouloir développer la fiscalité comportementale pour inciter à la modification des comportements.
Il ne fait aucun doute qu’il puisse s’appuyer en cela sur des motifs de santé publique largement admis par les dispositions de l’article 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. L’interrogation vient d’ailleurs. Il semble en effet qu’une exemption soit ou ait été envisagée pour les produits régionaux tels que cognac et armagnac ou autre calvados. Outre le fait que la mise en œuvre d’une telle exemption paraît peu compatible avec la mise en avant d’un principe de défense de santé publique, il est surtout bien fixé en jurisprudence que la règlementation qui exonère certains produits nationaux d’une imposition intérieure à l’exclusion des produits importés est contraire au droit de l’Union.
Dans un tel contexte, cette exemption paraît donc difficile à mettre en œuvre. La guerre des niches fiscales ne fait que commencer, chacun voulant protéger son avantage, au point de se demander si une réforme de la fiscalité d’ensemble ne serait pas plus simple.